Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
T

thesis

Mot grec signifiant « posé » et qui s'oppose à arsis qui signifie « levé ».

L'usage actuel le plus fréquent attribue au posé (thesis) l'appui rythmique dont le levé (arsis) n'est que la préparation ou la répercussion, mais cet usage n'est pas universel et d'innombrables discussions n'ont cessé d'avoir cours sur ce sujet. Si l'on se réfère à la gestique de la battue de mesure, on constate que l'école n'a cessé d'enseigner la coïncidence de l'appui (ICTUS) avec le geste de descente de la main, alors que beaucoup, instinctivement, pratiquent l'assimilation inverse. Si l'on se réfère à l'écriture musicale, la conclusion est analogue : on enseigne la coïncidence du « temps fort » avec le premier temps de la mesure, après la barre, alors que le phrasé exige souvent le déplacement de l'appui de cet emplacement (thesis) à l'anacrouse arsique. L'ancienne battue de mesure se faisait volontiers de gauche à droite et vice versa, en arc de cercle, ce qui excluait toute distinction entre arsis et thesis.

   Ces deux termes sont parfois employés en métrique ; ils signifient alors simplement élévation ou abaissement de la voix.

   On appelait autrefois fugue par arsis et thesis un genre particulier de fugue, dit aussi contre-fugue, dans lequel à l'exposition du sujet correspondait une réponse par renversement du sujet. Bach a inclus des contre-fugues de ce genre dans son Art de la fugue.

Thibaud (Jacques)

Violoniste français (Bordeaux 1880 – Mont-Cemet 1953).

À cinq ans, il donne son premier récital ­ de piano ­, mais c'est à douze ans qu'il fait ses débuts publics au violon, à Angers, interprétant notamment la Romance en fa de Beethoven. En 1892, à Bordeaux, il joue le Concerto de Wieniawski. Encouragé par Ysaye, il devient, en 1893, au Conservatoire de Paris, l'élève d'un autre maître belge du violon, Martin Marsick (le professeur de Carl Flesch et de George Enesco). Il suit également les classes d'harmonie de Pugno et de Xavier Leroux. En 1896, il succède à Lucien Capet comme violon solo des concerts Rouge.

   Remarqué par Édouard Colonne, qui l'engage dans son orchestre comme violon de rang, puis rapidement comme second violon solo, il devient célèbre du jour au lendemain par son interprétation du Prélude de l'oratorio le Déluge de Saint-Saëns. Ses premières tournées en 1903 en Allemagne et en Amérique marquent le début de sa gloire.

   Entre deux tours du monde, il s'adonne à la musique de chambre, en compagnie de Cortot et de Casals avec qui il forme, de 1905 à 1935, un célèbre trio. Hédoniste, l'art de Thibaud ignore l'effort, la rigueur de tempo ou de style, il n'est que séduction, tendresse instinctive, pure invite au bonheur. Idéalement accordé à l'esprit de Mozart et au romantisme fin de siècle de Saint-Saëns, Lalo, Chausson, Franck, il convainc moins dans le répertoire germanique et gagne à être balancé par la rigueur de Cortot et l'élan de Casals. Les enregistrements du trio (Schubert, Mendelssohn, Beethoven, Haydn, Schumann) restent les meilleurs témoignages de son art, au milieu d'une discographie éparpillée en pièces de bravoure (dont une Danse espagnole composée pour lui par Granados).

   Chef d'orchestre occasionnel, il est le plus souvent accompagné par le fidèle Tasso Janopoulo, son alter ego depuis 1923. Armé de son Carlo Bergonzi, puis du stradivarius « Baillot », Jacques Thibaud joue encore à soixante-dix ans passés, jusqu'à son dernier concert à Biarritz quelques jours avant l'accident de l'avion qui l'emportait une fois encore au Japon. Il laisse pour perpétuer son souvenir un concours international créé en 1943 en compagnie de Marguerite Long.

Thibault (Geneviève, comtesse Hubert de Chambure)

Musicologue française (Neuilly-sur-Seine 1902 – Strasbourg 1975).

Diplômée d'études supérieures de la Sorbonne en 1920 avec une thèse sur John Dowland, et de l'École pratique des hautes études en 1952 (édition du Chansonnier de Jean de Montchenu), elle écrit avec A. Pirro une thèse sur la Chanson française et la Musique instrumentale de 1450 à 1550. Ayant développé très jeune un intérêt pour les instruments anciens dont elle rassemble une collection de très grande valeur, elle est cofondatrice, en 1925, de la Société de musique d'autrefois, au sein de laquelle elle collabore à la publication de Textes musicaux (à partir de 1954) et d'une revue, les Annales musicologiques (à partir de 1955). De 1961 à 1973, elle est conservateur du Musée instrumental du Conservatoire de Paris. Elle se spécialise dans la musique des XVe et XVIe siècles, en particulier dans la chanson française, en publiant plusieurs ouvrages et articles sur les musiciens de l'entourage de Ronsard, et en réalisant de nombreuses études sur des manuscrits et chansonniers de l'époque, et des bibliographies d'éditeurs (Nicolas du Chemin, A. Le Roy et R. Ballard).

Thibaut de Courville (Joachim)

Compositeur, chanteur et instrumentiste français ( ? v. 1535 – Paris 1581).

Il tenait à la cour le poste de joueur de lyre. En 1570, il fonda avec J.-A. de Baïf l'Académie de poésie et de musique, à laquelle appartenaient également les compositeurs Cl. Le Jeune et J. Mauduit. Le musicien et le poète tentèrent de réussir une harmonie parfaite entre les deux arts. Malheureusement, très peu d'œuvres de Thibaut de Courville subsistent : trois airs dans le livre d'Airs mis en musique de son élève italien F. Caietain et cinq pièces strophiques pour voix et luth insérées dans les recueils de G. Bataille (début du XVIe s.). Deux d'entre elles, sur des poèmes de Desportes (Si je languis d'un martire incogneu ­ qui comporte une ornementation vocale virtuose et ressemble ainsi à un « double » ­ et Sont-ce dards ou regards), ont été éditées par A. Verchaly (Airs de cour pour voix et luth, Paris, 1961).

Thibaut IV le Chansonnier

Trouvère français, comte de Champagne et de Brie, et roi de Navarre (Troyes 1201 – Pampelune 1253).

Petit-fils de Marie de France, elle-même petite-fille de Guillaume IX d'Aquitaine, il est le descendant d'une lignée impressionnante de poètes et de musiciens. Élevé à la cour du roi de France, il prend part à la bataille de Bouvines puis au siège d'Avignon en 1226. Il abandonne, à cette occasion, le roi et, à sa mort, se rallie à la coalition dressée contre la régente Blanche de Castille. Son revirement peu après lui attire les représailles de ses anciens alliés. Devenu roi de Navarre en 1234, il prend la tête d'une croisade en 1239-40 et, à son retour, essuie de nouvelles défaites contre les Anglais (1242-1244), puis contre le clergé de Navarre. Il est, de loin, par le nombre de ses chansons conservées (une soixantaine), le plus important des trouvères. Il s'agit, pour les deux tiers environ, de chansons courtoises, mais on trouve aussi plusieurs chansons de croisades, deux pastourelles et quelques pièces religieuses (des chansons à la Vierge, un lai et un sirventès). Il a également participé à une dizaine de jeux-partis et à trois tensons. Ses mélodies, en général syllabiques et à la modalité très nette, sont assez dépouillées et connurent une vogue internationale durable, en particulier Aussi con l'unicorne sui, De bone amour et Tant ai Amours. Certaines sont encore mentionnées au début du XIVe siècle, en particulier par Dante et Jean de Grouchy.