Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
L

Liadov (Anatoly Konstantinovitch)

Compositeur et pédagogue russe (Saint-Pétersbourg 1855 – domaine de Polynovka, prov. de Novgorod, 1914).

Il reçut les bases de sa formation musicale auprès de son père, chef d'orchestre du théâtre Marie de Saint-Pétersbourg, et apprit le piano avec sa tante V. Antipova. En 1870, il entra au conservatoire de Saint-Pétersbourg dans les classes de Beggrov et de Cross (piano), puis dans celles de Johannsen (théorie et écriture) et de Rimski-Korsakov (composition). Ses étonnantes capacités techniques étaient malheureusement entachées par une paresse inguérissable. En 1876, il fut exclu du conservatoire pour absentéisme, mais, réintégré deux ans plus tard, il obtint aisément son diplôme de composition avec la cantate la Fiancée de Messine d'après Schiller. À cette date, il était déjà l'auteur de nombreuses pièces pour piano, dont le recueil des Birulki. En 1878, il fut nommé professeur de théorie et d'harmonie au conservatoire. Par Rimski-Korsakov, il fit la connaissance des membres de l'ancien groupe des Cinq, puis fit partie du groupe Belaiev, réuni à partir de 1883 autour du riche mécène, et constitué d'élèves de Rimski, dont Glazounov. En 1885, il fut nommé professeur d'harmonie à la Chapelle impériale de Saint-Pétersbourg, dirigée par Balakirev et Rimski. Dans les dernières années du siècle, il s'occupa activement à rassembler et à adapter les chants populaires, dans le cadre d'études effectuées par la Société de géographie. Il publia plusieurs recueils avec accompagnement de piano : 10 Chœurs pour voix de femmes (1899), 35 Chants du peuple russe (1902), 50 Chants du peuple russe (1903). En 1906, il orchestra 8 chants, dont il fit une suite.

   Dans son œuvre, dont la majeure partie est écrite pour piano ou pour orchestre, Liadov est un miniaturiste, qui a le sens de l'effet instantané, du coloris, du contraste, mais manque de souffle et d'envergure. Ses pièces pour piano (intermezzos, préludes, arabesques, barcarolle) révèlent une influence de Schumann et, surtout, de Chopin, qui va parfois jusqu'au pastiche. Sa Tabatière à musique, en revanche, est une pièce fort originale et toujours appréciée des pianistes. Ses poèmes symphoniques Baba-Yaga (1891-1904), Kikimora (1909) et le Lac enchanté (1909) se sont également bien maintenus au répertoire. Liadov s'y montre l'héritier de Rimski par son art d'évoquer l'insolite et le fantastique. Vers la fin de sa vie, il fut attiré par le mouvement symboliste. Il s'inspira de Maeterlinck (Nénie pour orchestre d'après Aglavaine et Sélysette, chœurs pour Sœur Béatrice), et écrivit une œuvre d'une grande puissance, Extrait de l'Apocalypse (1910-1912). Il se rapproche ainsi de Scriabine, mais sans en avoir le radicalisme. Entre 1881 et 1903, il orchestra des fragments de la Foire de Sorotchintsi de Moussorgski. Nombre de ses projets d'œuvres n'aboutirent pas. Ainsi, en 1909, il fut pressenti par Diaghilev pour composer l'Oiseau de feu, mais, devant son indécision, la commande échut à Stravinski.

liaison

Signe d'exécution, représenté par une ligne tracée au-dessus, ou au-dessous, de plusieurs notes pour indiquer qu'elles doivent s'enchaîner d'un mouvement continu.

La liaison signifie exactement :

   1. pour les instruments à archet, que toutes les notes doivent être jouées dans le même coup d'archet ;

   2. pour les instruments à vent, dans le même souffle ;

   3. pour les instruments à clavier ou à cordes frappées ou pincées, que chaque note doit commencer au moment exact où la précédente est abandonnée sans aucune solution de continuité. La liaison, dans ce dernier cas, est dite « expressive ».

Liapounov (Serge)

Pianiste et compositeur russe (Iaroslavl 1859 – Paris 1924).

Il commença ses études musicales à Nijni-Novgorod, puis entra au conservatoire de Moscou, où il fut élève de Klindworth et de Pabst (piano), ainsi que de Tanéiev (théorie de la composition). En 1885, à Saint-Pétersbourg, il fit la connaissance de Balakirev, dont il devint le disciple et auquel il resta attaché, subissant son influence. Après la mort de ce dernier, il s'appliqua à terminer ses œuvres inachevées (dont le 2e Concerto pour piano) et à publier la correspondance de Balakirev avec Tchaïkovski et avec Rimski-Korsakov. De 1910 à 1923, il fut professeur de piano et de composition au conservatoire de Saint-Pétersbourg. Il émigra en 1923 et mourut à Paris l'année suivante.

   Liapounov appartient, comme Glazounov et Liadov, à la génération des épigones du groupe des Cinq. Son attachement au folklore et à l'orientalisme le rapproche de Moussorgski et de Borodine, tandis que son style orchestral et pianistique porte la double marque de Liszt et de Balakirev. Plus que ses œuvres symphoniques (2 symphonies, poèmes symphoniques, ouverture solennelle sur des thèmes russes), c'est dans son œuvre pour piano qu'il a mis le meilleur de lui-même : 2 concertos (1890 et 1909), Rhapsodie sur des thèmes ukrainiens (1907), et surtout le cycle d'Études d'exécution transcendantes (1897-1905), qui a le mieux survécu. La conception et l'effort d'une recherche technique au service de l'expression narrative sont évidemment une référence à Liszt. Certains titres évoquent ceux des Études lisztiennes (Ronde des sylphes, Rondo des esprits), et la pièce finale du cycle est une Élégie en hommage au compositeur. Mais dans d'autres (Byline, Sons de cloches), c'est la tradition nationale de l'inspiration qui reprend le dessus. Quant à la Lezghinka (danse caucasienne), restée la plus populaire, elle est une réponse au Islamey de Balakirev, dont elle imite, dans un style moins impétueux, mais plus lyrique, l'esprit oriental et les formules pianistiques.

Liban

Ancienne Phénicie, pays de langue arabe (et syriaque par endroits jusqu'à une période récente), individualisé par un dialecte arabe oriental et une francophonie assez répandue, et régi par un système multiconfessionnel regroupant des communautés musulmanes, druzes et chrétiennes. En l'absence de documents sur la musique phénicienne, les Libanais peuvent revendiquer, selon l'idée qu'ils se font de leurs origines, d'anciennes traditions gréco-byzantines, arméniennes, araméennes ou syriaques, des traditions arabes liées à l'islam implanté à partir du VIIe siècle, un cosmopolitisme impliquant une tendance à l'hybridation avec l'Occident, une effervescence du folklore libanais ou une renaissance du classicisme arabe. Les traditions antérieures à l'islam, encore que sous-jacentes dans certaines formes populaires, sont plus aisément identifiables dans les diverses liturgies des églises « gréco-byzantines », arméniennes, syriaques ou maronites. Cependant, en l'absence d'une analyse musicale orientée, la plupart des musiques savantes et populaires du Liban sont assimilables, par la structure modale et la forme littéraire, aux musiques de type arabo-islamique ou arabo-irano-turc. On décèle néanmoins des formes plus caractéristiques au mont Liban, comme le abû-zûlûf, complainte amoureuse, ou le zajal, joute poétique improvisée et rythmée qui anime les soirées villageoises non sans humour.

   À la fin du XIXe siècle s'était défini un style musical libanais bien représenté par Abû Hatab et Muhieddin Ba'yûn, mais, au XXe siècle, l'influence du mandat français a poussé les élites à se vouer au symphonique ou à la chansonnette méditerranéenne et à laisser la musique orientale aux déshérités et aux nomades. Cependant, la continuité a été assurée au niveau de l'enseignement musical officiel, grâce aux efforts du musicologue libanais Wadî' Sabra et de l'organiste français Bertrand Robillard, et l'ancien Dar al-Mûsîqâ de l'époque ottomane est devenu conservatoire national en 1929. On enseigne donc au Liban la musique orientale et la musique occidentale.

   Un certain nombre de musiciens libanais ont voulu s'ouvrir aux deux musiques, tels Anis Fuleihan, Toufic Succar, Georges Baz, Raif Abillama, Boghos Gelalian, Salvador Arnita, les pères Paul Achqar, Joseph Khoury et Louis Hage. Certains interprètes, et plus volontiers les pianistes, sont délibérément occidentaux, tels Diana Taky-Deen, Walid Akl, Walid Haurani et 'Abdal-Rahman al-Bacha ; mais 'Abdallah Chahine a inventé un piano capable d'interpréter les modes orientaux. D'autres enseignants, compositeurs et interprètes sont réputés en musique orientale, tels 'Abdal-Ghani Cha'ban, Selim el-Helou, Halim al-Roumi, 'Abud 'Abdal-'Al, Émile Ghosn, Antoine Zabta, Georges Farah, Muhammad Sabsabi, Naim Bitar, Fahim Jamaleddin, Joseph Ayoub, Abdal-Karm Muzaqzak.

   La création, en 1922, d'un festival de Baalbeck, d'abord exclusivement consacré à l'art occidental, a favorisé, à partir de 1952, la renaissance d'un folklore libanais destiné à un public avide de traditions populaires à la fois simples et exaltantes. Deux groupes sont partis à la conquête du triomphe. D'un côté Zaki Nassif, Tawfiq al-Bacha, Walid Ghulmiye, Roméo Lahoud, avec la pétulante chanteuse Sabah. De l'autre les frères 'Assi, Mansour et Elias Rahbani avec l'émouvante chanteuse Fayrouz entourée des chanteurs Nasri Chamseddin et Wadi al-Safi. Après des années de rivalité alternée, les opérettes populaires des frères Rahbani, mettant en valeur les talents vocaux de Fayrouz, ont réussi à faire de cette dernière une héroïne douce et pieuse, incarnant les vertus familiales et nationales de la société libanaise, d'où un succès incontesté auprès des Libanais du Liban et de la diaspora et auprès de tous les Arabes.

   Parallèlement à cette renaissance de l'opérette folklorique, un instrument du Moyen-Orient, le buzuq, naguère abandonné aux nomades, a été redécouvert récemment et a assuré le succès de virtuoses talentueux comme Muhammad Matar, Sa'îd Youssef, Malik Bajjani et Nasser Makhoul.

   Ainsi le Liban est-il devenu, après l'Égypte, le second producteur de chansons et d'opérettes arabophones. De ce succès commercial indiscutable découle l'existence d'une musique libanaise moins individualisée par les structures, les formes et les instruments (qui sont communs à ceux des autres pays arabes du Moyen-Orient) que par un style et une démarche artistique visant la réussite spectaculaire.