Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
B

buffo

Substantivement, le mot désigne un chanteur spécialisé dans les emplois comiques de l'opera buffa. En tant qu'adjectif, buffo qualifie les chanteurs de manière plus précise : tenore buffo, basso buffo. Dès le XVIIIe siècle, le terme a été traduit en français par bouffe, avec le même sens. Dans l'opéra classique et le premier opéra romantique, l'élégance avec laquelle devaient être chantés les rôles élégiaques ou dramatiques exigeait pour les voix autant de préparation technique que de virtuosité nécessaire dans les rôles de buffo. Aussi est-ce plutôt à la fin du XIXe siècle et surtout au XXe que les personnages buffo ont été réservés à des chanteurs spécialisés, au volume vocal parfois réduit, mais capables de virtuosité, alors que les rôles dramatiques étaient attribués à des voix puissantes, mais non préparées selon la technique du bel canto.

bugle

Instrument à vent de la famille des cuivres, le plus aigu du groupe des saxhorns.

Extérieurement semblable à un clairon muni de trois pistons (bugle est le nom anglais du clairon militaire), il existe en deux formats : le petit bugle en mi bémol et le grand bugle en si bémol.

buhnenfestspiel (allemand pour « spectacle scénique solennel »)

Terme employé par Wagner pour désigner son Ring et indiquant que l'ouvrage devait être réservé à des occasions solennelles.

buhnenweihfestpiel (allemand pour « spectacle scénique solennel initiatique »)

Terme employé par Wagner pour désigner Parsifal.

buisine

Trompette ancienne de forme droite, au pavillon évasé, dérivée du buccin militaire des Romains.

En usage pendant tout le Moyen Âge, surtout comme instrument d'apparat, la buisine fut repliée sur elle-même à partir du XVe siècle pour prendre la forme classique de la trompette de cavalerie.

Bukofzer (Manfred)

Musicologue américain d'origine allemande (Oldenburg 1910 – Berkeley, Californie, 1955).

Il étudia au conservatoire Stern et à la Hochschule für Musik de Berlin, ainsi qu'avec Michael Taube. Il enseigna aux universités de Bâle, Cambridge, Oxford et Cleveland, puis à Berkeley. Ses recherches personnelles ont porté sur la musique du Moyen Âge, de la Renaissance et, plus particulièrement, sur celle de l'époque baroque. Il a écrit le premier ouvrage en langue anglaise consacré à l'histoire de la musique à cette époque (Music in the Baroque Era, rééd. Londres, 1948 ; trad. fr. Paris, 1982). Il a également publié Studies in Medieval and Renaissance Music (1950), un fac-similé de l'ouvrage de G. Coperario Rules how to compose (1610), ainsi que les œuvres complètes de J. Dunstable (Musica Britannica VIII, 1954). Son édition Dunstable est reparue révisée en 1969.

Bulgarie

Comme ailleurs en Europe orientale, l'histoire de la musique en Bulgarie, et parfois son existence même, sont étroitement liées aux vicissitudes de l'histoire. Les deux ethnies les plus anciennes installées dans l'actuelle Bulgarie, les Thraces et les Slaves, aimaient et pratiquaient la musique. Avec l'établissement au VIIe siècle d'une troisième ethnie, celle des Protobulgares, la fondation en 681 du premier État slavo-bulgare et, enfin, la christianisation du pays (865), les formes du chant populaire se précisèrent, tandis que se créait un terrain favorable à l'épanouissement du chant liturgique oriental, durant l'époque byzantine.

   La musique bulgare, autre que le chant populaire, est d'abord connue par un ensemble de chants liturgiques byzantins en langue slave. Au IXe siècle, les frères Cyrille et Méthode de Salonique, apôtres slaves, réalisèrent les premières traductions de chants liturgiques byzantins en langue slave, et composèrent eux-mêmes des chants religieux. Leurs disciples, parmi lesquels le Bulgare Kliment d'Ochrid, ouvrirent en Macédoine des écoles, enseignèrent le chant et la notation musicale, traduisirent de nouveaux chants, composèrent des hymnes et créèrent des chœurs dans les églises. L'empire bulgare s'étendait alors de l'Adriatique à la Thrace, et l'Église nationale était indépendante de Constantinople. Mais, en 972, Byzance soumit la Bulgarie, ce qui inaugura une période qui devait durer jusqu'à la conquête du pays par les Turcs (1396), avec, malgré tout, entre ces deux dates, la reconstitution provisoire d'un puissant État, sous le tsar Samuel (980-1014), et une seconde ère de souveraineté nationale (à partir de 1187). Cyrille et Méthode de Salonique avaient introduit le culte orthodoxe jusque dans certaines églises de Rome. La musique en Bulgarie continua à manifester sa vitalité pendant la domination byzantine et, surtout, après 1187. D'une part, en effet, la culture bulgare et, en particulier, le chant liturgique orthodoxe échappèrent largement à la politique d'assimilation byzantine et, d'autre part, la musique et les musiciens bulgares virent leur rayonnement s'étendre bien au-delà des limites du pays. En témoignent, par exemple, la fameuse « sequenzia bulgarica » (citée par A. Gastoué) du chant grégorien ; les chants « démoniaques » des bogomiles, hérétiques bulgares dont devaient s'inspirer cathares et albigeois ; la création des centres musicaux d'Ochrid et de Preslaw ; l'existence d'un couvent bulgare au mont Athos ; ou encore la carrière de J. Kukuzeles (XIVe s.), le chanteur et compositeur le plus important du Moyen Âge byzantin, expressément désigné comme bulgare par un manuscrit grec tardif imprimé à Venise au début du XVIIe siècle et qui intitula (faisant ainsi référence à sa mère) « Miséricorde (Polyeleïos) de la Bulgare » une de ses œuvres les plus intéressantes. De même, ce sont des moines bulgares que, selon une chronique russe, le patriarche de Constantinople envoya, au Xe siècle, à Kiev pour convertir au christianisme les Russes du grand-duc Vladimir : de cet épisode sont parvenus des manuscrits en vieux bulgare, conservés dans les bibliothèques russes, manuscrits d'une grande importance, car les documents grecs originaux ont été perdus.

   Du fait de l'invasion, en 1396, de la Bulgarie par les Turcs, dont la domination devait s'exercer jusqu'en 1878, le pays fut placé au point de vue religieux sous la tutelle du patriarche de Constantinople, et le grec devint la langue du chant liturgique au détriment du bulgare, qui survécut néanmoins grâce aux moines bulgares réfugiés dans des monastères étrangers, tels que ceux du mont Athos en Grèce, de Hongrie, de Roumanie et surtout du sud de la Russie. Il reste que, pendant cette longue période, la Bulgarie fut coupée de l'Europe culturelle, ce qui interdit tout développement de la musique savante. Mais la musique populaire, trésor inaliénable, brilla alors, au contraire, d'un éclat incomparable.

   Les musiques populaires bulgares ne connaissent pas les notions typiquement occidentales de régularité métrique, de tempérament égal, de mode majeur, de chromatisme, d'instrumentation, de forme. D'une grande diversité, fortement déclamatoires, voire gestiques, elles se caractérisent notamment par des mélodies énergiques, resserrées sur elles-mêmes, et, surtout, rythmiquement, par des mesures asymétriques à temps inégaux avec au moins un temps prolongé (ce que Bartók devait appeler « rythmes bulgares » : par exemple, à 5/16, 7/16, 8/16, 9/16 ou 15/16, 5 se décomposant en (2 + 3), 7 en (2 + 2 + 3) ou en (3 + 2 + 2), 8 en (3 + 2 + 3), 9 en (2 + 2 + 2 + 3) ou en (3 + 2 + 2 + 2), 15 en (3 + 2 + 3 + 2 + 2 + 3), etc. Généralement à une voix, mais débouchant parfois sur une polyphonie rudimentaire avec comme intervalles la quinte, la quarte ou la seconde, parfois sans mètres ni mesures précis, à la manière d'une improvisation, utilisant de préférence les modes antiques ainsi que de nombreux ornements, les chansons populaires bulgares étaient accompagnées de divers instruments : la gaïda, sorte de cornemuse dépassant deux octaves ; le kaval, flûte droite de berger sans embouchure ni biseau ; la gadulka ou gùsla, instrument à archet à trois ou (plus rarement) quatre cordes ; la bulgarija ou baylama, sorte de luth ; les daarès, espèces de tambourins. Quant aux danses, également fort nombreuses, pour la plupart très animées et difficiles à exécuter, elles comprenaient par exemple le choro, ou encore la ratchenitza, à 7/16.

   À partir de 1878, on assista à la fois à une exploitation systématique et scientifique de l'inépuisable fonds populaire et à une renaissance progressive, par étapes, de la musique savante. On commença à noter et à publier des chants populaires. En 1926, grâce, en particulier, au musicologue Wassily Stoin (1880-1938), un musée ethnographique fut ouvert à Sofia, et, en 1928, 1930 et 1939, fut publié un ensemble de 10 000 chants populaires, les trois volumes ayant trait respectivement au nord-ouest du pays, au Nord, et à la Thrace. Les premiers enregistrements furent réalisés en 1939.

   La résurrection de la musique savante se manifesta tout d'abord au contact des chœurs de l'armée russe libératrice, ou grâce à l'action menée par un certain nombre de musiciens tchèques qui fondèrent des ensembles d'instruments à vent et des orchestres militaires, et jouèrent un rôle dans l'enseignement. Parallèlement, le chant choral se développa dans les écoles et les églises, ainsi que dans des sociétés spécialement créées à cet effet. D'où la fondation, en 1926, de l'Association des chœurs populaires, devenue, en 1953, Société des chorales bulgares, et au répertoire comprenant essentiellement des arrangements de chants populaires. Des compositeurs bulgares de musique savante dits « de la première génération », la plupart se livrèrent à des activités d'enseignement, tout en conservant de fortes attaches avec la musique populaire. Ils eurent pour noms Emanuil Manolov (1860-1902) qui, après des études à Moscou, devint premier chef d'orchestre militaire et composa le premier opéra bulgare ; Angel Boucourechliev (1870-1949), élève du conservatoire de Prague et porté vers la musique chorale ; Pajanot Pipkov (1871-1942), qui étudia à Milan et écrivit notamment des pièces pour piano et la première opérette bulgare pour enfants. Tous trois, quand ils travaillèrent des chants populaires, les harmonisèrent encore à l'occidentale. Mais on peut citer à leurs côtés Dobri Christov (1875-1941), élève de Dvořák à Prague, folkloriste, « inventeur » de thèmes populaires, théoricien et chercheur. Nikola Atanassov (1886-1969) écrivit, en 1912, la première symphonie bulgare. Quant à Georgi Atanassov (1881-1931), élève de Mascagni, auteur de six opéras (dont Borislav et Azek) et surnommé « Maestro », il eut entre autres mérites celui d'organiser à Sofia, à partir de 1916, des concerts qui permirent d'y entendre pour la première fois le grand répertoire classique et romantique.

   Simultanément, après une tentative en 1890, et sous la direction du ténor bulgare Konstantin Michaïlov-Stojan (1856-1914), alors attaché à l'Opéra impérial de Moscou, un opéra subventionné fut créé en 1908, qui devint Opéra national en 1922. En 1904, une école de musique privée fut créée à Sofia (trois autres suivirent ailleurs) : elle devint école d'État en 1908, Académie nationale de musique en 1922, et institut musical dans le cadre de l'Académie des sciences en 1948. L'Orchestre académique de Sofia, créé en 1926, est devenu Orchestre symphonique royal en 1936 et Orchestre philharmonique d'État en 1944.

   Les compositeurs de la deuxième génération ont plus ou moins conservé des liens avec la musique populaire tout en s'efforçant de faire entrer la musique bulgare dans la « modernité ». Presque tous ont étudié à Sofia avant d'aller se spécialiser ailleurs. Assen Karastojanov (1893) est l'auteur de l'oratorio J. Kukuzeles. Petko Stajnov (1896), lui aussi imprégné de postromantisme, a étudié en Allemagne. Pantscho Vladigerov (1899-1978) s'est formé à Berlin. Andrei Stojanov (1890-1969) a écrit des œuvres pour piano et des lieder et Wesselin Stojanov (1902-1972), après des velléités sérielles, s'est orienté vers un style plus populaire. Ljubomir Pipkov (1904-1974), élève de Paul Dukas, auteur de symphonies, d'opéras, d'œuvres de musique de chambre, a « puisé dans la terre de Bulgarie » en se réclamant ouvertement du socialisme. Marin Goleminov (1908) a eu comme maître Vincent d'Indy, et Parachkev Hadjiev (1912) a beaucoup écrit pour la scène. On peut également citer Bojan Ikonomov (1900), Dimitar Nenov (1902-1953), Philip Kutev (1903), Georgi Dimitrov (1904), Svetoslav Obretenov (1909-1955), Dimitar Sagaev (1915), Dimitar Petkov (1919) et Todor Popov (1921).

   Parmi les compositeurs de la troisième génération se sont particulièrement imposés Lazar Nikolov (1922) ; Alexandre Rajcev (1922), auteur de l'opérette la Gloire de l'orchidée (1963) ; Konstantin Iliev (1924), élève à Prague de Alois Haba et auteur de l'opéra le Maître de Boyan (1962) ; Simeon Pironkoff (1927), auteur de l'opéra la Bonne Âme de Se-chuen, d'après Brecht ; Ivan Marinov (1928), Dimitar Tapkov (1929), Penco Stojanov (1931), Dimitar Christov (1933), Vassil Kasandjiev (1934) et Krassimir Kjurkciiski (1936). Né à Sofia, André Boucourechliev (1925) a pris la nationalité française et a acquis une place de choix à Paris comme compositeur, critique et musicographe. Un autre compositeur, d'origine bulgare fixé à l'étranger (Allemagne), est Bojidar Dimov (1935).