Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
B

Brook (Barry Shelley)

Musicologue américain (New York 1918 – id. 1997).

Élève de la Manhattan School of Music et de l'université Columbia (Master of Arts en 1942), il a obtenu un doctorat en Sorbonne, en 1959, et enseigne depuis 1945 à la City University de New York. Ses ouvrages principaux sont, en 1981, au nombre de cinq : la Symphonie française dans la seconde moitié du XVIIIe siècle (3 vol., Paris, 1962), The Breitkopf Thematic Catalogue, 1762-1787 (New York, 1966), Musicology and the Computer, Musicology 1966-2000 (New York, 1970), Perspectives in Musicology (1972) et Thematic Catalogues in Music, an Annotated Bibliography (1972). Il a pris la direction de la série The Symphony 1720-1840, publication en partition d'orchestre et en 60 volumes de 600 symphonies d'environ 200 compositeurs différents, dont beaucoup jamais éditées auparavant (premiers volumes parus dès l'année 1979). Il a été président de l'Association internationale des bibliothèques musicales.

Brossard (Sébastiende)

Compositeur, théoricien et bibliophile français (Dompierre, Orne, 1655 – Meaux 1730).

Après des études au collège des Jésuites et à l'université de Caen, il reçut en 1675 les ordres mineurs et en 1684 devint prêtre à Notre-Dame de Paris, puis en 1687 maître de chapelle et vicaire de la cathédrale de Strasbourg. En 1698, il se présenta au poste de maître de chapelle à la Sainte-Chapelle du Palais à Paris, mais le chapitre lui préféra Marc-Antoine Charpentier. La même année, il fut nommé maître de chapelle et grand chapelain à Meaux. Il fut longtemps surtout connu pour son Dictionnaire de musique (avant-projet publié en 1701), paru en 1703 avec une dédicace à Bossuet et plusieurs fois réédité jusque vers 1710 (seule l'édition de 1703 a survécu). Il s'agit du premier dictionnaire de musique en langue française et d'une source essentielle pour l'histoire de la musique en France au XVIIe siècle. Il comprend un « Dictionnaire des termes grecs, latins et italiens », une « Table alphabétique des termes français », un « Traité de la manière de bien prononcer » et un « Catalogue de plus de 900 auteurs ». Bibliophile averti, Brossard réunit une collection d'œuvres musicales qu'il vendit en 1724-1726 à Louis XV contre une pension, dont il prépara un catalogue avec d'intéressantes annotations de sa main et qui constitue aujourd'hui un des fonds les plus précieux du département de la musique de la Bibliothèque nationale. Théoricien remarquable, intéressant comme compositeur, il pratiqua la plupart de grands genres de son époque, sauf le clavecin et l'orgue. En quantité, ce sont les airs (sérieux, à boire ou italiens) qui dominent sa production et qui en son temps firent le plus pour sa renommée. En musique religieuse, il a laissé trois grands motets ­ Miserere mei, Canticum Eucharisticon, In convertendo, les deux premiers cités au moins étant de l'époque de Strasbourg ­, des petits motets, deux oratorios, des leçons de ténèbres ; en musique vocale profane, des œuvres théâtrales dont Pyrame et Thisbé (1685), des cantates spirituelles (Samson trahi par Dalila) et italiennes (Leandro) ainsi qu'une cantate sérieuse (les Misères humaines) ; en musique instrumentale, des pièces pour luth, pour violon et en trio et des œuvres pour orchestre. Un catalogue thématique a été publié en 1995 par Jean Duron (l'Œuvre de Sébastien de Brossard 1655-1730).

Brouwer (Leo)

Guitariste et compositeur cubain (La Havane 1939).

Il a débuté dans la carrière de guitariste en 1956, après avoir travaillé avec un élève d'Emilio Pujol. Il a fait des études de composition de 1955 à 1959 à La Havane, en 1959-60 avec Vincent Persichetti et Stepan Wolpe, et, enfin, à l'université de Hartford. Il a ensuite occupé diverses fonctions officielles à La Havane, à l'Institut des arts et de l'industrie cinématographiques (comme directeur du département musical, puis du département de musique expérimentale), et au conservatoire (comme professeur d'harmonie et de contrepoint, puis de composition).

   Des influences très diverses se décèlent dans la musique de Leo Brouwer, notamment celles d'lves, Cage, Nono, Kagel, Xenakis, qui ont déterminé un style s'orientant de plus en plus vers l'avant-garde, y compris vers la musique aléatoire. Le compositeur a été et demeure profondément engagé dans les réflexions et les bouleversements qui ont accompagné et suivi la révolution cubaine. Nombre de ses œuvres (La tradición se rompe pour orchestre, 1967-1969 ; Cantigas del tiempo nuevo pour acteurs, chœur d'enfants, piano, harpe et 2 percussionnistes, 1969) sont liées par leur thème à un contexte purement cubain, sans pour autant que leur écriture ressortisse à un quelconque nationalisme musical. Les compositions de Brouwer comprennent essentiellement des pièces pour diverses combinaisons instrumentales, dont un certain nombre pour ou avec guitare, et des pièces pour orchestre comme Sonograma II (1964) ou Hommage à Mingus pour ensemble de jazz et orchestre (1965). Il a écrit plusieurs dizaines de musiques de film.

Brown (Charles)

Compositeur français (Boulogne-sur-Mer 1898 – ? 1988).

Il a travaillé à Paris le violon avec Lucien Capet et l'écriture à l'école César-Franck, notamment avec Guy de Lioncourt. Il a été violoniste aux Concerts Lamoureux (1938-1948), puis directeur de l'École nationale de musique de Bourges. On lui doit des oratorios (Évocations liturgiques, 1947 ; le Cantique dans la fournaise, 1946 ; Cantate pour sainte Jeanne de France, 1950), des symphonies et pièces symphoniques, des œuvres concertantes, des trios, quatuors, quintettes. Son style relève d'une discipline classique.

Brown (Earle)

Compositeur américain (Lunenburg, Massachusetts, 1926 – Rye, État de New York, 2002).

Trompettiste amateur, il fit, à Boston, des études de mathématiques et d'ingénieur, et suivit des cours de composition, d'orchestration et d'écriture avec Roslyn Brogue Henning, à la Schillinger School (1946-1950). Parallèlement, il s'initia aux théories mathématiques (appliquées à la musique) de Joseph Schillinger, avant de les enseigner lui-même (ainsi que la composition) à Denver (1950-1952). Mais s'il fut fasciné par ces théories, il ne devait pas en reprendre à son compte l'organisation extrême. Il fut influencé au début de sa carrière par Ives et Varèse, mais davantage encore par une certaine peinture (Pollock) et une certaine sculpture (Calder) américaines ; chez Calder, il trouva la « précision de l'organisation » et surtout l'idée de la mobilité d'une œuvre.

   Ses premières œuvres ­ 3 pièces pour piano (1951), Perspectives pour piano (1952), Musique pour violon, violoncelle et piano (1952) ­ rendent hommage à la fois au sérialisme et ­ comme, plus tard encore, Pentathis (1957) ­ aux théories de Schillinger. Mais Brown évolua rapidement vers la « forme ouverte », notion qu'il fut l'un des premiers à introduire en musique, et sa rencontre avec John Cage (1951), ainsi qu'avec Wolff et Feldman, fut à cet égard décisive. Il collabora avec Cage et David Tudor au projet de musique pour bande magnétique à New York (1952-1955), participa aux cours d'été de Darmstadt, à partir de 1955, fut directeur artistique des enregistrements de musique contemporaine chez Time Records (1955-1960), bénéficia d'une bourse Guggenheim en 1965-66 et fut nommé, en 1968, professeur de composition au conservatoire Peabody de Baltimore. Il le resta jusqu'en 1970. La forme ouverte et les techniques semi-aléatoires apparurent dans ses œuvres à partir de 1953. Folio (1952-53) est un groupe de trois œuvres ­ November 1952, December 1952 et 1953 ­ pour n'importe quel nombre d'instruments. December 1952 remplace les hauteurs écrites, et donc fixées par un exemple de notation graphique, par des lignes en diverses positions et de diverses longueurs, devant servir de support à l'improvisation d'un groupe quelconque de musiciens durant un laps de temps indéterminé. Dans 25 Pages pour 1 à 25 pianos (1953), le ou les exécutants peuvent disposer les pages dans l'ordre de leur choix, et l'on trouve un principe que Brown devait très souvent reprendre ultérieurement : une notation proportionnelle ne divisant pas le temps en unités précises, mais en durées relatives dont la longueur, laissée à l'initiative de l'exécutant, est suggérée par l'espacement des symboles. Convaincu qu'une musique est d'autant plus intense que l'exécution participe davantage à sa création, il s'intéressa moins à l'indétermination dans l'acte de composer, comme Cage, ou à la libération des sons, qu'au problème de la forme, aux présentations différentes d'un même matériau et à ses conséquences.

   À Available Forms I pour 18 musiciens (1961) succéda Available Forms II pour 98 musiciens et 2 chefs dirigeant chacun 49 exécutants (1962), la forme dépendant de la réciprocité et de la spontanéité des réactions des 2 chefs l'un par rapport à l'autre. Le procédé est semblable dans 9 Rarebits pour 1 ou 2 clavecins (1965) ou dans Synergy II pour orchestre de chambre (1967-68), alors qu'inversement, Corroboree (1964) pour 3 pianos ou le quatuor à cordes (1965) introduisent des structures mobiles à l'intérieur de formes fermées. Dans Calder Piece pour 4 percussionnistes et 1 mobile de Calder (1965), le rôle du chef est tenu par le mobile. Ses ouvrages n'en contiennent pas moins des éléments d'unité au sens traditionnel : ainsi l'usage obstiné, presque canonique, des quintes dans Available Forms I. Auteur également d'Octet I (1953) et d'Octet II (1954) pour bande, de Modules I et II pour petit orchestre et 2 chefs (1966), de Syntagm III (1970), Cross Sections (1973) et Color Fields (1975) pour orchestre, de Small Piece pour chœur (1975), de Tracer pour instruments et bande (1984), doté d'un sens raffiné des timbres, Earle Brown est apparu comme l'une des personnalités les plus importantes de l'avant-garde américaine.