Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
S

strette

Francisation du mot italien stretto (« serré »), parfois conservé tel quel.

1. Dans un contrepoint polyphonique, procédé consistant à superposer un thème à lui-même, littéralement ou non, le plus souvent sur des degrés différents ; les degrés privilégiés sont habituellement l'octave, la quinte et la quarte. La première entrée est dite antécédent, les suivantes sont les conséquents. L'entrée en strette se distingue de l'entrée en « fugue » par le fait que le conséquent n'attend pas la fin de l'antécédent pour entrer lui-même, comme il le fait dans une exposition de fugue. Si le conséquent entre sur la quinte ou la quarte, il se voit plus ou moins assimilé à une réponse de fugue et peut être amené à en respecter les principes (notamment en ce qui concerne la « mutation »). L'entrée en strette est, de très loin, la plus fréquente dans les motets et chansons polyphoniques de style contrepoint du XVe au XVIIe siècle. Il en est de même dans les plus anciens ricercari ; le remplacement de l'entrée en strette par l'exposition de fugue dans ce dernier genre a été l'un des éléments essentiels de la transformation du ricercare en fugue, même si le nom s'est parfois transmis de l'un à l'autre sans critères bien précis. Bach donne aux fugues de son Offrande musicale le nom de ricercare et emploie l'entrée en strette dans l'une des sections de son Art de la fugue, mais à son époque ces mélanges de noms étaient déjà exceptionnels.

2. Dans la fugue classique, après disparition de l'entrée en strette, ce dernier procédé s'est trouvé reporté sur une section spéciale qui en a pris le nom et se place généralement à l'approche de la fin, comme point d'aboutissement du travail thématique accompli sur le sujet ­ ou plus rarement sur le contre-sujet. Il peut y avoir plusieurs strettes, présentées de manière de plus en plus serrée. La strette est dite réelle quand elle superpose exactement le sujet et sa réponse, libre quand elle dispose les entrées sur d'autres degrés, ou ne respecte pas la littéralité intégrale du sujet.

3. Dans un chœur, un final d'opéra, etc., on appelle quelquefois strette, sans exigence technique précise, une progression donnant l'impression d'un resserrement progressif des entrées, souvent lié à une accélération du mouvement.

4. Indication d'exécution liée comme dans le sens précédent à une certaine accélération du tempo (piu stretto).

Stricker (Rémy)

Musicologue français (Mulhouse 1936).

Élève d'Yvonne Lefébure (piano), Norbert Dufourcq (histoire de la musique), Marcel Beaufils (esthétique) et Roland-Manuel, il est producteur à Radio France depuis 1962 et enseigne depuis 1971 l'esthétique musicale au Conservatoire de Paris. Il a publié Musique du baroque (1968), Mozart et ses opéras, fiction et vérité (1980), Robert Schumann, le musicien de la folie (1984), Franz Liszt, les ténèbres de la gloire (1993), Artiste et société (édition critique de certains écrits de Franz Liszt, 1995), les Mélodies de Duparc (1996).

Striggio (Alessandro)

Compositeur italien (Mantoue, v. 1535 – id. 1592).

Originaire de Mantoue, il restera toujours en relation avec les Gonzague, en particulier à la fin de sa vie. La plus grande partie de sa carrière musicale se déroule cependant à Florence à la cour des Médicis, où il est, à partir de 1560 environ jusqu'en 1584, le principal compositeur avec Francesco Corteccia, et collabore aux différentes productions officielles (intermèdes pour La Cofanaria en 1565, I Fabii en 1568, La Vedova en 1569, etc.). Instrumentiste à corde renommé à l'époque, il doit surtout sa réputation à ses 7 livres de madrigaux (dont 5 à 5 voix, 2 à 6 voix), publiés de 1558 à 1597 et dont la popularité s'étendit à l'étranger. Fidèle à l'esthétique de son temps, il use d'une écriture contrapuntique très élaborée et riche en modulations, tout en faisant un usage restreint du chromatisme. Ses derniers madrigaux, cependant, laissent pressentir l'avènement du style monodique.

   Il a, par ailleurs, écrit 1 messe à 5 voix, Missa in dominicis diebus, et 1 motet à 40 voix pour 4 chœurs, Ecce beatam lucem.

   Son fils Alessandro (Mantoue 1573 – Venise 1630), diplômé en droit et secrétaire du duc de Mantoue à partir de 1611, est surtout connu pour les livrets qu'il écrivit pour Monteverdi : La Favola di Orfeo (1607), sans doute aussi Tirsi e Clori (1615) et Il Lamento d'Apollo, perdu..

Strobel (Heinrich)

Musicologue allemand (Ratisbonne 1898 – Baden-Baden 1970).

Nommé directeur de la musique à la radio de Baden-Baden (Südwestfunk) en 1946, il fut alors l'âme de la résurrection du festival de Donaueschingen, qu'il dirigea jusqu'à sa mort. Il écrivit notamment un livre sur Debussy (1943, trad. fr. 1952).

Stroe (Aurel)

Compositeur et musicologue roumain (Bucarest 1932).

Il commence très tôt ses études musicales (piano) et complète sa formation au Conservatoire de Bucarest, avec notamment Mihaïl Andricu (composition) et Theodor Rogalski (orchestration). Il suit les cours de Darmstadt (1966-1969), où il va revenir enseigner entre 1986 et 1994. Il est professeur de composition au Conservatoire de Bucarest (1962-1985 et depuis 1994), professeur invité à l'Université de l'Illinois, Urbana (1985-1986). Lors d'un voyage d'études aux États-Unis (1968), Stroe s'intéresse déjà à la composition assistée par ordinateur. Il travaille entre 1963 et 1968, avec des mathématiciens et des informaticiens de l'Université de Bucarest, à l'élaboration d'un programme capable de générer une « classe de composition » dans laquelle il va expérimenter les principes d'une musique « non informationnelle ». De cette classe sont issues des œuvres comme la Musique de concert pour piano, cuivres et percussion (1964), Laudes I et II pour orchestre (1966-1968), Canto I et II pour orchestre (1967-1971). La musique d'Aurel Stroe se distingue alors par son goût de l'essentiel, la recherche de structures extrêmement pures, polies, débarrassées de tout geste surajouté. Le compositeur s'oriente ensuite vers le théâtre musical : d'où la trilogie Orestie d'après Eschyle, comprenant les Choéphores (1977, créé au festival d'Avignon en 1979), Agamemnon (1983) et les Euménides (1991) et dite « trilogie des cités fermées ». Il y travaille selon des principes influencés, dans une certaine mesure, par la théorie des catastrophes de René Thom, en faisant cohabiter différents systèmes d'intonation « incommensurables » et en contrôlant les ruptures de niveaux des structures unificatrices à l'aide de principes morphogénétiques. Il s'intéresse maintenant à un nouveau type de complexité, obtenue par la dynamisation de structures historiquement constituées (Caprices et Ragas pour violon et orchestre, 1991 ; Prairie, Prières pour saxophone et orchestre, 1994 ; Ciaccona con alcune licenze pour percussion et grand orchestre, 1995).