Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Prague

Prague possède une tradition musicale que l'on peut faire remonter au IXe siècle. L'université ­ qui comprend une section de théorie musicale ­ est fondée en 1348. À la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, la chapelle de la cour de Rodolphe II accueille Philippe da Monte et J. Gallus. Au XVIIe siècle, en raison du transfert de la cour à Vienne (1612), la vie musicale subit un certain ralentissement. Elle connaîtra une nouvelle activité avec B. Černohorsk'y, dans le domaine de la musique pour orgue et de la musique religieuse, et F. X. Brixi, dans le domaine de l'opéra. L'opéra italien est introduit à Prague en 1627, mais c'est en 1723, avec la représentation de Costanza e fortezza de Fux, sous la direction de Caldara, qu'il acquiert une importance véritable. En 1787 fut créé à Prague le Don Giovanni de Mozart. Parallèlement à l'opéra italien, on cultive aussi le singspiel, à partir du milieu du XVIIIe siècle. Au XIXe siècle sont créées de nombreuses associations musicales, parmi lesquelles la Société des musiciens, fondée en 1803, qui organise régulièrement des concerts pour la première fois à Prague, et l'Association pour la promotion de l'art musical, fondée en 1808, à laquelle on doit le premier conservatoire de musique d'Europe centrale. De 1813 à 1816, Weber est chef d'orchestre au Théâtre national. Mais ensuite Prague va connaître une activité musicale typiquement tchèque, qui se différenciera de l'art allemand. En 1826 est représenté le premier opéra tchèque important : Dráteník (« le rétameur ») de F. Škroup. Plusieurs institutions sont liées au nom de B. Smetana, notamment le chœur Hlahol (fondé en 1861) qu'il dirigea de 1861 à 1865 et le Théâtre provisoire (inauguré en 1862), auquel il consacra une grande partie de son activité de 1866 à 1874. En 1881 le Théâtre national est inauguré avec l'opéra Libuše de Smetana. Parmi les chefs d'orchestre du Théâtre national figurent Adolf Čech (1876-1900), Karel Kovařovic (1900-1920), Otakar Ostrčil (1920-1935), Václav Talich (1935-1944 ; 1947-48) et Otakar Jeremiáš (1945-1947 ; 1948-1951). En 1888 est construit un nouvel édifice, le Théâtre allemand, qui, grâce à A. Zemlinsky qui en est le premier chef d'orchestre de 1911 à 1927, connaîtra une renommée internationale. Après la Seconde Guerre mondiale, toutes les institutions musicales allemandes sont supprimées. En 1948 est créé le festival du Printemps de Prague. Le principal orchestre de Prague est la Philharmonie tchèque, qui a donné son premier concert en 1896 sous la direction d'A. Dvořák et à la tête de laquelle se sont succédé Čelansk'y, O. Nedbal, K. Moor, F. Spilka, Vilém Zemánek, Václav Talich, R. Kubelík, K. Ančerl et V. Neumann. En 1924 est fondé l'Orchestre symphonique de la radio de Prague. Dans le domaine de la musique de chambre, 2 associations furent créées au XIXe siècle : l'Union de musique de chambre (fondée en 1876) et l'Union tchèque de musique de chambre (fondée en 1894). Le quatuor bohémien, le quatuor Ševčík-Lhotsk'y, le quatuor Ondříček, le quatuor de Prague et le quatuor Smetana sont quelques-unes des nombreuses formations de musique de chambre qui ont acquis une réputation internationale. Le Conservatoire (fondé en 1811) a été réorganisé en 1920. Il compta parmi ses professeurs L. Janáček, V. Novák et J. Suk (composition), O. Ševčík, F. Ondříček et J. Kocian (violon) et V. Talich (direction d'orchestre). À l'université allemande ont enseigné les musicologues G. Adler, H. Rietsch et G. Becking ; à l'université tchèque, O. Hostinsk'y, Z. Nejedl'y et M. Očadlík.

Pratella (Francesco Balilla)

Compositeur, théoricien et musicologue italien (Lugo di Romagna 1880 – Ravenne 1955).

Il fait ses études au Liceo musicale de Pesaro, où il travaille, notamment, avec P. Mascagni, puis dirige, de 1910 à 1929, le même établissement à Lugo di Romagna, et, de 1927 à 1945, celui de Ravenne. Il a composé quelques pièces instrumentales, de la musique dc chambre, des chansons, des poèmes symphoniques et surtout des œuvres pour la scène (opéras, opérettes, musiques de scène, musiques de film, etc.). Il est surtout connu pour ses prises de position au début du siècle, lorsqu'il adhère au mouvement futuriste de Marinetti. Pratella publie alors 3 ouvrages (Manifesto dei musicisti futuristi, 1910 ; Manifesto tecnico della musica futurista, 1911 ; La distruzione della quadratura, 1912), dans lesquels il expose de nouveaux principes de composition (atonalité, entre autres). Après quelques tentatives d'application souvent peu convaincantes (Musica futurista op. 30, composée en 1912 et rebaptisée peu après Inno alla vita ; L'aviatore Dro op. 33, 1911-1914), il se consacre plutôt à la recherche musicologique (Musica italiana, 1915 ; L'evoluzione della musica : dal 1910 al 1917, 1918-19…) et en particulier à l'étude de la musique folklorique italienne (surtout romagne) sur laquelle il publie un certain nombre d'ouvrages de valeur : Saggio di gridi, canzoni, cori e danze del popolo italiano (1919), Etnofonia di Romagna (1938), Primo documentario per la storia dell'etnofonia in Italia (1941). Il a, en outre, édité divers recueils de musique vocale : Il terzo libro delle Laudi spirituali (1916), Il libro della musica e del canto in coro, en trois volumes (1951).

Preindl (Joseph)

Compositeur autrichien (Marbach, Basse-Autriche, 1756 – Vienne 1823).

Également organiste et théoricien, il étudia avec Albrechtsberger, à qui il succéda en 1809 au poste de maître de chapelle de la cathédrale Saint-Étienne de Vienne. Comme compositeur, il s'illustra surtout dans le domaine religieux.

prélude

Genre musical qui a pris plusieurs formes dans l'histoire de la musique occidentale, avec certaines constantes.

Normalement et en mettant à part le prélude d'opéra traité à la fin de cet article, il s'agit d'une pièce musicale destinée à un instrument soliste (rarement à la voix ou à l'orchestre) qui a pour fonction d'introduire à une autre pièce de caractère plus composé (alors que la forme du prélude est souvent libre, et son style proche de l'improvisation). Le prélude, en tant qu'œuvre écrite, est d'ailleurs issu des improvisations introductives des luthistes, des organistes, quand ils essayaient leur instrument, se mettaient en train, affirmaient la tonalité, etc. L'équivalent du prélude se retrouve dans certaines musiques non européennes, la musique indienne, par exemple, avec ses alaps, improvisations de rythme fluide, où l'on « touche » l'instrument et où on dessine peu à peu la figure du « mode » utilisé (raga). Le prélude est donc souvent, à maints égards, la musicalisation, l'intégration musicale de ce moment presque informel où l'interprète prend contact avec l'instrument, le prend en main, pour l'accorder (luthiste, guitaristes), l'essayer, le faire résonner, se le mettre en doigts, etc., et il utilise de manière privilégiée les modes de jeu spécifiquement instrumentaux : traits, accords arpégés, ornements. En quelque sorte, il affirme l'instrument et son accord déroule un discours musical abstrait.

   À partir de la fin du XIXe siècle, le prélude est aussi devenu, avec Hummel et Chopin, un genre pianistique, consistant en une ou plusieurs pièces autonomes (qui ne préludent plus à… un autre mouvement), pièces assez brèves et de forme libre, souvent regroupées en cahiers et en recueils qui embrassent la totalité des 24 tons majeurs et mineurs (comme l'avait fait le cycle de Jean-Sébastien Bach, le Clavier bien tempéré, avec ses 48 préludes et fugues).

Différents types de prélude

Howard Ferguson propose, avec pertinence, de distinguer 3 types de préludes : le prélude qui a une suite spécifique, c'est-à-dire intégrée dans un ensemble où il prélude à une autre pièce particulière (premier type) ; le prélude unattached, c'est-à-dire destiné à introduire toute pièce de même tonalité pour le même instrument ­ il est publié par recueils de plusieurs préludes et constitue le second type (les Préludes de choral, dans l'Église protestante, destinés à introduire le chant d'un choral en le paraphrasant, seraient une forme particulière de prélude unattached) ; et enfin, le prélude tout à fait indépendant, comme les préludes pianistiques de Chopin, Debussy, etc.

   La littérature musicale du XVIe et du XVIIe siècle proposait de très nombreux préludes des deux premiers types, parfois sous le titre d'intonazione, de toccata, d'intrada, de ricercare, etc. On en trouve dans les Fiori musicali, pour orgue, de Frescobaldi (1635), dans le Fitzwilliam Virginal Book (1609-1619). Mais les premiers préludes notés sont apparus au début du XVe siècle (tablature d'orgue d'Adam Ileborgh, 1448), et, auparavant, ils étaient pratiqués couramment par les instrumentistes sans être notés (cf. chansons polyphoniques de la Renaissance).

   Le prélude non mesuré, à la française, où ne sont notées que les notes de base de l'improvisation, en rondes sans barre de mesure, témoigne de cet état primitif : il serait né chez les luthistes, dont l'instrument nécessite un long accord, et la vérification de cet accord en faisant courir les doigts librement sur les cordes. Les premiers préludes non mesurés pour luth datent de 1630 environ. On en trouve, par la suite, pour la viole et, surtout, pour le clavecin, chez Louis Couperin, D'Anglebert, Nicolas Lebègue, Louis Marchand. Leur style est souvent proche de la « toccata », ou bien du « tombeau » en hommage à des sommités disparues. Leur partition se présente comme un canevas de notes « flottantes » (aucune durée n'étant marquée), qu'il s'agit d'arpéger, d'ornementer, de relier, de rythmer, d'harmoniser librement, dans un rythme non pulsé (ce caractère non pulsé du prélude non mesuré, comme dans l'alap indien, est à relever).

   Au XVIIe siècle, et dans la première moitié du XVIIIe siècle, c'est le prélude du premier type qui prédomine, servant à introduire une fugue, ou une suite de danses. Chez Bach, les Suites anglaises se distinguent des Suites françaises par la présence d'un prélude avant les danses proprement dites. Dietrich Buxtehude contribue à développer le genre prélude et fugue, que Jean-Sébastien Bach va porter à son apogée (notamment avec les 48 préludes et fugues du Clavier bien tempéré). La musique occidentale a connu peu de formes aussi expressives dans leur concision et leur juxtaposition brutale que les préludes et fugues de Bach.

   Le XVIIIe siècle « galant » ayant généralement délaissé la fugue (sauf dans quelques œuvres isolées), on voit réapparaître le couple prélude et fugue surtout au XIXe siècle, mais déjà dans une optique néoclassique, en référence à Bach ­ père de la musique ­, ainsi en est-il des 6 Préludes et fugues op. 35 de Mendelssohn (1832-1837), de la Fantaisie et fugue de Liszt sur les lettres B, A, C, H, des 2 Préludes et fugues de Brahms pour orgue (1856-57), ou du Prélude, choral et fugue, pour piano, de César Franck (1884). C'est au XIXe siècle que le prélude devient un genre plus spécifiquement pianistique : le prélude du second type (unattached) s'est perpétué avec les 50 Préludes op. 73 de Moscheles, écrits en 1827, et qui affichent un propos pédagogique, tout en cherchant, à l'instar du Clavier bien tempéré, à épuiser toutes les tonalités. Cette formule, inspirée de Bach, d'un cahier de 24 préludes parcourant tous les tons majeurs et mineurs et cherchant plus ou moins à exprimer un ethos, un climat propre à chaque ton, sera reprise dans l'op. 67 de Johann Nepomuk Hummel (1814-15), puis illustrée par Frédéric Chopin (24 Préludes op. 28, 1836-1839), Stephen Heller (op. 81, 1853), Charles-Valentin Alkan (op. 31, 1847), César Cui (op. 64, 1903), Ferrucio Busoni (op. 37, 1879-80), etc. Il s'agit alors de préludes indépendants, du troisième type : le prélude a coupé le cordon ombilical avec sa fonction primitive d'introduction.