Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
L

Liberati (Antimo)

Musicien italien (Foligno 1617 – Rome 1692).

Notaire à Foligno (1636-37), il partit pour Vienne au service de Ferdinand III et de l'archiduc Léopold. De retour à Foligno (1644), il vint à Rome sans doute en 1650, et y étudia avec G. Allegri et O. Benevoli. Il fut chanteur à la chapelle papale en 1661, puis en devint le maître de chapelle (1674-75), tout en exerçant la même fonction dans différentes églises romaines. Peu de ses œuvres ont été conservées (1 Laudate Dominum à 4 voix, 1 Messe à 16 voix et 4 airs), mais il semble avoir aussi composé, entre autres, des oratorios, des psaumes et des madrigaux. Il est surtout demeuré célébre pour ses écrits et ses prises de position (Epitome della Musica, 1666 ; Lettera scritta… In riposta ad una del Sig. Ovidio Persapegi, 1684), qui, bien que souvent arbitraires, contiennent de précieux renseignements sur ses contemporains. Il condamne, en particulier, Monteverdi et l'opéra vénitien, et témoigne de la survivance du style de Palestrina dans l'école romaine du XVIIe siècle.

licence

1. Dérogation consciente et volontaire aux règles d'écriture imposées par l'école. La licence, qui doit être reconnue comme justifiée, se distingue ainsi de la « faute », qui est une dérogation à ces mêmes règles, mais sans justification et généralement inconsciente ou involontaire.

2. Traduction peu usuelle de l'italien licenza.

licenza

1. Équivalent italien du français licence 1. C'est en ce sens que Beethoven décrit le finale de sa sonate op. 106 comme une fugue con alcune licenze.

2. Terme italien, généralement non traduit, et qui possède plusieurs significations :

   a) liberté d'interprétation dans le domaine de la mesure et des nuances. Con licenza, « sans s'astreindre à une mesure rigide » ;

   b) au XVIIIe siècle, brève composition (généralement récitatif et air) insérée dans une cantate ou un opéra pour rendre hommage à un personnage important (par exemple, Mozart, KV. 36 et 70) ;

   c) ornementation non écrite, le plus souvent dans une cadence, laissée à la libre improvisation de l'interprète. On emploie aussi le mot cadenza (par exemple, Bach, canon no 10 dans l'Art de la fugue).

Liceo (Gran Teatro del)

Opéra de Barcelone, le plus célèbre d'Espagne.

Inauguré le 4 avril 1847 (3 600 places), il brûla en 1861. Le nouveau bâtiment (3 000 places), ouvert le 20 avril 1962 et obligé par ses statuts de donner au moins un opéra espagnol par an, brûla à son tour en 1994. On y entendit, avant la création scénique à Milan, Atlantida de Manuel de Falla en version de concert (1961).

Lidholm (Ingvar)

Compositeur suédois (Jönköping 1921).

Les événements les plus importants de sa formation ont été ses cours avec H. Rosenberg, sa participation au groupe du Lundi (Måndagsgruppen), ses séjours à Darmstadt ­ les premiers effectués par un compositeur suédois ­, et son stage avec l'important moderniste Mátyas Seiber, en Angleterre. Altiste, chef d'orchestre, personnalité en vue en Suède, Lidholm est, avant tout, un symphoniste, qui, parti d'un style proche de celui de C. Nielsen, a abouti à une forme très personnelle d'écriture, souvent agressive, voire explosive. Dans ses œuvres les plus marquantes, Ritornell (1955), Riter, ballet (1960), Poesis et Nausikaa ensam (1963), on peut remarquer son intérêt pour les problèmes d'organisation des timbres, de la dynamique, de l'équilibre entre les matériaux polyphoniques et mélodiques et son sens de leur utilisation dans une expression dramatique.

Liebermann (Rolf)

Compositeur et directeur de théâtre suisse (Zurich 1910 – Paris 1999).

Il étudia le droit, la direction d'orchestre avec Hermann Scherchen, dont il fut l'assistant à Vienne jusqu'en 1938, et la composition avec Vladimir Vogel, qui l'initia au dodécaphonisme. Il se fit connaître en 1947 par le dynamisme spectaculaire de son Furioso pour orchestre. Suivirent notamment un célèbre Concerto pour jazz-band et orchestre (1954) et le Concert des Échanges, machines (1964).

   On lui doit aussi des ouvrages lyriques, parmi lesquels Léonore 40/45, sur un texte bilingue franco-allemand transposant le sujet de l'opéra de Beethoven dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale (Bâle, 1952), Pénélope (Salzbourg, 1954), et l'École des femmes, d'après Molière (Louisville, 1955 ; puis Salzbourg, 1957). Il prit, en 1950, la direction musicale de Radio-Zurich, et, en 1957, celle de la radio de Hambourg.

   Devenu directeur de l'opéra de Hambourg en 1959, il en fit, en particulier sur le plan de la création et du répertoire contemporains, la première scène lyrique du monde, et réalisa 15 productions d'opéras pour le cinéma et la télévision. Il fut également l'instigateur du tournage du Don Giovanni de Losey (1978-79). En 1971, il fut nommé à la tête de la Réunion des théâtres lyriques nationaux à Paris, et occupa ces fonctions du 1er janvier 1973 au 31 juillet 1980. Durant cette période faste furent montés au palais Garnier et à la salle Favart, des Noces de Figaro (mars 1973) à Boris Godounov (juin 1980), 54 spectacles différents, parmi lesquels, sous la direction de Pierre Boulez, la création mondiale de la version « intégrale » en 3 actes de Lulu d'Alban Berg (24 février 1979). En 1982, il a mis en scène Parsifal à Genève, et il est retourné à Hambourg comme intendant de l'Opéra de 1985 à 1988. En avril 1987 a été créé à Genève son opéra la Forêt. Il a composé depuis Enigma pour orchestre (1994-1995) et l'opéra Acquittement pour Médée (1992, créé à Hambourg en 1995).

lied (all., pl. lieder ; « chanson »)

Terme généralement appliqué au genre très particulier de mélodie accompagnée au piano, qui se développa en Allemagne à l'époque romantique, genre dont les maîtres majeurs ont été Schubert, Schumann, Brahms et Wolf.

Propre à la musique chantée allemande, le lied s'est prolongé jusqu'à nos jours, tandis qu'il s'élargissait en des formes plus vastes, avec accompagnement d'orchestre symphonique (Strauss, Mahler, Schönberg). Mais le mot et la notion mêmes de lied ont une origine bien plus ancienne, qui remonte au Moyen Âge.

Le lied avant le lied

Le terme de lied ­ ou plus précisément, sous ses formes anciennes, de liet ou de leich ­ peut être rapproché étymologiquement de celui de lai. Il désigne, tout d'abord, une forme de chanson pratiquée par les trouvères germaniques, les Minnesänger. Chanson monodique savante, sans doute accompagnée ou soutenue par un instrument, c'est originellement une musique à danser, avant de devenir une sorte de madrigal mettant en musique un poème d'amour courtois, de forme raffinée, le liet proprement dit. Le premier maître du genre est le Minnesänger Walther von der Vogelweide, à la fin du XIIe siècle. Ce lied savant, ou Kunstlied, est, en Allemagne, le pendant de la chanson des troubadours en pays d'oc ou des trouvères en pays d'oïl : il est la forme de musique vocale par excellence des Minnesänger, jusqu'au XVe siècle.

   Du haut Moyen Âge proviennent également de très nombreux chants populaires relevant du folklore ­ ou, pour employer l'expression allemande, du Volkslied. Ce sont ces lieder, dont les textes ont été, à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, collectés et rassemblés par des poètes allemands ­ Herder, Arnim, Brentano, Goethe lui-même ­ et publiés en des recueils, qui ont conquis une vaste popularité ; le plus célèbre d'entre eux est le Cor magique de l'enfant (Des Knaben Wunderhorn), qui ne contient pas moins de 700 Volkslieder (Gustav Mahler en a mis plusieurs en musique).

   On a voulu voir dans le Volkslied une des sources, sinon la source principale, du lied romantique. Mais si le mot de lied, commun aux deux genres, peut, en effet, abuser et induire une confusion entre les deux, ceux-ci s'opposent radicalement. Autant le lied romantique est une œuvre savante, même lorsqu'il revêt un caractère poétiquement populaire, autant le Volkslied du Moyen Âge ou de la Renaissance, anonyme et transmis par tradition orale, est d'essence et de forme populaires : chantant les travaux des jours, les métiers, l'amour, la guerre, la vie quotidienne, etc., il s'apparente aux autres formes de la chanson populaire.

   Dans le domaine savant, la chanson polyphonique française de la Renaissance a son pendant en Allemagne avec le lied polyphonique, profane ou spirituel : chansons d'inspiration séculière, motets religieux, en latin ou en allemand, prennent le terme générique de lieder sous la plume des musiciens du XVIe siècle, pour la plupart disciples de Roland de Lassus (Leonhard Lechner, Johannes Eccard, Hans Leo Hassler), dont ils adaptent le langage contrapuntique pour l'introduire dans le monde germanique luthérien.

   Deux grands événements historiques vont marquer profondément la musique allemande et comptent parmi les sources auxquelles s'est alimenté le lied romantique : la Réforme de Luther et la guerre de Trente Ans. L'influence de Luther est capitale dans l'évolution de la musique vocale allemande : directement, par les recommandations pratiques qu'impose le réformateur à sa communauté spirituelle ; indirectement et à plus long terme, par tout le courant de pensée qui sera celui du monde allemand dans les siècles suivants, intimement imprégné des grandes composantes du luthéranisme. D'une nature profondément musicienne, Luther centre la pratique cultuelle sur le chant communautaire, au temple ou dans la famille, faisant de cette pratique un acte liturgique. Le lien ainsi établi entre la musique (et plus particulièrement le chant) et le sacré orientera de façon décisive toute la pensée allemande et une certaine façon d'envisager la musique, propre à la culture réformée germanique.

   Pour les besoins du culte nouveau, Luther compose des chorals, en fait composer, collecter, adapter par les musiciens de son entourage, à partir, parfois, de chansons populaires. Sur plusieurs générations va ainsi se constituer un corpus de chorals, mélodies volontairement très simples dans la mesure où elles sont vouées à être chantées par tous. Même dans leur version harmonisée à plusieurs voix, les chorals demeurent d'une exécution très aisée, avec leur respiration régulière bien marquée ­ encore un trait dont se souviendra le lied romantique.

   De la sorte, Luther donne un formidable élan à la création d'une musique vocale ­ savante, puisque due à des compositeurs professionnels, mais de coupe simple et destinée à de multiples occasions de la vie quotidienne. Le sacré ne s'y distingue pas plus aisément du profane que le lied ne se différencie alors du choral.

   Quant à la guerre de Trente Ans, au siècle suivant (1618-1648), elle provoque des ravages considérables dans la culture et la société allemandes ; mais elle suscite aussi une exacerbation de la spiritualité, qui s'incarne sur plusieurs générations en courants de pensée et en poèmes religieux (généralement sur fond de terreur et de mort, souvenir immédiat des atroces malheurs de la guerre). C'est, notamment, le courant piétiste, qui touche en profondeur les milieux bourgeois, et dont les principaux poètes sont Jakob Böhme et Angelus Silesius.