Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Decaux (Abel Marie)

Organiste et compositeur français (Auffay, Seine-Maritime, 1869 – Paris 1943).

Il fit ses études à Rouen et commença à apprendre la musique et l'orgue à la maîtrise de la cathédrale. Puis il vint à Paris travailler l'orgue avec Charles-Marie Widor et la composition avec Massenet. Tout en occupant, à partir de 1903 et pour un quart de siècle, le poste d'organiste au Sacré-Cœur de Montmartre, il enseignait l'orgue à la Schola cantorum. De 1926 à 1937, il partit pour les États-Unis et enseigna l'orgue à l'Eastman School of Music, à Rochester. Il composa peu, sinon quelques pièces pour orgue, mais s'attacha d'une façon toute particulière à l'étude des modes, manifestant une curieuse prescience de langage schönberguien en écrivant ses Clairs de lune pour piano (1900-1907). On l'avait d'ailleurs surnommé le « Schönberg français ».

déchant (en lat. discantus)

Dans la polyphonie à 2 voix des débuts de l'Ars antiqua (XIIe-XIIIe s.), conçue à l'origine comme addition a posteriori d'une voix ornementale au-dessus d'un chant principal monodique préexistant, celui-ci était dit cantus et la voix ornementale discantus ­ en français « déchant » : d'où les dérivés « déchanter » (discantare), « déchanteur » (discantor), etc. Le déchant étant en général placé au-dessus du chant, le terme a peu à peu glissé vers le sens de voix supérieure et même vers celui de tessiture haute, qu'on retrouve dans la nomenclature anglaise ou allemande des violes, flûtes à bec et autres instruments de musique (discant, diskant ; TREBLE).

déchiffrage

Terme usuel employé aujourd'hui pour la « lecture à vue » de la musique, c'est-à-dire pour l'interprétation immédiate, d'après l'écriture, d'un morceau inconnu auparavant.

L'expression s'explique par l'usage de la basse chiffrée qui, du XVIIe siècle au milieu du XVIIIe siècle, régissait l'écriture d'accompagnement dans la musique d'ensemble, et en vertu duquel la première tâche d'un « lecteur » était de « réaliser », c'est-à-dire de traduire en notes le chiffrage qui lui était soumis par le compositeur. Le terme a survécu à la désuétude de la basse chiffrée.

décibel (db)

Unité de mesure de l'intensité des sources sonores.

Un bel égale 10 décibels. Ce système pratique a été adopté pour la musique aussi bien qu'ailleurs, lorsqu'il s'agit de mesurer le niveau des bruits. On peut constater, par exemple, que deux trompettes jouées ensemble ne sonnent pas deux fois plus fort ; leur intensité peut être déterminée grâce à un système de mesures dû à G. T. Fechner, fondé sur le logarithme.

déclamation

Art de déclamer, c'est-à-dire de réciter à haute voix avec le ton et les gestes convenables.

Au théâtre, les comédiens récitèrent longtemps leurs rôles avec une certaine emphase qui dénaturait souvent le sens de leurs paroles. Talma fut le premier à réagir contre ce genre trop solennel, mais aujourd'hui bien des acteurs pèchent par l'excès contraire : sous prétexte d'être naturels, ils veulent ignorer la diction. Au théâtre lyrique, la déclamation se doit de rendre audible et compréhensible un texte chanté, de ne pas rendre ridicule un texte parlé sur la musique selon le principe du parlando ou du « récitatif ». Le fait de psalmodier, comme il est pratiqué dans le chant liturgique, est déjà de la déclamation, mais elle conduit à la monotonie. Elle ne prend son relief et sa vigueur que lorsqu'elle épouse un phrasé mélodique auquel souvent elle impose son rythme. La déclamation musicale grecque était mesurée, celle du chant grégorien également. Dans l'opéra, en particulier l'opéra français, les airs sont toujours un peu déclamés, les récitatifs légèrement chantés. Mais dans l'opéra-comique, où la musique n'intervient par définition que pour enrichir l'action d'une pièce, les déclamations parlées et chantées interviennent alternativement. Toutes les deux d'ailleurs ont le même but : permettre à l'auditeur de comprendre le message de l'auteur et du compositeur.

   C'est au musicien, dans l'opéra comme dans le lied, qu'incombe la tâche de concilier le texte et la mélodie. Négliger le premier l'oblige à donner toute la puissance d'expression à la seconde, ce qui est le cas par exemple de quelques œuvres de Verdi (la Force du destin, le Trouvère), où le musicien, ayant à interpréter des textes médiocres, préfère les effacer en ne s'intéressant qu'aux passions, aux ambiances, aux évolutions de l'esprit. En revanche, l'association des déclamations parlées et musicales est parfaitement atteinte dans des œuvres de Wagner, de Schubert, de Hugo Wolf et de Debussy. C'est que le texte et la mélodie ont leurs rythmes et leurs accents propres. Ils ont leurs accents grammaticaux, présentés sous forme de longues et de brèves, et leurs accents oratoires révélés par les modulations des sentiments dont l'interprète est agité lorsqu'il traduit un texte chanté. Ces deux déclamations, littéraire et musicale, se retrouvent dans un phrasé clair comme expressif, dans un ton juste qui ne trahit pas le message exprimé.

   Le chant étant accompagné, il arrive que les intonations chantées soient différentes des intonations harmoniques. Dire juste et chanter juste ne sont pas les mêmes choses. L'interprète doit donc traduire la pensée du musicien au-delà des mots qu'il prononce. Sa déclamation doit s'appuyer sur une diction compréhensible, s'accompagner de gestes appropriés, se moduler sur les intonations de la mélodie. C'est là tout un art, en effet, qui exige beaucoup de travail, de sensibilité, d'intelligence. Trop d'artistes négligent d'étudier la déclamation lyrique sans se douter qu'une déclamation fausse entraîne une interprétation fausse et, de ce fait, trahit le message à eux confié par un auteur et un compositeur. La déclamation d'un interprète peut transformer totalement les valeurs d'un texte et de sa mélodie.

Decoust (Michel)

Compositeur français (Paris 1936).

Élève de Louis Fourestier, Georges Dandelot, Yvonne Desportes, Jean Rivier, Darius Milhaud et Olivier Messiaen au Conservatoire de Paris à partir de 1956, il a obtenu le grand prix de Rome (1963), puis suivi les cours de Karlheinz Stockhausen et de Henri Pousseur à Cologne (1964-65) et de Pierre Boulez (direction d'orchestre) à Bâle (1965). Il a été animateur musical régional dans les Pays de la Loire (1967-1970), responsable des activités musicales dans les maisons de la culture de Rennes et de Nevers (1970-1972), directeur-fondateur du conservatoire municipal de Pantin (1972-1976) et responsable du département pédagogique de l'I. R. C. A. M. (1976-1979). Il a été inspecteur principal de l'enseignement musical, chargé de la recherche au ministère de la Culture, et a été, de 1991 à 1994, directeur général de l'enseignement musical au district de Montpellier.

   Paraphrasant Pierre Boulez, Michel Decoust affirma en 1973 : « Cette expérience (du sérialisme) compte parmi mes plus grands échecs… En 1966, tout compositeur qui n'avait pas compris la nécessité de sortir de l'impasse où nous avait engagés le sérialisme était en deçà des problèmes de la composition à cette époque. » Parmi ses premières œuvres, Ellips pour voix et piano (1964), Horizon remarquable pour voix et orchestre (1964) et Distorsion pour flûtes (1966). De ses préoccupations pour les problèmes de la perception et de la spatialisation de la musique témoigne Polymorphie pour orchestre, créé à Royan en 1967 avec les instrumentistes à vingt-deux mètres de haut et les auditeurs « noyés dans le son ». Suivirent Interaction pour trio à cordes (1967), Instants stabiles pour ensemble d'instruments (1967), États pour chœur (1968), Sun pour 12 cordes et alto solo (1970), M. U. R. pour chœur (1971), Aentre pour 3 cuivres et bande (1971), Actions pour 2 instrumentistes (1972), Et/ou pour 44 pianos (1972), T'aï pour ensemble d'instruments et voix (1972), qui « évoque à sa façon les traditions du Japon telles qu'elles ont pu être traduites dans la conscience européenne depuis Debussy, Stravinski, Messiaen », Si et si seulement pour orchestre (1972), 7. 854. 693. 286 pour bandes à 8 pistes (création à Royan en 1972), 8. 393. 574. 281 pour formation libre (1972), Et, ée ou é ée pour orchestre et chœur (1973), Ion pour voix et bande (1973), Inférence pour orchestre (1974), Iambe pour 12 instruments (1976), Interphone pour bande à 2 pistes avec synthèse numérique par ordinateur (1977), l'Application des lectrices aux champs pour orchestre et voix (1977), Spectre pour orchestre d'harmonie (1978), Traduit du silence pour clavecin, violoncelle, clarinette, clarinette basse et voix sur un texte de Joë Bousquet (1980), Je, qui d'autre pour ténor, baryton et ensemble instrumental (créé en 1987) De la gravitation suspendue des mémoires pour orchestre (créé en 1987), Concerto pour violon (1990), Lignes pour clarinette et quatuor à cordes (1992), Cent phrases pour éventail pour 6 voix et 13 instruments d'après Paul Claudel (1995-1996).