Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
A

Angleterre (suite)

Le XXe siècle

Il faut attendre le début de notre siècle pour que se manifeste à nouveau le génie créateur britannique dans le domaine de la musique. Un premier groupe de compositeurs s'affirme d'abord. C.H. Parry (1848-1918) et C.V. Stanford (1852-1924) subissent avant tout l'influence des romantiques allemands. Ils tirent avec une certaine personnalité les leçons de Schumann, de Brahms et de Wagner. Plus typiquement britannique, Edward Elgar (1857-1934) apparaît de plus en plus comme une figure importante. Ses concertos pour violon et pour violoncelle, ses oratorios, ses œuvres instrumentales, ses deux symphonies, qui n'ont jamais cessé d'être joués en Grande-Bretagne, s'imposent aujourd'hui dans la plupart des autres pays, sous l'impulsion des grands interprètes contemporains. De nature peut-être moins riche, malgré la puissance d'œuvres comme The Mass of Life et le pouvoir descriptif de Brigg Fair, Frederick Delius (1862-1934) laisse maintes pages de premier plan. À l'instar de Cecil Sharp (1859-1924), pionnier de la renaissance du chant folklorique anglais, le grand Ralph Vaughan Williams (1872-1958) se passionne pour la musique de l'époque Tudor. Son œuvre, très vaste, comporte, entre autres, neuf symphonies, cinq opéras, des oratorios, des concertos. Arnold Bax (1883-1953), d'origine irlandaise, auteur de sept symphonies, est surnommé le « Yeats de la musique », en raison de son mysticisme et de son romantisme. Gustav Holst (1874-1934) fait montre aussi d'un esprit original ; il crée un style très personnel, qu'illustrent la suite The Planets et Hymn of Jesus. On ne peut ignorer les noms de Cyril Scott (1879-1970) et d'Arthur Bliss (1891-1975), souvent qualifiés tous deux d'impressionnistes, ni surtout celui de Frank Bridge (1879-1941). En William Walton (1902-1983), les Britanniques reconnaissent volontiers les caractéristiques de leur génie musical propre ; une audace mesurée, une vive curiosité, l'amenant à s'essayer dans les genres musicaux les plus variés (opéra, oratorio, ballet, concerto, symphonie), justifient sa popularité. De même, Michael Tippett (1905) a su, dans ses œuvres chorales et symphoniques, ainsi que dans ses quatre opéras, s'identifier à la forme d'esprit britannique la plus naturelle et la plus spontanée. Alan Bush (1900-1995), Edmund Rubbra (1901-1986), Lennox Berkeley (1903-1989), Alan Rawsthorne (1905-1972) témoignent, eux aussi, de la vitalité de la création musicale britannique de ce siècle, mais c'est Benjamin Britten (1913-1976) qui en demeure le personnage le plus important. Sans minimiser la valeur de ses nombreuses œuvres instrumentales, on peut considérer qu'il passera avant tout à la postérité comme le grand compositeur britannique d'opéra du XXe siècle, autant pour ses ouvrages largement développés, tels que Billy Budd ou Peter Grimes que pour ses opéras de chambre d'une forme particulièrement originale. Il est à remarquer qu'il a su se tenir à l'écart des principales innovations de l'avant-garde, et, notamment, des conclusions tirées par ses contemporains des recherches de l'école de Vienne.

   Cette première moitié du XXe siècle est donc extrêmement riche en créateurs. Citons encore John Ireland (1879-1960), délicat miniaturiste, Roger Quilter (1877-1953), auteur de mélodies, Peter Warlock (1894-1930), E.J. Moeran (1894-1950), auteur d'une remarquable symphonie, la curieuse figure de William Havergal Brian (1876-1972), qui a laissé 32 symphonies dont 16 postérieures à 1959, George Butterworth (1885-1916), Constant Lambert (1905-1951), dont le livre Music Ho ! (1934) est une réflexion remarquable sur la musique européenne du premier tiers du XXe siècle, William Alwyn (1905-1985). Elisabeth Luytens (1906-1983) et Humprey Searle (1915-1982) ont été les premiers dodécaphonistes britanniques. L'Angleterre a, en outre, accueilli, à partir des années 30, un certain nombre d'immigrés de marque, qui ont beaucoup fait pour orienter vers l'avant-garde la production musicale du pays : l'Autrichien Egon Wellesz (1885-1974), disciple de Schönberg, l'Espagnol Roberto Gerhard (1896-1970), élève de Schönberg, le Hongrois Matyas Seiber (1905-1960), l'Allemand Franz Reizenstein (1911-1968), le Polonais Andrzej Panufnik (1914-1991).

   Les cadets immédiats de Britten ont pour noms Peter Racine Fricker (1920-1990), Malcolm Arnold (1921), Robert Simpson (1921), symphoniste original et auteur de remarquables monographies sur Anton Bruckner et Carl Nielsen, Francis Burt (1926), Thea Musgrave (1928), Alun Hoddinott (1929), Malcolm Williamson (1931), Hugh Wood (1932). Ils ont intégré dans leur langage, à des titres divers, Stravinski, Bartók ou le sérialisme. Quant à la jeune génération, elle est représentée tout d'abord par les trois compositeurs du groupe de Manchester : Alexander Goehr (1932), Harrison Birtwistle (1934) et surtout Peter Maxwell Davies (1934), une des personnalités dominantes de l'école anglaise actuelle. Leurs successeurs ont été Anthony Gilbert (1934), Nicholas Maw (1935), Richard Rodney Bennett (1936), Cornelius Cardew (1936-1981), qui travailla avec Stockhausen et se réclame de John Cage, Gordon Crosse (1937), David Bedford (1937), Jonathan Harvey (1939), John Tavener (1944). Roger Smalley (1944) et Tim Souster (1944) ont été, avec leurs aînés Tristram Cary (1925) et Peter Zinovieff (1933), les pionniers de la musique électronique.

   Brian Ferneyhough (1943) est une figure dominante de sa génération au niveau européen. Se sont fait connaître aussi Michael Finnissy (1946), Olivier Knussen (1952), Dominic Muldowney (1952), Robert Saxton (1953), James Dillon (1950), Chris Dench (1953), Malcolm J. Singer (1953), George Benjamin (1960).

   À côté des compositeurs, travaillent en Grande-Bretagne de très nombreux artistes parmi les plus accomplis (instrumentistes, chefs d'orchestre, chanteurs). Sir Henry Wood (1869-1944), fondateur des célèbres Promenade Concerts, sir Malcolm Sargent (1895-1967), sir John Barbirolli (1899-1970), qui dirigea longtemps le célèbre Halle Orchestra de Manchester, sir Adrian Boult (1889-1983) et, surtout, sir Thomas Beecham (1879-1961), fondateur de la Philharmonie de Londres (1932) et du Royal Philharmonic Orchestra (1946), ont été les grands chefs anglais de leur génération. Colin Davis (1927) a succédé à Beecham sur le plan de la notoriété internationale, et Simon Rattle (1955) semble indiquer que la relève est assurée. La brillante école anglaise de chant est l'envie de tous les pays. Elle a produit des interprètes illustres, mettant au service de voix qui ne sont pas nécessairement exceptionnelles une technique qui rappelle celle, légendaire, du bel canto, et qui exige une musicalité sans faille. Cette technique est sans doute à la base des qualités remarquables d'ensembles choraux comme le King's College Choir ou les Ambrosian Singers.