Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
I

Ingegneri (Marco Antonio)

Compositeur italien (Vérone v. 1545 – Crémone 1592).

Il fut sans doute l'élève de Vincenzo Ruffo à Vérone avant de se rendre à Parme, où il reçut les conseils de Cipriano de Rore il divino, l'un des maîtres de l'écriture chromatique. Vers 1568, il s'installa à Crémone, où il devint maître de chapelle à la cathédrale (1581). Dans cette ville, Monteverdi fut l'un de ses élèves, ainsi que Nicolao Sfondrato, le futur pape Grégoire XIV. Ingegneri dirigea également la chapelle de Saint-Ambroise à Gênes (1584-85).

   Musicien raffiné, il a laissé de la musique religieuse, notamment un recueil de 27 répons de la semaine sainte (4 voix a cappella), attribués à tort à Palestrina, quatre volumes de Sacrae cantiones, publiés chez Gardano à Venise (1576, 1586, 1589, 1591), ainsi que deux livres de Messes chez Amadino (1573, 1587). Deux livres de madrigaux à 4 voix, cinq à 5 voix (le premier est perdu) et un seul à 6 voix témoignent de la qualité de sa contribution à la musique vocale profane de son temps. Ingegneri sut parfaitement exploiter le chromatisme, très prisé à l'époque, mais il le fit en général avec discrétion et bon goût.

Inghelbrecht (Désiré Émile)

Chef d'orchestre et compositeur français (Paris 1880 – id. 1965).

Fils d'un altiste de l'Opéra, il fit ses études au Conservatoire de Paris. À l'âge de seize ans, il entra dans l'orchestre des concerts de l'Opéra comme second violon, ayant étudié cet instrument auprès de son père. Entre 1903 et 1908, il composa ses premières mélodies et œuvres instrumentales, et prit la baguette au Concert national pour y diriger ses propres partitions (Marine, la Serre aux nénuphars, Automne). En 1908, Robert d'Humières l'engagea comme directeur musical du Théâtre des Arts, où il devait créer la Tragédie de Salomé de Florent Schmitt. En 1911, il participa comme chef de chœur à la création du Martyre de saint Sébastien de Debussy au Châtelet et, en 1913, il assura la direction de la première saison musicale du Théâtre des Champs-Élysées, où il dirigea Benvenuto Cellini, le Freischütz et Boris Godounov. Entre-temps, il avait fondé en 1912 l'Association chorale de Paris, dont il dirigea les premiers concerts (1914). Il fut mobilisé durant la Première Guerre mondiale, puis on le retrouve en 1919 à la tête des Concerts Ignace-Pleyel, qui s'imposaient de ressusciter des œuvres instrumentales des XVIIe et XVIIIe siècles. Entre 1920 et 1923, Inghelbrecht dirigea en tournée l'orchestre des Ballets suédois. C'est à partir de cette époque qu'il commença à composer des ballets (El Greco, 1920 ; le Diable dans le beffroi, d'après E. Poe, 1921 ; Jeu de couleurs, 1933), qui furent généralement créés par son épouse, la danseuse Carina Ari. Inghelbrecht fut successivement directeur de la musique à l'Opéra-Comique (1924-25), chef de l'orchestre Pasdeloup (1928-1932) et directeur de l'Opéra d'Alger (1929-30). En 1934, il fonda l'Orchestre national de la Radiodiffusion française, à la tête duquel il devait rester pendant quinze ans, faisant connaître, par le truchement des ondes, les grandes œuvres symphoniques et lyriques. On lui doit la première exécution en France de la version originale de Boris Godounov (1935).

   Inghelbrecht a laissé plusieurs ouvrages de souvenirs et de commentaires sur son art : Comment on ne doit pas interpréter Faust, Carmen, Pelléas (1933), Mouvement contraire (1947), le Chef d'orchestre et son équipe (1950), Le chef d'orchestre parle au public (1957).

instrumentation

Opération qui consiste à attribuer à un instrument déterminé l'exécution d'une phrase musicale.

La notion même d'instrumentation (qu'il ne faut pas confondre avec orchestration) peut paraître périmée en ce sens que, depuis deux siècles, les compositeurs conçoivent et écrivent directement en fonction de l'instrument. Il en allait tout autrement jusqu'au temps de J.-S. Bach. François Couperin, dans ses Concerts royaux, par exemple, considère comme interchangeables les instruments de tessitures voisines et abandonne leur choix aux interprètes. La flûte traversière peut fort bien se charger d'une partie de hautbois, voire de violon, pourvu que celle-ci ne comporte pas de doubles cordes et ne descende pas au-dessous du ré. Au besoin, les traits incompatibles peuvent être adaptés et l'œuvre entière transposée dans un autre ton. Cela fait partie de l'art d'instrumenter, brillamment pratiqué par Serge Prokofiev quand il transforma en sonate pour violon et piano son opus 94, initialement composé pour la flûte.

interligne

Espace compris entre deux lignes consécutives de la portée.

Chaque portée comporte donc quatre interlignes.

interlude (étymol. « entre-jeu »)

Dans un ouvrage lyrique ou un ballet, pièce symphonique destinée à enchaîner deux tableaux de manière à laisser aux machinistes le temps de changer le décor et assurant une transition musicale entre une scène et la scène suivante. L'exemple le plus caractéristique est fourni par les interludes de Pelléas et Mélisande, que Claude Debussy composa au cours des répétitions, à la demande du metteur en scène Albert Carré.

intermède

Forme théâtrale qui remonte à l'époque médiévale (mystères, drames liturgiques).

À la Renaissance, l'intermède, exécuté entre les actes d'une tragédie, d'une comédie, d'une pastorale, etc., comporte des danses et des pièces vocales. En Italie, l'arrivée de la monodie accompagnée, mêlée à des chœurs et à des danses instrumentales, contribua à donner aux intermèdes une place de plus en plus importante dans les spectacles de la Renaissance, créés à l'occasion des cérémonies de cour. Le genre pénétra en France, sous l'influence italienne, au cours de la seconde moitié du XVIe siècle. Il continua sa carrière au siècle suivant, placé entre les actes d'une tragédie, d'une pastorale ou pour agrémenter une pièce à machines. Parfois, la forme s'inspirait directement de la commedia dell'arte, comme les comédies-ballets de Molière que Lully mit en musique. Au XVIIIe siècle, Rameau appela « intermèdes » les parties musicales de la comédie de Voltaire la Princesse de Navarre, représentée à l'occasion des fêtes de la cour (1745). Quelques années plus tard, Rousseau ajouta ce terme comme sous-titre à son Devin du village (1753).

   Depuis lors, l'intermède, ou intermezzo, désigne tout épisode qui sert de lien entre les actes d'une pièce ou d'un opéra. À titre d'exemple, on peut citer l'Intermezzo de Manon Lescaut (Puccini) ou celui de Fennimore and Gerda (F. Delius).