Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
L

lettres

1. L'usage de désigner les notes par des lettres remonte à la notation grecque antique (IIIe s. av. J.-C.). Dans une première notation, dite instrumentale, on se servait de signes conventionnels obtenus par déformation de certaines lettres de l'alphabet. Une seconde notation, dite vocale, utilisait les lettres telles quelles, avec valeur de numérotation descendante des sons dans les trois genres. La notation grecque a cessé d'être en usage à partir du IVe siècle apr. J.-C., mais s'est néanmoins transmise dans les écoles par les traités et par l'autorité de Boèce, de sorte que le Moyen Âge connut le procédé. Il l'adapta à l'alphabet latin vers le Xe siècle, mais cette fois en montant et pour le seul genre diatonique, les deux autres étant tombés en désuétude.

   Deux procédés principaux furent employés. L'un, attribué à tort à Odon de Cluny et dû sans doute à Guillaume de Vulpiano, partait de l'ut et couvrait deux octaves, de A à P. L'autre, de A à G, qui prévalut, s'inspirait de l'échelle grecque en commençant sur la et en reprenant au bout d'une octave les mêmes lettres écrites différemment (d'abord majuscules, ensuite minuscules, enfin avec doublement ou addition d'apostrophe). Au grave, quand on en ressentit le besoin, on employa le G grec ou gamma, d'où notre mot « gamme ». Ce qui donna lieu à la correspondance ci-après, qui, toutefois, n'est valable que pour le solfège moderne (SOLMISATION) : 

   Le B était mobile et pouvait s'écrire soit carré (B quadratum, d'où bécarre) s'il y avait un ton entre A et B, soit rond (B rotundum) s'il n'y avait qu'un demi-ton. On disait aussi B durum (B dur) ou B molle (B mou, qui a donné bémol). On notera l'illogisme, qui a fait choisir l'un des termes dans une nomenclature décrivant l'écriture, et l'autre dans une autre nomenclature décrivant cette fois l'intervalle musical. C'est beaucoup plus tard que ces signes, qui étaient d'abord des lettres désignant des notes, ont pris le sens d'altération affectant des notes au lieu de les représenter. Les lettres s'appelaient clefs (claves), et ce nom est resté aux signes qui en sont dérivés et que l'on place au début de la portée pour indiquer à quelle note correspond la ligne (CLEF).

   Les syllabes ut, ré, mi, fa, sol, la, attribuées aux notes au XIe siècle par Guy d'Arezzo, n'avaient pas d'abord le sens qu'on leur donne aujourd'hui. Elles ne remplaçaient pas les lettres, mais s'ajoutaient à elles de manière variable. Ce n'est qu'au XVIIe-XVIIIe siècle qu'on les considéra comme équivalentes, en ajoutant la syllabe si pour compléter la nomenclature. En outre, les Allemands, et eux seuls, ajoutèrent la lettre H pour le si bécarre, conservant B pour le si bémol, de sorte que la lettre B n'a pas la même valeur partout, désignant le si bémol pour les Allemands et le si naturel pour les Anglais, qui, comme eux, ont gardé l'usage des lettres alors que les Latins préféraient les syllabes.

2. Lettres romaniennes. Lettres minuscules placées au-dessus de certains neumes dans plusieurs manuscrits de chant grégorien de l'école de Saint-Gall aux IXe et Xe siècles, et qui indiquaient des particularités d'exécution exprimées par le mot dont elles étaient l'abréviation : c = celeriter (« accélérer »), t = tenete (« ralentir »), etc.

3. Lettres significatives (litterae significativae). Lettres insérées dans le texte des Évangiles de la Passion, et qui, après avoir indiqué un changement de timbre mélodique selon le personnage qui s'exprime, ont désigné ensuite le ministre chargé de ce personnage en lecture chantée et dialoguée.

4. Lettres musicales. On appelait ainsi, autrefois, les lettres susceptibles de recevoir une traduction en notes dans la nomenclature alphabétique exposée plus haut. Il y avait, comme on l'a vu, 8 lettres musicales dans le système allemand (A à H) et 7 dans le système anglais (A à G), et pas davantage. Schumann tenta d'en augmenter le nombre en utilisant phonétiquement la lettre S du suffixe es, qui, en allemand, désigne la note bémolisée (Es, contraction de Ees = mi bémol, As, contraction de Aes = la bémol). La tentative, employée dans le Carnaval (1834-35), est restée éphémère. C'est en 1910 que Jules Écorcheville, directeur de la revue française S. I. M., imagina de compléter systématiquement l'alphabet en continuant diatoniquement la série commencée pour lui permettre de traduire en notes n'importe quel nom propre comme Bach l'avait fait pour le sien (qui avait la chance de n'avoir que des lettres musicales). D'assez nombreux « hommages » purent ainsi être composés sur le nom de leur dédicataire. Malheureusement, le système employé ne fut pas codifié avec une clarté suffisante, de sorte que plusieurs « clefs » contradictoires ont été employées à cet effet.

   Les principales furent les suivantes :

   « Clef allemande » (1910, pièces sur le nom de Haydn publiées dans la S. I. M.) :  

   « Clef anglaise » (1922, pièces sur le nom de Gabriel Fauré publiées par la Revue musicale) :  

   « Clef allemande à base alphabétique » (1943, M. Duruflé, pièce sur le nom d'Alain) :  

   « Clef chromatique sur deux octaves » (1950, J. Chailley, fantaisie sur le C. A. E. M.) :

   a)Touches blanches

 

   b)Touches noires

 

5. Sous le nom de langage communicable, O. Messiaen a présenté en 1969 (Méditations sur le mystère de la Sainte Trinité) une clef personnelle d'une grande complication, dotée en outre de valeurs fixes de durée ; elle est trop complexe pour pouvoir être exposée ici.

Leutgeb (Joseph)

Corniste autrichien (Vienne 1732 – id. 1811).

De novembre 1761 à janvier 1783, il joua des concertos pour orgue à quatorze concerts au Burgtheater : parmi ces concertos, un de Michael Haydn (perdu) et sans doute celui en ré majeur Hob. VIId.3 de Joseph Haydn, daté de 1762. Il entra ensuite dans l'orchestre de Salzbourg, et en 1770 se produisit à Francfort et à Paris. Il se réinstalla à Vienne en 1777, s'occupant de la fromagerie de son beau-père. Mozart écrivit pour lui au moins le quintette K.407 (1782), le rondo K.371 (1781) et les concertos K.417 (1783), K.495 (1786), K.447 (1787-188) et K.412 (laissé inachevé en 1791).