Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Ligue de la patrie française, (suite)

Officiellement constituée le 19 janvier 1899, la Ligue devient très vite une organisation nationaliste et antidreyfusarde, mais conserve des attaches républicaines. Elle se distingue de la Ligue des patriotes en refusant toute violence et en évitant les écarts de langage. Lemaître, qui en devient le président, tient à cette ligne moins démonstrative et plus convenable aux yeux d'une clientèle plus bourgeoise que celle de la Ligue des patriotes et d'autres ligues populaires avec lesquelles, d'ailleurs, les relations s'enveniment. En février 1899, la Ligue de la patrie française revendique 40 000 adhérents, mais son organisation reste faible, en dépit d'une représentation dans toutes les régions de France et d'une puissance financière enviable. Ayant opté pour la voie électorale, elle prépare activement les législatives de 1902, mais y obtient de médiocres résultats, sauf à Paris. Après 1903, elle entre en sommeil.

Ligue des patriotes,

organisation nationaliste fondée par Paul Déroulède le 18 mai 1882.

Présidée par l'historien Henri Martin, disciple de Michelet, et patronnée par Victor Hugo, la Ligue des patriotes s'inscrit d'abord dans la meilleure orthodoxie républicaine. Sa vocation affichée est d'inculquer à la jeunesse des écoles l'esprit civique et l'amour de la patrie. À partir de 1886, le ton se durcit. Un nationalisme plus agressif s'affirme notamment dans l'organe hebdomadaire de la ligue : le Drapeau. Déroulède y défend la nécessité d'un régime fort et d'un homme providentiel. Implantée - certes inégalement - sur l'ensemble du territoire national, la Ligue des patriotes joue un rôle non négligeable durant la crise boulangiste. À Paris, elle compte entre 25 000 et 30 000 adhérents, ce qui lui permet d'être présente dans la rue. L'échec du général Boulanger entraîne sa dissolution, le 16 mars 1889.

L'affaire Dreyfus est l'occasion d'annoncer la refondation officielle de la ligue lors de deux grandes réunions, en septembre et en décembre 1898 : elle est alors l'organisation nationaliste de masse la plus structurée et comprend dans ses rangs de grands acteurs de l'anti-dreyfusisme, comme Édouard Drumont, Henri Rochefort ou Maurice Barrès. Elle compte alors, selon les estimations, entre 30 000 et 60 000 adhérents répartis dans toute la France, mais, en dehors de la capitale, elle n'est guère implantée qu'à Marseille.

Le 23 février 1899, une maladroite tentative de coup d'État fomenté par la ligue lors des obsèques du président de la République Félix Faure échoue. L'arrestation de Déroulède puis la fin de l'affaire Dreyfus atténuent très sensiblement l'activité de la Ligue des patriotes, qui décline surtout après les élections législatives de 1902 et finit par être absorbée par la droite classique.

Ligue du bien public,

coalition constituée contre Louis XI en 1465, et regroupant surtout les grands du royaume mécontents de la politique menée par le roi au début de son règne.

Les premières mesures prises par Louis XI à son avènement (1461) en matière administrative et fiscale suscitent de nombreuses protestations. En effet, les grands princes, qui acceptent mal le renforcement des prérogatives royales, défendent alors un programme de réformes pour le « bien public » du royaume (allègement des impôts, suppression de l'armée permanente, retour aux états généraux) qui vise surtout au maintien de leurs privilèges. À la tête des coalisés se trouve Charles de France, duc de Berry, frère de Louis XI et héritier présomptif de la couronne. Mais les principales initiatives de la Ligue sont le fait des ducs d'Alençon, de Bourbon (Jean II), de Bretagne (François II), du comte de Saint-Pol et de Charles le Téméraire, alors comte de Charolais. Parmi les insurgés figurent aussi quelques prélats, tel Thomas Basin, et quelques anciens officiers de Charles VII renvoyés par Louis XI en 1461. Toutefois, la petite et la moyenne noblesse ainsi que les bourgeois des « bonnes villes » refusent, dans leur ensemble, de s'engager dans le mouvement.

Les hostilités débutent en avril 1465. Louis XI attaque alors le duc de Bourbon sur ses terres. Mais, apprenant que le duc de Bretagne et le comte de Charolais dirigent leurs troupes vers Paris, il doit bientôt regagner la capitale. Le 16 juillet, à Montlhéry, les armées royales affrontent celles de Charles le Téméraire. L'issue de la bataille est indécise, le roi parvenant néanmoins à éviter le pire grâce aux Parisiens, qui refusent l'entrée de leur ville à l'armée de la Ligue.

En septembre, Louis XI se résigne à traiter. Il négocie séparément avec chacun des insurgés et, par les accords de Conflans et de Saint-Maur-des-Fossés (octobre 1465), brise la coalition. Il accepte d'importantes concessions, les jugeant sans doute temporaires : à son frère, il donne en apanage la Normandie, qu'il reprendra l'année suivante ; à Charles le Téméraire, il rend les villes de la Somme et offre la main de sa fille aînée, Anne, qui épousera plus tard Pierre de Beaujeu ; le duc de Bourbon, quant à lui, reçoit la lieutenance générale des provinces du centre du royaume, alors que le comte de Saint-Pol est nommé grand connétable ; enfin, Louis XI rétablit dans leurs fonctions nombre des officiers qu'il avait évincés en 1461. Officiellement, la guerre est terminée. Elle reprendra, en 1470, contre la Bourgogne, après l'entrevue de Péronne.

ligues.

Sous la IIIe République, le mot, ainsi employé au pluriel, se réfère à des mouvements de masse, ou aspirant à le devenir, qui, sans exclure le recours à l'agitation violente, se donnent pour buts avoués de déstabiliser le régime républicain et de le remplacer par un pouvoir autoritaire d'inspiration nationaliste.

Les premières ligues.

• Elles sont présentes dès les débuts de l'histoire de la IIIe République, dans les années 1880. Leur réapparition périodique, jusqu'à la fin des années 1930, correspond à des phases de troubles, d'ordre économique ou politique. L'organisation qui apparaît comme le prototype des ligues, la Ligue des patriotes, se présente au départ, en 1882, comme une formation purement patriotique animée du désir de préparer la revanche. Au milieu des années 1880, sous la présidence du poète Paul Déroulède, elle adopte progressivement une thématique autoritaire et antiparlementaire qui n'est pas dénuée de démagogie sociale : le Parlement étant une émanation d'une oligarchie de privilégiés, minée par la corruption et l'impuissance, il faut lui substituer un pouvoir fort, celui d'un chef élu au suffrage universel. C'est le thème « plébiscitaire », d'inspiration bonapartiste. Dissoute en 1889, elle entre provisoirement en sommeil. Liée à l'affaire Dreyfus, l'agitation ligueuse reprend dans les années 1898-1902. La Ligue des patriotes, la mieux organisée, représente le ciment du « parti national ». Mais l'échec de Déroulède, condamné en 1900, en raison de son activité factieuse, à dix ans de bannissement, entraîne son déclin irrémédiable. La Ligue antisémite, qui recrute en milieu populaire et attaque avec virulence les juifs, censés détenir les clés du pouvoir économique et politique du pays, ne survit guère à la perte d'influence de son chef, Édouard Drumont, au début du XXe siècle. La Ligue de la patrie française, fondée en 1899 par de respectables écrivains, et dont le recrutement est plus bourgeois, échoue aux élections de 1902. En fait, les ligues se sont révélées essentiellement aptes à rassembler des mécontents, mais se sont montrées incapables de mettre en place un projet politique précis. Elles s'éclipsent pendant la Grande Guerre, durant laquelle est formée l'« union sacrée », qui, tout en réalisant l'un de leurs objectifs, leur interdit de poursuivre leur agitation, puis lors de la législature du Bloc national, et se réveillent au cours des années 1920.