Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
A

Aliénor d'Aquitaine, (suite)

Deux mois plus tard, Aliénor, âgée de 30 ans, épouse Henri Plantagenêt, comte d'Anjou et duc de Normandie, de dix ans son cadet. Lorsque ce dernier devient roi d'Angleterre, en 1154, les domaines des Plantagenêts s'étendent de l'Écosse aux Pyrénées. À partir de 1169, son fils Richard gouvernant l'Aquitaine, Aliénor réside le plus souvent à Poitiers, d'autant que ses relations avec Henri II se dégradent. Mêlée à la révolte de ses fils contre leur père, elle est arrêtée et enfermée à Chinon à partir de 1174. Elle n'en sort qu'en 1189, à l'avènement de son fils Richard Cœur de Lion. Elle retrouve alors un rôle de premier plan : régente pendant la troisième croisade, elle assure en 1199 la succession du royaume à son second fils, Jean sans Terre, puis se rend en Castille, en 1200, pour y chercher sa petite-fille Blanche, destinée à l'héritier de Philippe Auguste, le futur Louis VIII. Sur le chemin du retour, la vieille reine se retire définitivement, jusqu'à sa mort, dans l'abbaye de Fontevraud.

À Poitiers, Aliénor d'Aquitaine a tenu une cour brillante, inspirée de son grand-père Guillaume IX le Troubadour. Elle a contribué largement au rayonnement de la littérature courtoise, protégé le troubadour Bernard de Ventadour et favorisé la diffusion de la légende de Tristan. Ses nombreuses filles ont poursuivi ces activités de mécénat, et propagé à leur tour la littérature courtoise en Castille, en Bavière, en Provence et en Sicile.

« Monstre femelle » pour les clercs de son époque, Aliénor a longtemps été considérée par les historiens comme une fauteuse de troubles, comme la cause, par son inconduite, son divorce et son remariage, de trois siècles de conflits avec l'Angleterre. Aujourd'hui, on perçoit cette figure célèbre de façon différente : elle incarne la femme libérée du XIIe siècle, symbole d'un Moyen Âge éclairé et plaisant ; cependant, d'aucuns voudraient la présenter comme l'archétype de la princesse médiévale, plus à plaindre qu'à admirer. Si Aliénor continue de susciter des prises de position aussi tranchées, c'est parce qu'elle reste avant tout une figure féminine centrale de notre histoire.

Allarde (loi d'),

loi votée le 2 mars 1791, sur la proposition du député d'Allarde, qui, en supprimant les corporations, jurandes et maîtrises, ainsi que les privilèges des manufactures, impose la libre entreprise en France.

Régissant le monde du travail dans les villes, les corporations sont considérées, au XVIIIe siècle, par les partisans des idées nouvelles du « laissez-faire » comme une entrave à la libéralisation de l'économie. En effet, les corps de métier soumettent à autorisation toute ouverture de boutique, atelier ou manufacture. S'assurant un monopole, ils éliminent la concurrence et mettent un frein à l'évolution des techniques. Une première fois abolies par Turgot, mais aussitôt rétablies (1776), les corporations sont à nouveau supprimées dans la nuit du 4 août 1789, mais la mesure est retirée des décrets d'application. Élaborée lors du débat sur les patentes à la Constituante, la loi d'Allarde autorise enfin tout citoyen à exercer la profession de son choix à condition qu'il s'acquitte de cet impôt. Les ouvriers, croyant que le droit d'association leur sera accordé, ne s'y opposent guère ; mais ils vont vite déchanter : quelques semaines plus tard, la loi Le Chapelier leur interdit le droit de grève et de coalition. Il en va de même pour nombre de manufacturiers et de négociants, qui voient les structures de production bouleversées. Malgré les résistances qu'elle rencontre, la loi d'Allarde libère la production et devient, avec la loi Le Chapelier - son corollaire -, l'une des pièces maîtresses de l'édifice libéral du XIXe siècle.

Allemagne (campagne d'),

opérations militaires menées en Allemagne par les armées napoléoniennes en 1813.

À l'issue de la retraite de Russie, et alors que la Grande Armée n'est plus constituée que de 10 000 hommes, une vague d'enthousiasme - aboutissement du courant national développé en Allemagne depuis le discours de Fichte en 1807 - déferle à Berlin : la jeunesse universitaire, la bourgeoisie et la noblesse réclament un « combat de libération ». La Prusse organise alors une armée de 100 000 hommes, commandée par Blücher, Gneisenau et Clausewitz, et forme avec la Russie la sixième coalition contre la France. Cette dernière s'est redressée rapidement : elle reconstitue une armée de près de 500 000 hommes, qui comprend toutefois une forte proportion de jeunes recrues inexpérimentées.

En avril 1813 commence la campagne d'Allemagne : en dépit du nombre croissant des partisans de la paix dans son entourage, Napoléon reprend les armes. Son objectif stratégique est d'installer son armée entre l'Elbe et l'Oder afin de mener les combats loin du territoire français et de protéger la Confédération du Rhin. La première phase des opérations est marquée par les dernières victoires françaises, à Lützen (2 mai 1813) et à Bautzen (20-21 mai 1813). Mais la débâcle survenue en Espagne et un armistice propice à la constitution de renforts encouragent l'Autriche, puis la Suède à rejoindre la coalition soutenue par la Grande-Bretagne. L'armée française résiste encore deux mois durant, mais doit céder à Leipzig (16-19 octobre 1813). Le Grand Empire est détruit, et Napoléon ne dispose plus que d'une armée exsangue pour défendre le territoire français envahi.

Allemane (Jean),

militant socialiste (Boucou, près de Sauveterre, Haute-Garonne, 1843 - Herblay, Seine-et-Oise,1935).

Enfant, Jean Allemane gagne Paris, où il devient ouvrier typographe et se syndique à l'âge de 18 ans. Lors de la guerre de 1870, il est caporal de la Garde nationale. Après le 18 mars 1871, il met en pratique, à la mairie du Ve arrondissement, les résolutions laïques et anticléricales de la Commune. Arrêté le 28 mai, il est condamné aux travaux forcés à perpétuité et déporté en Nouvelle-Calédonie. Amnistié en 1880, il redevient typographe, fonde la Société fraternelle des anciens combattants de la Commune (1889), dont il célèbre tous les ans l'anniversaire. Grâce au prestige d'ancien communard dont il jouit, il joue un rôle majeur dans le développement du mouvement socia-liste, au sein duquel il incarne, avec ses partisans, les allemanistes, une tendance ouvriériste, antimilitariste, méfiante à l'égard du Parlement, des « bourgeois » et des hiérarchies, favorable à la grève générale. Il fonde le Parti socialiste ouvrier révolutionnaire (PSOR) en 1890, puis entre à la SFIO avec son parti (1905). Sans renier ses idées, il siège à l'Assemblée nationale entre 1901 et 1910, rédige ses Mémoires d'un communard (1906), puis cesse son activité militante. En 1914, il approuve l'appui de la SFIO à l'« union sacrée ». Il s'intéresse, sans y adhérer, à la création du Parti communiste, en 1920. Dès 1936, une place porte son nom, parmi des rues dédiées à d'autres communards, à la cité-jardin de la Butte-Rouge (Châtenay-Malabry, Hauts-de-Seine).