Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Gaule (suite)

La Gaule est donc partagée entre plusieurs royaumes barbares, qui sont en même temps autant de provinces romaines : wisigoth, burgonde, franc, tandis que l'Armorique est presque autonome et que le nord du Bassin parisien est encore administré par des notables romains. Dès lors, et pour plusieurs siècles, les identités ethniques, sinon nationales, deviennent d'une grande complexité, un même individu pouvant se réclamer, suivant les circonstances, de plusieurs d'entre elles.

C'est pourquoi on peut relativiser aussi l'importance fondatrice du baptême de Clovis vers 498. Certes, le chef franc était jusqu'alors adepte d'une religion germanique, d'ailleurs fort mal connue, mais il était aussi le responsable administratif et militaire d'une province romaine, la Belgique seconde. La tombe de son père Childéric Ier, chef d'une armée fédérée ayant passé un traité avec Rome, mort vers 481 et inhumé à Tournai, a révélé à la fois des parties de costume de style franc et des insignes de pouvoir faisant référence à Rome. Quant à Clovis lui-même, il sera considéré comme un consul par l'empereur d'Orient. En outre, la Gaule est pour l'essentiel chrétienne, et le baptême du chef franc apparaît surtout comme une manière de renforcer ses liens avec les notables lettrés des villes et avec les grands propriétaires fonciers, ainsi qu'avec leur réseau d'évêques, qui sont issus de leurs rangs. Le règne de Clovis sera surtout l'occasion de réunir sous son pouvoir les territoires « romains » du Bassin parisien, ainsi que ceux contrôlés par les Wisigoths. Mais, à sa mort, ces terres seront à nouveau divisées entre ses quatre fils.

La culture matérielle confirme l'absence de rupture décisive. Les fouilles menées dans les cimetières ne montrent pas de modifications importantes quant aux caractères physiques des populations. L'occupation des villes, mais aussi des grandes propriétés rurales, se poursuit. Le style des poteries se transforme très lentement ; l'architecture religieuse chrétienne reprend une grande partie des plans et des techniques des constructions antiques. Le latin reste, pour longtemps, la langue véhiculaire et administrative. À partir de quand ne peut-on plus parler de « Gaule » ? Sous l'Empire, le terme n'avait de sens officiel qu'administratif (et il y avait plusieurs Gaules). Les chefs « barbares » se réclament de Rome seule, et la dynastie mérovingienne, à la suite de Clovis, sera celle des « rois des Francs ». Le terme Francia n'entrera pas dans les usages avant les XIe et XIIe siècles.

L'« invention » de la Gaule

On voit donc pourquoi l'on peut parler d'une « invention de la Gaule ». La civilisation celtique, issue de l'évolution du complexe nord-alpin à l'âge du fer, ne coïncidait guère, par excès et par défaut, avec les limites de l'actuel territoire français. Il y eut, progressivement, une « celtisation » de la moitié sud de la France (mais aussi de l'Espagne, de l'Italie du Nord et d'une partie de l'Europe orientale), puis une « germanisation » du domaine celtique oriental, et enfin une « romanisation » de l'ensemble du domaine celtique subsistant. César lui-même, tout en ayant témoigné de la diversité culturelle de la Gaule, s'est efforcé de distinguer fortement les Gaulois (dont les Belges) des Germains, alors qu'on relève de nombreux indices d'une situation bien plus complexe. Il n'y a jamais eu d'unité gauloise, même du temps de Rome, mais des dizaines de « peuples » gaulois, chacun en voie de se constituer en État au moment de la conquête romaine, et assez naturellement en lutte les uns contre les autres.

Les Gaulois ont connu une fortune historiographique diverse. Ils ont longtemps été considérés comme des vaincus, civilisés par des vainqueurs qui en ont abondamment décrit la barbarie. L'aristocratie s'est réclamée des Francs, et on avait inventé un Francus fondateur, contemporain de la guerre de Troie. C'est la Révolution, au moment où s'affirme l'idée de nation, qui, retournant l'argument franc, considère les Gaulois comme les véritables ancêtres de la nation française, les Romains et les Francs n'étant que des envahisseurs. Une « celtomanie » romantique se développe pendant la première moitié du XIXe siècle, avant de s'effacer devant les progrès de l'archéologie. Napoléon III, à la recherche d'une idéologie nationale et populaire, est l'un des fondateurs de l'archéologie gauloise, faisant fouiller Alésia et créant à Saint-Germain-en-Laye le Musée des antiquités nationales. Pourtant, à la suite des historiens romantiques comme Michelet, Augustin et Amédée Thierry, ceux de la IIIe République, tel Camille Jullian, entreprennent de dépeindre une « nation gauloise ». Vercingétorix prend alors toute sa place dans l'histoire d'une France vaincue en 1870 et amputée. Il sera à nouveau sollicité pendant d'autres périodes de crise, comme sous Vichy.

Sauf exception, l'archéologie officielle restera longtemps cantonnée à l'étude des vestiges prestigieux de la Grèce, de Rome ou de l'Orient, laissant à des notables amateurs le soin de fouiller le sol plus modeste de la Gaule. Elle ne s'est vraiment développée que depuis une trentaine d'années sur le sol métropolitain, modifiant profondément les connaissances sur cette période. Ces progrès, conjugués à ceux de la critique historiographique, permettent d'offrir une vision renouvelée de la Gaule.

Gaules (guerre des),

nom donné à la série de campagnes militaires qui, entre 58 et 51 avant J.-C., aboutissent à la conquête totale du territoire gaulois par les armées romaines. Jules César en rédigea la chronique dans ses Commentarii de bello gallico.

La conquête de la Gaule commence en fait par celles de la Provence et du Languedoc, enlevés en 124 avant J.-C. par Domitius Ahenobarbus et réunis dans la province de Gaule Transalpine. Mais c'est à partir de 58 avant J.-C. que s'engage la véritable guerre, lorsqu'un aristocrate romain, Caius Julius Caesar, est nommé gouverneur de la Transalpine. Jusqu'alors, les Romains entretenaient avec les peuples gaulois indépendants des relations à la fois commerciales et diplomatiques, notamment avec les Éduens, « frères du peuple romain ». C'est par un jeu subtil d'alliances et d'interventions que César va prendre pied en Gaule, pour en « pacifier » peu à peu les différentes régions.