Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Cinq-Mars (Henri Coeffier de Ruzé d'Effiat, marquis de), (suite)

En 1632, son père, Antoine d'Effiat, ami de Richelieu, meurt ; le Cardinal prend Cinq-Mars sous sa protection, et le fait capitaine de la garde (1635), puis grand maître de la garde-robe. Il devient rapidement le favori de Louis XIII, qui le nomme grand écuyer en 1639. Cependant, sa conduite insolente, libertine, extravagante, et l'influence qu'il exerce sur le roi ont tôt fait d'alarmer Richelieu, qui tente dès lors de freiner les ambitions du marquis, et ne l'autorise pas à épouser Marie de Gonzague. Le conflit opposant les deux hommes illustre la vieille lutte de pouvoir entre les grands du royaume et le personnel politique ; elle trouvera sa plus forte expression dans la Fronde. En 1641, Cinq-Mars s'associe à la conspiration - avortée - du comte de Soissons contre le Cardinal, mais sa participation passe inaperçue. En 1642, alors que la France est en guerre contre l'Espagne, Philippe IV s'engage, par écrit, à fournir à Cinq-Mars, associé à François de Thou, des armes et des hommes pour organiser une révolte contre le ministre de Louis XIII. Le 11 juin 1642, une copie de l'accord parvient à Richelieu ; Cinq-Mars et de Thou sont arrêtés le 13, jugés par une commission extraordinaire du parlement de Grenoble, et condamnés à mort. Le 12 septembre, ils sont décapités à Lyon. Personnage romanesque, le marquis de Cinq-Mars est le héros du roman éponyme d'Alfred de Vigny, premier en date (1826) des grands récits historiques du romantisme français.

cinquième colonne,

terme de propagande désignant l'action menée de l'intérieur par l'ennemi.

Dérivée de la notion militaire de « colonne de marche » utilisée avant la Première Guerre mondiale (Foch, Des principes de la guerre, 1911), l'expression de « cinquième colonne » naît au début de la guerre d'Espagne. En 1936, alors que quatre colonnes nationalistes convergent vers Madrid, le général Mola, afin de vaincre les républicains, compte sur le soulèvement des nationalistes restés dans la capitale, qui forment ainsi une « cinquième colonne ». L'expression se diffuse très rapidement en France, notamment au sein de la gauche antifasciste. On la rencontre dès 1937 dans l'Espoir, roman d'André Malraux. À la veille du second conflit mondial et pendant la « drôle de guerre », elle évoque les actions des services d'espionnage ennemis et, plus précisément, l'idée de sabotage.

Même si l'expression continue d'exister, popularisée par la presse, le roman ou le cinéma, elle demeure intimement liée aux années 1935-1945, témoignage de réalités nouvelles : guerre subversive, propagande de masse et sabotage. Mais il faut attendre 1970 et une étude de Max Gallo sur les propagandes fasciste et nazie des années trente pour que cette notion entre dans l'historiographie.

CIR (Convention des institutions républicaines),

regroupement, constitué en juin 1964, de plusieurs organisations de gauche.

La CIR est l'une des réponses apportées au déclin des partis de la gauche traditionnelle - SFIO et Parti radical. Pour François Mitterrand, l'un de ses principaux promoteurs, elle est l'outil de reconstruction de la gauche non communiste et le premier levier de sa stratégie d'opposition au général de Gaulle. En effet, Mitterrand, prenant acte des conditions nouvelles créées par l'élection du président de la République au suffrage universel, veut fédérer un front républicain d'opposition. Il rassemble d'abord des membres de l'Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR) et d'autres amis politiques dans la Ligue pour le combat républicain (1960) ; à la faveur d'ajouts et de fusions, notamment avec le mendésiste Club des jacobins de Charles Hernu, celle-ci devient le Centre d'action institutionnel (1964), puis la Convention des institutions républicaines. Mitterrand s'appuie sur la nouvelle formation pour mener sa candidature à l'élection présidentielle de 1965 : dès septembre, la CIR joue un rôle déterminant dans la création de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS), nouvel outil du leader politique. La CIR survit jusqu'en 1971, et disparaît lors du congrès d'Épinay. Elle aura joué son rôle en contribuant à structurer l'opposition non communiste au général de Gaulle ; en rassemblant aussi autour du futur président socialiste un noyau de fidèles qui participeront à la conquête du pouvoir.

cisterciens,

membres de l'ordre monastique dont l'origine remonte à la fondation de Cîteaux par Robert de Molesmes, en 1098.

L'ordre cistercien, l'un des plus renommés, illustre le renouvellement du monachisme en préconisant une application stricte de la règle de saint Benoît. Après des débuts difficiles, un essor s'amorce vers 1110-1111, conforté par l'arrivée au monastère du futur saint Bernard avec une trentaine de compagnons (1112 ou 1113). Sont alors fondées les abbayes de La Ferté (1112 ou 1113), Pontigny (1114), Clairvaux (1115) et Morimond (1115). Cîteaux et ses quatre « filles » vont, par essaimage ou, plus fréquemment, par intégration de monastères, développer leur filiation. Clairvaux, en partie grâce à l'action et au prestige de saint Bernard, domine largement.

Avec le second abbé, Étienne Harding (1109-1133), l'ordre se dote de structures. La « Charte de charité et d'unanimité », de 1114 (remaniée en 1119 et vers 1165-1170), stipule que l'ordre est une fédération d'abbayes. Les abbés sont élus par les moines profès, en présence de l'abbé de « l'abbaye mère », celle qui a fondé ou incorporé l'établissement, et sur son conseil. Organe suprême de direction, sous l'autorité de l'abbé de Cîteaux, le chapitre général réunit chaque année l'ensemble des abbés et publie des statuts.

Pratiquant le cénobitisme et une ascèse très rude, développant une architecture toute de dépouillement, les cisterciens ont su répondre aux aspirations spirituelles de leur temps. En se consacrant à l'office divin et au travail manuel, le moine renonce à sa volonté propre et au monde. Les vertus d'obéissance, d'humilité, de pauvreté et, surtout, de pénitence et de mortification sont exaltées. Chaque abbaye doit vivre du travail de ses moines ; il est interdit de recevoir des profits d'origine ecclésiastique, ou des revenus tirés de la possession du sol. Mais, dès les années 1180, les préceptes initiaux sont oubliés : grâce à des choix judicieux dans la gestion de leurs domaines, les cisterciens s'enrichissent, bénéficient de l'exemption (1184), et l'ordre ne parvient pas à préserver son originalité.