Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Danton (Georges, Jacques), (suite)

L'engagement.

• Fils d'un paysan devenu procureur de bailliage et petit-fils d'un charpentier entrepreneur de ponts royaux, Danton prolonge cette ascension familiale par des études chez les oratoriens de Troyes, occupe une place de clerc chez un procureur, puis obtient une licence en droit à Reims ; il s'établit, enfin, grâce à des aides familiales, comme avocat à Paris. En 1787, il épouse la fille d'un limonadier aisé de la capitale. La Révolution fait basculer cette trajectoire jusqu'alors dépourvue d'engagement politique ou philosophique particulier. Danton ne participe pas à la campagne électorale de 1789, mais il s'implique rapidement dans le mouvement populaire : absent le 14 juillet, il entraîne, dès le lendemain, des Parisiens, pour arrêter le gouverneur provisoire de la Bastille - un proche de La Fayette -, puis il se fait connaître par ses accusations à l'encontre de la municipalité de Paris, qui attaque Marat. Sa carrière politique commence dans le camp patriote, même si des rumeurs le disent agent du duc d'Orléans : président du district des Cordeliers, député à la Commune de Paris (janvier-septembre 1790), il devient administrateur du département (janvier-septembre 1791). Cependant, les formes et les réalités de cet engagement apparaissent souvent contradictoires et tortueuses, davantage guidées par le pragmatisme et le goût de l'action que par les exigences d'un idéal invariable. Son image est ainsi brouillée : il adhère au Club des cordeliers, mais est plus assidu aux Jacobins, club moins populaire et plus porté vers la pratique d'assemblée ; virulent envers le roi en avril et, surtout, en juin 1791, il ne propose pourtant que de faibles sanctions après l'arrestation de celui-ci à Varennes ; il est l'un des auteurs de la pétition de juillet 1791 réclamant la déchéance royale, mais il est inquiété lors du massacre du Champ-de-Mars (17 juillet 1791), fuit Paris, se réfugie en août en Angleterre, et ne rentre en France, le 9 septembre, qu'après le vote de la loi d'amnistie. Élu second substitut du procureur de la Commune de Paris à la fin de 1791, il réalise de profitables achats de biens nationaux, qui lui assurent une réelle aisance et font déjà murmurer quant à son honnêteté ; présent lors du débat sur la déclaration de guerre en avril 1792, il n'intervient pourtant pas, et il assiste plus qu'il ne participe aux journées révolutionnaires du 20 juin et du 10 août 1792. Danton n'en obtient pas moins le surnom d'« athlète de la liberté », traduction de sa popularité et de son pouvoir.

La consécration.

• Délégué au Conseil exécutif provisoire qui dirige la France après le 10 août 1792, il devient ministre de la Justice, et attribue des postes à ses amis Desmoulins, Fabre d'Églantine, Paré. En butte à l'hostilité des girondins et de Mme Roland, en rivalité avec Robespierre, il est le seul montagnard dans un ministère girondin. Acceptant les massacres de Septembre, il interdit aux girondins de tirer avantage du retournement de l'opinion contre la Commune et la Montagne, jugées coupables de ces tueries, en devenant l'oracle de la défense de la patrie menacée par l'invasion étrangère. Il incarne alors la volonté nationale, et permet le sursaut qui donne un sens nouveau à la mobilisation révolutionnaire. La victoire de Valmy (20 septembre 1792), dont il apparaît comme l'un des instigateurs, assure son élection à la Convention : il s'y fait le défenseur de l'unité et de l'intégrité du territoire national, le propagandiste de la Révolution conquérante et le chantre des frontières naturelles (il plaide pour la réunion de la Belgique à la République française). L'urgence et l'importance de ses missions militaires et diplomatiques ne lui permettent pas de prendre part aux violents débats qui déchirent la Convention à l'occasion du procès du roi. Il ne rentre en France que pour voter « la mort du tyran » sans le sursis, adoptant la position de la Montagne et évitant l'affrontement direct avec les girondins. Mais son amitié avec Dumouriez, qui passe à l'ennemi le 5 avril 1793, lui vaut de nouvelles inimitiés girondines. Montagnard déclaré, il entre, le 6 avril 1793, dans le premier Comité de salut public, qui est soumis à son influence. Il renoue alors avec la politique de compromis et de relations secrètes qu'il a menée auparavant : avec les puissances étrangères, il recherche, via des tractations compliquées, une paix qu'il désire. Ennemi des girondins, il soutient Hanriot en mai 1793, et accepte le coup d'État organisé contre eux le 31 mai. Mais, au cours de cette période, il brouille les cartes du jeu politique : il propose d'ériger le Comité de salut public en gouvernement provisoire indépendant des factions, ce qui revient à placer cet organisme hors de la Convention, cela en opposition avec les discours des montagnards ; il suscite la levée en masse, ce qui semble donner raison aux « enragés », partisans de procédures « populaires », tout en contrant leurs autres demandes, et en reculant les procès des girondins arrêtés et de la reine. Il est finalement exclu du Comité de salut public le 10 juillet. Son action politique semble alors prendre fin : bien qu'élu président de la Convention le 25 juillet, et soutenu par la partie de la Montagne qui veut barrer la route aux enragés et aux hébertistes, il refuse de réintégrer le Comité, quitte Paris en octobre, et se retire à Arcis, où il fait bénir par un prêtre réfractaire son remariage avec une jeune fille, jusqu'alors gouvernante de son fils aîné. Il y reste à Arcis jusqu'au 19 novembre, se reposant et gérant ses biens.

La chute.

• Il abandonne sa retraite pour participer à la lutte qui oppose entre elles les factions révolutionnaires. Avec Robespierre, il fait campagne contre l'athéisme des sans-culottes, campagne dont le Vieux Cordelier, journal de son ami Desmoulins, est le fer de lance. Un groupe de députés et de révolutionnaires, nommés « indulgents » ou « dantonistes », se constitue progressivement autour de lui, pour lutter contre les hébertistes et pour appeler à la modération, tant politique qu'économique. Ses succès initiaux (arrestation du chef de file hébertiste Ronsin, le 17 décembre 1793, puis une deuxième fois, le 14 mars 1794) sont cependant affaiblis par l'arrestation de Fabre d'Églantine et par la persistance des rumeurs de corruption dont Danton est l'objet : si bien que l'exécution des hébertistes (24 mars 1794) ne renforce pas les indulgents, mais les montagnards, qui savent mieux tirer parti de la situation. Soupçonné de collusion avec la Contre-Révolution, mêlé aux scandales financiers liés à la liquidation de la Compagnie des Indes, accusé d'enrichissement trop rapide, qualifié, enfin, de « déserteur des périls » par Saint-Just, Danton est arrêté dans la nuit du 29 mars 1794. Trois jours plus tard, il est traduit devant le Tribunal révolutionnaire en même temps que plusieurs coaccusés, des proches, mais aussi des « étrangers » suspectés d'« agiotage ». Le procès tourne en sa défaveur : il provoque ses juges, puis est exclu des débats, ce qui le prive de toute possibilité de se défendre et de faire appel aux Parisiens. Le 16 germinal an II (5 avril 1794), il est guillotiné avec ses amis. Sa mort donne le pouvoir aux montagnards, en même temps qu'elle fait craindre aux députés la puissance nouvelle de Robespierre.