Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
M

Michelin,

famille d'industriels. L'histoire de Michelin est à la fois celle d'une entreprise, société en commandite par actions spécialisée dans la fabrication de pneumatiques depuis la fin du XIXe siècle, celle d'une famille d'industriels catholiques durant quatre générations, et celle d'un milieu, centré autour de Clermont-Ferrand et régi par un système social paternaliste.

À l'origine, au début des années 1830, Édouard Daubrée et Aristide Barbier fondent une usine qui produit, sans que cela en soit sa principale activité, des balles fabriquées à partir de pains de caoutchouc naturel importés du Brésil. L'invention de la vulcanisation, qui permet d'améliorer la qualité du caoutchouc en le traitant par le soufre, et la cogérance des frères André et Édouard Michelin à partir de 1889 modifient la nature de l'entreprise : reconvertie dans la fabrication de freins garnis de caoutchouc, puis de pneumatiques démontables pour les bicyclettes et les automobiles, l'entreprise Michelin, qui employait quelques dizaines d'ouvriers en 1890, compte déjà cinq mille salariés en 1914 et dix-huit mille en 1927. Elle bénéficie également de la popularisation des pneumatiques par le biais des événements sportifs - par exemple, la victoire du cycliste Charles Terront dans la course Paris-Brest-Paris en 1891 - et de la publicité grâce à l'invention, pour l'Exposition internationale de Lyon en 1898, d'un personnage symbolique, Bibendum, fait d'un empilage de pneus. À quoi s'ajoute le lancement, à l'usage des voyageurs, du Guide Michelin en 1900 et de cartes routières au 200 000e en 1908. C'est aussi sous la direction d'Édouard Michelin qu'est forgé un système social de type paternaliste, dont les derniers vestiges n'ont disparu que dans les années 1970 : en échange de rémunérations élevées et d'avantages sociaux - logements, dispensaires, écoles... -, une discipline de travail rigoureuse est exigée, ce qui explique l'absence de syndicalisation jusqu'en 1914. Dans ces quartiers sillonnées de rues aux noms évoquant des vertus domestiques, dans ces vies ouvrières prises en charge de la naissance à la tombe, il n'y a pas de place pour autre chose que pour cette culture d'entreprise qui associe austérité, acharnement au travail et un culte du secret quasi obsessionnel.

Après une longue période de domination américaine, entamée en 1907, Michelin retrouve une avance technologique sur ses concurrents avec l'invention, en 1946, du pneu à carcasse radiale. Mais l'importance traditionnelle accordée à l'innovation au sein de l'entreprise ne suffit pas à assurer le succès : l'amélioration de la qualité des pneus, dont la durée de vie a doublé depuis 1970, tend au contraire à réduire la croissance du marché mondial. Au prix d'une internationalisation de la production (notamment aux États-Unis, au Brésil et en Asie du Sud-Est), de gains de productivité et du rachat de Kléber (début des années 1980) et de Uniroyal-Goodrich (1989), Michelin devient premier producteur mondial.

Midi (canal du),

ouvrage, appelé aussi canal des Deux-Mers, construit au XVIIe siècle (comme le canal d'Orléans) ; prenant le relais de la Garonne à partir de Toulouse, il permet de joindre l'Atlantique et la Méditerranée sans avoir à passer par le dangereux détroit de Gibraltar.

Soutenu par Colbert, qui veut améliorer les voies d'eau et accroître les échanges commerciaux intérieurs et extérieurs, l'initiateur du projet, l'ingénieur Pierre Paul Riquet, sait présenter à Louis XIV les avantages d'un axe Atlantique-Méditerranée : de plus fructueux échanges entre l'Aquitaine et le Languedoc ; la création d'un nouveau port, à Sète, qui pourrait concurrencer les ports espagnols ou italiens. Mais, pour emporter la conviction royale, Riquet doit proposer un financement par les états du Languedoc et l'affermage des droits sur le sel. Prouesse de l'art hydraulique, le chantier, ouvert en octobre 1666, profite de la récente mise au point de l'écluse à double porte et sas, de l'obstination et du savoir-faire de l'ingénieur (captage des ruisseaux de la Montagne Noire). Décédé en 1680, le maître d'œuvre ne voit pas l'aboutissement de son ouvrage. En mai 1681, toutefois, seulement quinze ans après le début des travaux, son fils, Jean Mathias Riquet, assure la jonction avec l'étang de Thau. Grâce au labeur de 10 000 ouvriers bien rémunérés mais dotés d'un outillage rudimentaire, une voie navigable de quelque deux cent cinquante kilomètres, ponctuée d'aqueducs, d'écluses, d'étangs et de trois lacs de retenue (Castelnaudary, Naurouze et Saint-Ferréol), relie désormais Toulouse à la Méditerranée. Cet ensemble d'ouvrages, qui a coûté 20,5 millions de livres, fait aussitôt l'objet d'une fierté à la mesure de son gigantisme. On en parle dans toute l'Europe. Corneille y consacre des vers : « France, ton grand roi parle et les rochers se fendent [...] ». Une voie navigable traverse désormais une région marquée par la sécheresse. Le canal devient un véritable poumon pour le Languedoc, dont le paysage mais aussi l'économie sont ainsi profondément transformés.

Midi (conspiration du),

conjuration visant à soulever le Sud-Est contre le régime impérial (1813).

Conçue dès 1809, depuis Toulon et surtout Marseille, par un petit groupe d'opposants, la conspiration du Midi, qui n'a guère constitué un danger réel pour le régime, témoigne avant tout de la décomposition politique et sociale du pays à la fin du Premier Empire. En l'absence d'un mouvement révolutionnaire de masse, elle apparaît, en définitive, comme un complot de plus, unissant une minorité de militants actifs - républicains et royalistes - contre la dictature napoléonienne, qui a su museler toute opposition. En cela, elle a plus d'un point commun avec la conspiration parisienne du général Malet, à laquelle participe d'ailleurs l'un des conjurés de la conspiration du Midi, le général républicain Guidal, exécuté avec Malet en octobre 1812.

Profitant du mécontentement général, dû à la crise économique, au malaise religieux - le pape est prisonnier de l'Empereur depuis 1809 -, à la lassitude de la guerre et à l'extension de la conscription, les conjurés tentent de soulever Marseille et Toulon entre avril et juin 1813, alors que Napoléon guerroie en Allemagne. Malgré le soutien de l'Angleterre, la tentative échoue : les conjurés sont arrêtés, et six d'entre eux exécutés en décembre 1813 (les autres seront remis en liberté sous la Restauration). L'échec du complot révèle la résignation et la passivité d'une population qui se contente d'attendre la fin d'un régime dont les défaites militaires annoncent le déclin et qui s'écroulera un an plus tard.