Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

Saint-Antoine (faubourg), (suite)

Appelé au XIXe siècle « le Faubourg », il est le symbole du Paris populaire et révolutionnaire : en juillet 1830 et en juin 1848, il se couvre de barricades ; lors du coup d'État de 2 décembre 1851, les députés de gauche exhortent les ouvriers du faubourg à résister ; et, sans se distinguer particulièrement, il participe à la Commune de Paris. Au XXe siècle, tout en conservant son caractère populaire et plutôt marqué à gauche, le faubourg cesse de se signaler par ses interventions révolutionnaires, et devient dès lors un des « lieux de mémoire » de l'histoire.

Saint-Arnaud (Jacques Arnaud Le Roy, dit Jacques Achille Le Roy de),

militaire et homme politique (Paris 1798 - en mer Noire, à bord du Berthollet, 1854).

Cheville ouvrière du coup d'État du 2 décembre 1851, Saint-Arnaud est la figure type des hommes nouveaux, ambitieux et énergiques sur lesquels Louis Napoléon Bonaparte s'appuie pour parvenir au pouvoir. Sa jeunesse est celle d'un déclassé : orphelin d'un père préfet d'Empire, il mène une vie aventureuse en Europe, sous-lieutenant dans la Légion corse, combattant en Grèce puis exilé misérable en Angleterre. Réintégré dans l'armée en 1831, il sert sous les ordres du général Bugeaud, à qui la garde de la duchesse de Berry est confiée, avant de s'engager en 1836 dans la Légion étrangère. Envoyé en Algérie l'année suivante, il est alors simple lieutenant, mais termine l'expédition coloniale avec le grade de général de brigade. Il s'illustre notamment lors de l'assaut de Constantine et des expéditions de Mascara, Mostaganem ou Laghouat.

Rappelé par Bugeaud en métropole pour maintenir l'ordre à Paris durant les journées de février 1848, il convainc peu, ce qui dresse cet ambitieux déçu contre la République. De retour en Algérie, il est remarqué par Louis Napoléon Bonaparte, qui cherche à gagner des officiers généraux à sa cause. Nommé, par faveur, général de division, il est muté à Paris en août 1851 et devient en octobre ministre de la Guerre, poste stratégique dans l'optique du coup d'État qui se prépare. Les 2 et 3 décembre, il prend dans Paris les dispositions militaires qui assurent le succès de l'opération.

Désormais personnage important du régime, il est fait maréchal de France et grand écuyer de l'empereur. Il est commandant en chef de l'armée d'Orient lors de la guerre de Crimée. Mais atteint du choléra, il cède le commandement à Canrobert après la victoire de l'Alma et meurt sur le bateau qui le ramène en France.

Saint-Barthélemy (massacre de la),

massacre de protestants déclenché à Paris dans la nuit du 24 août 1572, et suivi d'actions similaires en province.

La Saint-Barthélemy est un événement capital des guerres de Religion parce qu'elle modifie les rapports de forces déterminants.

Affaibli par des abjurations et des exils, le protestantisme français ne demeure puissant qu'en Languedoc, Béarn, Guyenne, Saintonge et Poitou. Il s'engage, par les écrits monarchomaques et par la mise en place d'assemblées politiques, dans une contestation de l'absolutisme, et doit s'unir avec des catholiques modérés pour mener la lutte pour la liberté de culte et de conscience.

L'action royale en faveur de la paix : août 1570-août 1572.

• En arrière-plan de la Saint-Barthélemy, il y a la paix précaire de Saint-Germain (8 août 1570) : précaire, car elle laisse un goût d'amertume aux catholiques exclusivistes, toujours persuadés que la présence des « hérétiques » attire la colère divine sur le royaume ; précaire aussi, parce que les chefs huguenots se retirent loin de la cour, vivant dans la crainte d'un piège, et parce qu'entre les deux factions - catholique et calviniste - reste ouvert le contentieux de l'assassinat du duc de Guise (1563), dont la responsabilité est attribuée par les Guises à un protestant, l'amiral de Coligny. Enfin, les huguenots ont en tête un projet de guerre qui unirait la noblesse française contre l'Espagne, pour défendre la liberté des Pays-Bas. L'action de la monarchie vise alors à casser ces potentialités conflictuelles : ainsi, à l'occasion de pourparlers engagés avec un groupe de gentilshommes huguenots en juillet 1571, le pouvoir royal semble donner son aval à un plan d'invasion des Pays-Bas espagnols, couplé à un soulèvement local des calvinistes et à un débarquement anglais ; en contrepartie, il obtient le retour de Coligny à la cour, tandis que les Guises sont invités à l'oubli du passé.

Cependant, dès le mois d'octobre 1571, la bataille de Lépante démontre la réalité de la puissance militaire espagnole. Le roi Charles IX et sa mère, Catherine de Médicis, semblent s'être alors partagés les rôles afin de parvenir à l'événement qui restaurerait magiquement l'union du royaume : le mariage du prince protestant Henri de Navarre et de la sœur du roi, Marguerite de Valois. Tout se passe comme si Charles IX avait pris le parti de soutenir les huguenots dans leur projet guerrier, tandis que sa mère s'y opposait. Ce théâtre de l'incertitude se traduit par un succès, car la reine de Navarre finit par accepter l'union de son fils avec la sœur du roi. C'est alors que, les 31 mars et 1er avril 1572, des « gueux de mer », corsaires zélandais et hollandais réfugiés dans les ports anglais, occupent de façon imprévue les places de Flessingue et Brielle. La guerre contre l'Espagne semble proche. Dans un premier temps, Charles IX pose comme condition à son propre engagement militaire un appui anglais aux insurgés. Puis, comme les chefs militaires huguenots se font plus pressants, il semble avoir fait le choix de laisser partir Louis de Nassau et François de La Noue occuper Mons et Valenciennes (22-23 mai), où les deux capitaines sont vite assiégés par les troupes espagnoles du duc d'Albe. Alors que Coligny accentue sa pression sur le pouvoir, la politique royale semble n'avoir eu pour fin que de laisser l'histoire se décanter (« Il ne cherchait qu'à gagner du temps »). Gagner du temps pour que puisse se réaliser le mariage royal, repoussé au mois d'août par la mort de Jeanne d'Albret. L'échec des appels au soulèvement des Pays-Bas et l'inertie de l'Angleterre permettent à Charles IX de reprendre le contrôle de la situation par la tenue, le 26 juin, d'un premier Conseil, qui refuse son satisfecit au projet d'intervention militaire. Puis, le 12 juillet, pour retarder peut-être toute décision de plus grande portée, le roi aurait laissé un contingent expéditionnaire quitter la France afin d'aller secourir les réformés assiégés dans la ville de Mons. L'écrasement de ce contingent par une armée espagnole est décisif. Les 9 et 10 août, au cours d'une réunion du Conseil, le plan de guerre est définitivement abandonné, juste avant le mariage d'Henri de Navarre et de Marguerite de Valois, à l'occasion duquel une part importante de la noblesse calviniste s'est rendue dans la capitale. C'est-à-dire que le massacre de la Saint-Barthélemy va se dérouler à contre-courant de l'histoire voulue par une monarchie qui paraît n'avoir souhaité que la paix civile, et qui désirait mettre en représentation sa politique dans la cérémonie même du mariage.