Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Louis XV (suite)

Le traité de Paris et les difficultés financières engendrées par la guerre rendent le roi de plus en plus impopulaire. Aristocrate éclairé, libéral et modéré, Choiseul souhaite l'essor économique du royaume et l'apaisement des querelles, toujours prêtes à rebondir entre le pouvoir royal et le parlement. Dans l'espoir de développer l'agriculture et de stimuler le commerce, il abolit la réglementation sur les grains et autorise leur libre circulation à l'intérieur du royaume, ainsi que les exportations de céréales (1763). Cette mesure soulève aussitôt des difficultés avec le parlement. On accuse le gouvernement de faciliter les monopoles et on va jusqu'à prétendre que le roi est intéressé dans des affaires spéculatives, ce qui donne naissance à la légende du « pacte de famine ». En 1770, Louis XV capitule, et remet en vigueur les anciens règlements. Mais le parlement ne perd pas une occasion d'attaquer l'absolutisme. L'affaire La Valette (celle d'un jésuite compromis dans une affaire commerciale) est l'occasion pour lui de s'en prendre à la Compagnie de Jésus, accusée de favoriser l'ultramontanisme et l'absolutisme oublieux des « libertés » nationales. Ses attaques aboutissent finalement au bannissement et à la suppression de l'ordre en 1764. Le parlement, que Choiseul protège, enregistre donc un nouveau succès.

L'affaire du parlement de Bretagne dégénère bientôt en un conflit grave entre le pouvoir royal et l'ensemble des parlements de France. Soutenant en effet leur procureur général, le sieur de La Chalotais, les parlementaires bretons s'opposent à l'enregistrement d'édits de finance, parce que le roi n'a pas consulté les états de Bretagne. Cette fronde prend une telle ampleur que le souverain décide de tenir un lit de justice pour ramener les magistrats à la raison. Le 3 mars 1766, au cours de la séance dite « de la flagellation », il proclame les principes d'une monarchie absolue et intangible. Cependant, le parlement poursuit le procès qu'il a entamé contre l'absolutisme. Exaspéré par cette opposition systématique, le roi disgracie Choiseul le 24 décembre 1770, tout en exilant le parlement. Au mois de février 1771, un édit réorganise la justice par l'abolition de la vénalité des charges et par l'institution de la justice gratuite. Un nouveau parlement, dont les membres sont nommés par le roi, est créé et le Grand Conseil est réorganisé pour enregistrer les édits. La Cour des aides, autre bastion de la résistance à l'autorité royale, est supprimée. Ce coup d'État royal semble donner un sursis à l'absolutisme. Mais, aussitôt, le monde de la robe se révolte, soutenu par le parti philosophique, qui considère le parlement comme le seul rempart élevé contre le despotisme, et la Chambre nommée, comme un barrage entre le roi et la nation. Sourd aux murmures qui montent de toutes parts contre cette réforme et les mesures autoritaires adoptées par le nouveau ministère (le chancelier Maupeou, l'abbé Terray, contrôleur général des Finances, le duc d'Aiguillon aux Affaires étrangères), Louis XV, dont on stigmatise la vie privée (en particulier sa liaison avec Mme du Barry), continue de penser qu'il a consolidé le régime. À la fin du mois d'avril 1774, pris de frissons, il s'alite. On diagnostique bientôt la petite vérole. Il meurt à Versailles, le 10 mai 1774.

Après un règne de près de soixante ans, Louis XV meurt dans l'indifférence, voire dans le mépris. Peu de monarques ont suscité des jugements aussi contradictoires. Au XIXe siècle, les historiens républicains, derrière Michelet, ont voulu voir en lui un monstre de perversion dont les vices ont perdu la dynastie et amené la chute de l'Ancien Régime. Au XXe siècle, l'historien de sensibilité royaliste Pierre Gaxotte (le Siècle de Louis XV, 1933) et ses émules l'ont dépeint comme un véritable génie politique. Malgré les travaux très érudits d'un Michel Antoine, il semble encore difficile de brosser un portrait objectif de ce souverain, dont l'action a manqué assurément de cohérence. Inquiet, indolent, jaloux de son autorité, n'ayant pas toléré que ses (trop) nombreux ministres pussent exercer le pouvoir en son nom, le roi ne parvint jamais à concevoir les réformes dont l'État monarchique avait besoin. Alors que la France connaissait un essor démographique considérable, accompagné d'un réel développement économique, et qu'elle jouissait d'un rayonnement culturel exceptionnel, la monarchie ne s'adaptait pas à l'esprit du siècle. Considérée comme immuable par le souverain lui-même, elle ne parvenait pas à concilier les vœux de la nation, exprimés par les élites, avec l'intérêt de l'État. La réforme de Maupeou, imposée à un parlement qui s'était élevé contre le pouvoir royal pendant plusieurs décennies, apparut à l'opinion publique comme un intolérable sursaut de l'absolutisme. Enfin, en Europe, il semblait que, par la volonté et le manque de clairvoyance du monarque, la France était passée du rang de puissance dirigeante à celui de puissance subalterne. Déçus par celui qu'ils avaient naguère surnommé « le Bien-Aimé », les Français, qui ne remettaient pas encore en cause la monarchie, espéraient du successeur de Louis XV la reconnaissance des libertés fondamentales, la destruction des derniers vestiges du régime féodal, la répartition proportionnelle de l'impôt entre tous les citoyens et une refonte des institutions.

Louis XVI

Alors que l'historiographie royaliste a toujours présenté Louis XVI comme « le roi martyr », l'historiographie républicaine l'a dépeint, au mieux, sous les traits d'un prince faible et louvoyant, et, au pire, comme un despote borné.

Confronté à l'explosion révolutionnaire, le dernier souverain de l'Ancien Régime n'a pas manqué de déconcerter ses contemporains, ce qui explique, en partie, les jugements parfois contradictoires des historiens à son sujet. En outre, les passions politiques soulevées par l'interprétation de la Révolution ont achevé de brouiller l'image de ce prince dont on semble retracer désormais les traits avec plus de vigueur et de cohérence.