Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Ponts et Chaussées (école et administration des). (suite)

Depuis le XIXe siècle, les ingénieurs ordinaires du corps se répartissent dans 350 arrondissements, sous l'autorité d'une centaine d'ingénieurs en chef départementaux environ, eux-mêmes relevant des ingénieurs généraux des services centraux. En outre, 2 000 subdivisions territoriales sont prises en charge par des ingénieurs qui ne sont pas membres du corps.

La mainmise sur le génie civil.

• Le corps a, depuis l'origine, dominé l'administration des Travaux publics (plus de 100 000 agents aujourd'hui). Celle-ci est placée sous la responsabilité du contrôle général des Finances durant l'Ancien Régime, puis du ministère de l'Intérieur (1799-1836), enfin du ministère des Travaux publics, devenu en 1966 ministère de l'Équipement. Depuis la mise en chantier de l'ambitieuse politique routière qui, après les arrêts de 1720 (classement des grandes voies) et de 1738 (corvée royale) et grâce à un budget décuplé au XVIIIe siècle, a doté la France de grands axes routiers modernes, les attributions du corps n'ont cessé de s'étendre jusqu'à un quasi-monopole sur le génie civil. Celui-ci, longtemps lucratif - administrations et collectivités locales versaient aux ingénieurs des honoraires proportionnels au coût des travaux -, est direct, portant sur les routes, ponts, « pavé de Paris », tunnels, ports, canaux, digues, bâtiments publics, barrages, infrastructures coloniales (1880-1960), aérodromes (1948), aménagement urbain (depuis les années 1960)... Il est également indirect sous le régime des concessions : contrôle des ponts de Paris sous Napoléon Ier, des chemins de fer à partir de 1842, des ponts à péage ressuscités en 1951 (Tancarville), et des autoroutes à péage (loi de 1955). Dans les années 1960, le corps diversifie ses débouchés dans les autres ministères et les firmes liées à son activité. Il s'ouvre aux femmes en 1975.

Une école d'élite à deux degrés.

• Première grande école technique française, constituée empiriquement à partir de 1747 sous l'impulsion de Trudaine et de Perronet, les Ponts et Chaussées sont officiellement fondés par le « Règlement » de 1775. L'école encadre alors une soixantaine d'élèves recrutés selon leur mérite et sur recommandation, et répartis en trois classes. Les enseignements (géométrie, dessin, mécanique, hydraulique...) sont assurés par des ingénieurs en activité. En 1791, elle s'ouvre à tous les départements par concours, devient gratuite, et ses élèves sont salariés. En 1795, elle se transforme en école d'application de l'École polytechnique nouvellement créée, avec deux ans de scolarité pour environ 20 promus par an dans le corps des Ponts et Chaussées (30 aujourd'hui). Les chaires d'enseignants, fondées en 1799, se multiplient ensuite en liaison avec les nouvelles techniques et la diversité des missions des ingénieurs. Réformée en 1851, l'école admet désormais des élèves externes, qui deviennent « ingénieurs civils » des Ponts et Chaussées (ouverture aux femmes en 1959) et n'intègrent pas le corps ; après 1950, ils sont, à l'école, plus nombreux que les polytechniciens. Depuis 1747, 15 000 ingénieurs ont été formés, dont les deux tiers depuis 1950 : le recrutement annuel, de 50 élèves entre 1900 à 1950, est passé de nos jours à près de 200. Devenue aussi centre de formation continue, l'école est aujourd'hui très liée à la recherche - laboratoires, Annales des Ponts et Chaussées (depuis 1831), Presses de l'école -, et ouverte aux partenariats étrangers ainsi qu'au monde entrepreneurial.

porc.

Sauvage ou domestique, le porc a été la grande ressource alimentaire des régions forestières qui couvraient la majeure partie de la France avant les grands défrichements des XIe et XIIe siècles.

Durant l'Antiquité, Gaulois et Germains n'étaient cependant pas les seuls à l'apprécier : pour les gourmands de Rome, le sanglier, la vulve de truie et le foie de porc engraissé de figues étaient des objets de délices. Au Moyen Âge et au début de l'époque moderne, l'animal ne bénéficie plus d'un tel statut gastronomique : le porc domestique, en particulier, est devenu la viande du paysan, celle qu'il élève pour son usage. Si, pour cette raison, les archives de la boucherie en parlent peu, le porc est en revanche le seul animal dont l'« iconographie des mois » représente constamment le sacrifice, tantôt en novembre, tantôt en décembre, selon les régions.

La plus grande partie de sa chair était mise au saloir, séchée ou fumée, et fournissait l'essentiel de la viande et de la graisse que les paysans consommaient au cours de l'année : lard, jambons, viande salée, saucisses, andouilles, etc. Certaines parties de la bête étaient pourtant consommées immédiatement avec les participants au sacrifice ; et le sang servait à faire les boudins, traditionnellement offerts aux voisins - « Dans le cochon tout est bon », dit le proverbe, même le sang. La hure, le groin et les pieds en furent longtemps les morceaux les plus estimés, ceux qui apparaissaient sur les bonnes tables ; et la graisse - lard ou saindoux - était, dans tous les milieux sociaux, d'une absolue nécessité pour la cuisine des jours gras. L'idée que le porc a été la viande presque unique des paysans ne découle pas seulement de témoignages littéraires et artistiques mais de toutes sortes de documents d'archives - inventaires après décès, pensions alimentaires, etc. Elle ne saurait donc être totalement remise en question par les résultats de quelques études archéologiques récentes qui ont mis au jour, dans des sites ruraux comme dans les sites urbains, une quantité plus grande d'ossements de bœufs, et parfois de moutons.

Ce n'est pas le seul paradoxe. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle et au début du XVIIIe, le caractère vulgaire de la viande de porc s'est accentué, la plupart des morceaux, auparavant bien cotés, disparaissant des marchés de pourvoierie, à l'exception du jambon et du lard de cuisine. Or, au même moment, le prix de la chair de porc a augmenté, jusqu'à dépasser celui du mouton et du veau. En 1793-1794, les tarifs du maximum témoignent que, dans presque tous les districts de France, cette viande paysanne est toujours la plus chère. La baisse de son prix, après la Seconde Guerre mondiale, s'est accompagnée d'une considérable baisse de qualité.