Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
G

girondins, (suite)

De ces accusations mensongères, l'une reçoit une force particulière : les députés proscrits sont accusés du « crime de fédéralisme », c'est-à-dire d'avoir voulu s'attaquer à l'unité française, puisqu'ils ont exprimé l'idée de faire siéger la Convention ailleurs qu'à Paris pour la soustraire à la pression des sans-culottes. Cependant, ces derniers devinent que ces députés souhaitent « arrêter la Révolution » pour ne pas adopter des réformes sociales et ne pas avoir à départir les notables départementaux de leurs pouvoirs politiques. L'opposition politique réelle qui existe entre les factions révolutionnaires, en se déplaçant sur la question de l'unité nationale (« fédéralisme » contre « centralisme »), permet une campagne d'arrestations brève mais violente durant l'été 1793. Cette brutalité donne elle-même naissance, de fait, à une tendance politique, dont les survivants, de retour au pouvoir après la chute de Robespierre, vont constituer l'un des piliers du Directoire.

Giscard d'Estaing (Valéry),

homme politique, président de la République de 1974 à 1981 (Coblence, Allemagne, 1926).

Il est plusieurs lectures possibles de la trajectoire politique de Valéry Giscard d'Estaing, élu président à 48 ans. Jamais, pour l'heure, ni avant ni après lui, aucun autre président de la Ve République n'était parvenu à la magistrature suprême en dessous du seuil de la cinquantaine. Bien plus, Georges Pompidou, qui le suit, pour l'instant, dans une telle échelle des âges, accusait une décennie de plus au moment où il parvint au sommet. De là, il est vrai, découle une lecture apparemment inverse : après sa défaite en 1981, Valéry Giscard d'Estaing dut, à 55 ans, tenir un rôle jusque-là inédit dans le répertoire de la Ve République, celui du jeune « sortant » battu. Et, ne souhaitant pas, apparemment, s'acheminer vers une retraite précoce, il tenta alors un retour en politique. Or, celui-ci ne lui fit jamais retrouver les cimes. S'il est excessif, pour autant, de parler d'un destin d'étoile filante, l'interrogation reste entière : réalisation précoce de talents éclatants, ou combustion prématurée de dons politiques ?

En fait, ces deux lectures se complètent plus qu'elles ne se contredisent : Valéry Giscard d'Estaing fut moins un coureur de fond de la politique qu'un sprinter à qui rien, dans un premier temps, ne résista. Ce qui renvoie à une autre question : son destin fut-il inachevé ou, au contraire, abouti ? Question qui conduit, du reste, à l'énigme centrale : où se trouve le véritable Valéry Giscard d'Estaing, entre l'homme comblé d'honneurs à moins de 50 ans et le président vaincu qui, dès lors, cautérisa plus qu'il ne guérit un lancinant sentiment d'échec ?

L'irrésistible ascension d'un héritier doué.

• Bien des fées s'étaient penchées sur le berceau : un père inspecteur des finances, en poste en 1926 à Coblence - où Valéry naît le 2 février - au Haut-Commissariat français d'occupation, un grand-père maternel député, puis sénateur du Puy-de-Dôme, un arrière-grand-père ministre de l'Instruction publique. Élevé dans un milieu de grande bourgeoisie, brillant lycéen, le jeune homme s'engage à la Libération, à 18 ans, dans l'armée de de Lattre de Tassigny. Il reviendra des campagnes d'Alsace et d'Allemagne décoré de la croix de guerre. Ayant repris ses études, il intègre Polytechnique, puis, en raison de son rang de sortie, entre à l'École nationale d'administration sans passer le concours. Sorti de cette école dans la botte, il choisit le corps de l'Inspection des finances.

À 26 ans, il épouse Anne-Aymone de Brantes, issue de la dynastie des Schneider, puis, en 1954, il entre au cabinet d'Edgar Faure, ministre des Finances du gouvernement Mendès France. Deux ans plus tard, aux élections législatives de janvier 1956, il est élu député indépendant du Puy-de-Dôme alors qu'il n'a pas encore 30 ans : son grand-père était le député sortant de la même tendance politique. Après cette implantation locale, c'est dans la même mouvance des Indépendants que s'opère le véritable envol : Valéry Giscard d'Estaing, réélu en novembre 1958, devient trois mois plus tard secrétaire d'État au Budget, aux côtés d'Antoine Pinay, ministre des Finances. Les Indépendants, dont Pinay est alors la figure tutélaire, ont soutenu le général de Gaulle lors de son retour en juin 1958 et appelé à voter « oui » au référendum de l'automne suivant.

C'est dans ce registre des rapports avec le gaullisme que Valéry Giscard d'Estaing va progressivement faire entendre sa différence. Alors que sa famille politique préconise le « non » au référendum d'octobre 1962 sur l'élection du président de la République au suffrage universel, il soutient, pour sa part, le projet d'amendement constitutionnel. Entre-temps, il est devenu en janvier 1962, à 35 ans, ministre des Finances du général de Gaulle. Avec ce dernier, dès lors, les relations seront complexes. Resté ministre jusqu'en janvier 1966, Valéry Giscard d'Estaing prend progressivement ses distances. C'est d'abord le « oui, mais » (janvier 1967), puis, six mois plus tard, la dénonciation de « l'exercice solitaire du pouvoir ». Surtout, en 1969, il se prononce pour le « non » au référendum du 27 avril, et cette prise de position joue assurément un rôle dans l'issue négative du scrutin et dans le départ du Général.

L'homme, à cette date, pèse donc déjà largement dans le jeu politique, alors qu'il vient à peine de passer le cap de la quarantaine. D'autant que, au fil des années soixante, il s'est peu à peu rallié une large part de la droite libérale, affaiblie il est vrai par la scission de 1962. Le parti qu'il fonde en juin 1966, la Fédération nationale des Républicains indépendants, ne fait pas jeu égal avec les troupes gaullistes mais constitue pour celles-ci un indispensable soutien à l'Assemblée nationale.

Un quadragénaire conquérant.

• Valéry Giscard d'Estaing incarne donc dès cette époque l'autre rameau de droite de la majorité au pouvoir. Il apparaît, du reste, qu'il envisage dès 1969 d'être candidat lors de l'élection présidentielle provoquée par le départ du général de Gaulle. Mais, jugeant que l'heure n'est pas venue et que le gaullisme est encore invincible, il soutient la candidature de Georges Pompidou et devient, après la victoire de ce dernier, ministre de l'Économie et des Finances. La compétition, au sein de la majorité, entre le gaullisme et la droite libérale est remise à l'élection suivante.