Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Marignan (bataille de), (suite)

L'image d'Épinal.

• Pour la dernière fois dans l'histoire de la monarchie, le roi a agi en véritable chef de guerre et, en personne, non sans panache, il a conduit son armée à une victoire difficile mais éclatante. La geste nationale - faisant bon marché du rôle essentiel que jouèrent alors les mercenaires allemands - voulut souvent trouver dans ce combat une illustration d'improbables qualités naturelles de la nation française (fougue, courage, unité derrière son roi) ou de l'éternelle vaillance de ses armes. Ainsi, l'histoire enseignée sur les bancs de l'école ne retint longtemps des guerres de François Ier que cette victoire - somme toute éphémère à l'échelle des guerres d'Italie - et fit de Marignan l'événement emblématique d'un long règne où les défaites ne manquèrent pourtant pas.

Marigny (Enguerrand de),

principal conseiller du roi Philippe le Bel (Lyons-la-Forêt, aujourd'hui dans l'Eure, vers 1270 - Paris 1315).

Au début de sa carrière, ce chevalier issu d'une famille noble du Vexin bénéficie de l'appui de ses cousins très influents, Guillaume de Flavacourt, archevêque de Rouen, et Nicolas de Fréauville, confesseur du roi. Il est panetier de la reine Jeanne de Navarre en 1295, puis accède à la prestigieuse fonction de chambellan du roi en 1304. Homme de confiance de Jeanne de Navarre, il devient, après la mort de celle-ci en 1305, le principal conseiller de Philippe le Bel. Il est alors chargé des Finances royales, et mène des négociations avec les Flamands, le pape et l'Angleterre. Avec la faveur du roi et l'aide des amis qu'il a placés au sein du gouvernement central, il détient, à la fin du règne de Philippe le Bel, un pouvoir politique considérable. C'est lui qui encourage le roi à se saisir des biens des Templiers, et il tente même, sans y parvenir, de faire élire pape son cousin, Nicolas de Fréauville. Il a réuni une immense fortune grâce à laquelle il peut fonder, dans sa seigneurie d'Écouis, en Vexin, une somptueuse collégiale (1311). Mais son exceptionnelle ascension sociale dérange la haute noblesse : aussi, après la mort de Philippe le Bel (le 29 novembre 1314), la disgrâce d'Enguerrand de Marigny survient-elle très vite, les princes l'accusant de malversations et de sorcellerie ; il est pendu le 30 avril 1315 à Montfaucon, à peine cinq mois après la mort de son protecteur.

Marillac (Michel de),

garde des Sceaux de Louis XIII (Paris 1563 - Châteaudun, Eure-et-Loir, 1632).

Sa famille, d'ancienne noblesse d'épée auvergnate, s'est tournée vers les charges de robe, et son père a été contrôleur général des Finances. Michel est d'abord conseiller au parlement de Paris, dès 1586. Sa piété intransigeante en fait un ligueur actif, mais son sens de l'État le pousse à se rallier à Henri IV, dès la conversion de celui-ci, ce qui lui vaut d'être nommé maître des requêtes en 1595, et de parcourir la France comme commissaire du roi, pour rétablir l'ordre. Parallèlement, il s'affirme comme une figure du courant dévot, fréquente Mme Acarie, François de Sales, Vincent de Paul et aide Bérulle à introduire en France l'ordre des Carmélites, puis celui des Oratoriens. Sensible à sa piété - il communie plusieurs fois par semaine -, la régente Marie de Médicis le fait conseiller d'État en 1612. Surintendant des Finances en 1624, puis garde des Sceaux en 1626, il se veut réformateur en promulguant en 1629, malgré l'opposition des parlements, le Code Michau, premier recueil ordonné de la législation française. Mais ce partisan de l'absolutisme va échouer en politique extérieure : favorable à la paix entre les puissances catholiques, il s'oppose à Richelieu, qui entend contrer l'hégémonie espagnole. Le chef du parti dévot tombe en disgrâce après la journée des Dupes, et finit ses jours en prison.

marine

Durant des siècles, la France, pays riche, agricole et terrien, n'a guère incité les Français à courir des risques immenses sur des mers inconnues. Partout, les naufrages, pirates et autres « fortunes de mer » attendaient ceux des marins qui avaient résisté au scorbut. À l'Équateur, disait-on, l'eau se mettait à bouillir. Ailleurs, des pierres et îles aimantées attiraient les clous des coques des navires ! Alors, les sujets du Très-Chrétien boudèrent longtemps les espaces maritimes, à l'exception de quelques individus. Il fallut attendre le XVIIe siècle pour que se constitue une véritable marine, qui allait connaître des fortunes diverses.

La France tourne le dos à la mer

Au Moyen Âge, sous les Capétiens, les ports tels Marseille (Massilia), Toulon (Telo Martius), Nice (Nicaea), ou Fréjus (Forum Julii), créés par les Grecs et les Romains. Les provinces littorales et leurs ports ne seront en effet que tardivement rattachés à la couronne : la Guyenne en 1472, avec Bordeaux et Brouage, la Provence en 1481, avec Toulon et Marseille, la Bretagne en 1491, avec Brest et Saint-Malo. Même si Louis IX crée un amiral de France ayant autorité sur les côtes qui sont du ressort du parlement de Paris (Normandie et Picardie), même si le roi se rend en Égypte et à Tunis, où il trouve la mort en 1270, même si quelques nefs appareillent d'Aigues-Mortes, au pied de la tour de Constance, les grandes puissances maritimes sont alors les Républiques méditerranéennes, Gênes et Venise. Certes, Philippe le Bel installe à Rouen l'arsenal du « clos des Galées » (1294) et la France s'engage au début de la guerre de Cent Ans dans la bataille navale de L'Écluse (1340) - qui se termine par une lourde défaite. Mais, malgré les croisades, le pays tourne encore le dos à la mer.

Au XVe siècle, ce sont les Portugais qui ouvrent la période des Grandes Découvertes : en 1415, ils sont à Ceuta ; en 1434, au cap Bojador ; en 1498, à Calicut. Ils inventent la caravelle (vers 1440), et Colomb ayant découvert l'Amérique (1492), la mer est aux Ibériques : véritable partage du monde, entériné par le pape Alexandre VI et confirmé par le traité de Tordesillas en 1494.

Quelques Français se lancent toutefois sur les mers : un Dieppois, Jean Ango (vers 1480-1551), s'enrichit en Afrique et aux Indes ; un Malouin, Jacques Cartier (1491-vers 1557), prend possession en 1534 de la Nouvelle-France (Canada) ; un Florentin, Giovanni da Verrazzano, passe au service de François Ier, qui crée Le Havre de Grâce en 1517 à l'embouchure de la Seine. Des pêcheurs basques, des navigateurs dieppois, quelques corsaires malouins, s'aventurent vers le Saint-Laurent, Terre-Neuve, l'Acadie. Si on relève la présence de Français à bord des navires de Magellan lors du premier tour du monde (1519-1521), leurs compatriotes du XVIe siècle restent des terriens, hormis de rares exceptions (Villegagnon, qui tenta de fonder une colonie au Brésil). En fait, les amiraux de France naviguent peu. Ce sont de grands seigneurs impliqués dans des combats terrestres - tel Bonnivet, tué à Pavie (1525) -, dans les guerres de Religion - tel Coligny, victime de la Saint-Barthélemy (1572) - ou dans les troubles de la Ligue (1588). Les quatre amirautés (de France, Guyenne, Bretagne et Provence) sont avant tout des enjeux de pouvoir. Ainsi, à partir de 1563, les Guises, ligueurs et généraux des galères, s'acharnent contre Coligny, huguenot soutenu par les amiraux de Guyenne, calvinistes : Henri d'Albret, Antoine de Bourbon, puis son fils Henri de Navarre, futur Henri IV. De ce fait, en 1589, le nouveau roi hérite d'un littoral ruiné et sa flotte de guerre ne compte plus qu'un seul vaisseau. Certes, il fortifie Toulon grâce à la dot de Marie de Médicis, mais la marine n'a guère d'importance en France et, si Drake, Raleigh et Frobisher illustrent le règne d'Élisabeth Tudor qui résiste à l'Invincible Armada (1588), Sully pense toujours que « pâturage et labourage » sont les deux mamelles du royaume !