Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
E

Enfer, (suite)

La question de la nature des peines subies par l'âme avant la Résurrection des corps se pose également à partir du moment où l'on estime que le châtiment s'exerce dès le lendemain de la mort, sans attendre le Jugement dernier. La tradition, dans sa majorité, considère que les peines subies par l'âme sont spirituelles mais provoquées par des éléments matériels, tel le feu. Aux XIIe et XIIIe siècles, les théologiens décrivent succinctement les souffrances endurées par les âmes damnées : corporellement, le feu, le froid, la puanteur, les vers, les ténèbres, les pleurs, les cris et la vision des démons ; psychologiquement, le dam (privation absolue de la vue de Dieu et de la grâce rédemptrice), la culpabilité sans repentir et le spectacle de la gloire des élus qui se réjouissent de leurs tourments. Les voyages dans l'Au-delà et les exempla des prédicateurs affinent la description et peuplent l'Enfer d'instruments de torture servant à supplicier les damnés. Ces textes conduisent à une conception judiciaire de l'Enfer, à la fin du Moyen Âge. L'Enfer n'est plus alors le lieu d'où l'ordre est absent mais le Royaume d'en-bas, inversé, où Satan-roi rend sa justice. Cette mutation correspond à celle du pouvoir terrestre, engagé dans la construction de l'État moderne. Des peines spécifiques sont appliquées aux damnés, en fonction de leurs péchés : avares, gavés d'or fondu ; gloutons, soumis au supplice de Tantale ; sodomites, empalés... Les images infernales, qui se multiplient aux XIVe et XVe siècles, expriment cet ordre par un net compartimentage, identifiant clairement les péchés punis (le Jugement dernier d'Albi, 1493-1503). Modérant l'idée d'un « christianisme de la peur », l'historien Jérôme Baschet voit dans ces images un « miroir qui renvoie au sujet l'image d'un moi coupable » (les Justices de l'Au-delà. Les représentations de l'Enfer en France et en Italie, du XIIE au XVE siècle, Paris-Rome, 1993) : l'Enfer ne sert pas tant à faire peur qu'à promouvoir une pastorale de la confession. Les siècles suivants marquent un recul de la thématique de l'Enfer, d'abord dans les images, puis dans les textes et, enfin, dans les esprits ... jusqu'à sa quasi-disparition, aujourd'hui.

Enghien (Louis Antoine Henri de Bourbon-Condé, duc d'),

prince du sang, dernier héritier des Condé (Chantilly 1772 - Vincennes 1804).

Petit-fils du prince de Condé, cousin de Louis XVI, ayant émigré avec son père et son grand-père dès le 16 juillet 1789 et combattant la Révolution dans l'armée de Condé, puis dans celle des coalisés, il est surtout célèbre pour son exécution, qui marque la fin du Consulat et l'établissement du Premier Empire.

Alors que la rupture de la paix d'Amiens en 1803 s'accompagne d'une recrudescence de l'agitation royaliste, la police découvre en 1804 le complot de Cadoudal, fomenté par l'Angleterre et visant à faire disparaître Bonaparte pour installer un gouvernement provisoire avec les généraux Pichegru et Moreau ainsi qu'un prince de la maison de Bourbon. Pour la police, ce prince n'est autre que le duc d'Enghien, retiré à Ettenheim dans le pays de Bade. Bonaparte le fait enlever, au mépris du droit international, le 15 mars 1804. Le duc, en fait étranger au complot, est fusillé dans les douves du château de Vincennes dans la nuit du 20 au 21 mars, après un procès sommaire conduit par une commission militaire sans compétence.

Cette exécution, dont les circonstances - notamment le rôle de Bonaparte - divisent les historiens, prépare l'opinion publique à l'instauration d'un Empire héréditaire et autoritaire (sénatus-consulte du 18 mai 1804), présenté comme étant le seul capable d'empêcher un retour des Bourbons et de l'Ancien Régime. Napoléon apparaît donc fermement décidé à préserver les acquis de la Révolution, même au prix du sang d'un membre de la dynastie capétienne.

enluminure,

décoration et illustration peintes utilisées au Moyen Âge dans les livres manuscrits et les premiers imprimés pour la mise en valeur de certaines lettres, notamment les initiales, pour l'ornementation des bordures marginales ainsi que pour l'illustration proprement dite du texte.

Les artistes de la Gaule mérovingienne subissent au VIIe siècle l'influence des réalisations insulaires, caractérisées notamment par l'art des entrelacs. Dans les scriptoria monastiques de Luxeuil, Corbie ou Laon en particulier, ils produisent des décors stylisés, où les motifs zoomorphes, nombreux et divers, éclipsent les rares représentations humaines. Le développement de la culture écrite à l'époque de la renaissance carolingienne favorise la production de livres enluminés : Charlemagne passe commande de nombreux manuscrits de luxe, tels les Évangiles de Godescalc aux lettres d'or sur fond pourpre, dans lesquels s'expriment de multiples courants d'influence. Mais, au IXe siècle, l'atelier du palais d'Aix-la-Chapelle est définitivement supplanté par les grands centres épiscopaux (Reims, Metz) ou monastiques (Tours) concentrés au nord de la Loire. À partir de l'an mil, de nouveaux centres de production apparaissent, tels Cluny ou Cîteaux, sous l'impulsion d'abbés et de moines, qui sont parfois eux-mêmes peintres ; les remarquables réalisations romanes, destinées en priorité aux besoins des monastères ou des cathédrales en livres liturgiques, commencent aussi à fournir les laïcs en livres de piété, tel le psautier.

Lorsque les ateliers de production du livre se multiplient et s'organisent en dehors du milieu monastique ou épiscopal, Paris devient l'un des principaux foyers de l'enluminure occidentale, et exerce un rayonnement exceptionnel à partir du XIIIe siècle : tour à tour, maître Honoré, puis Jean Pucelle et Jean Le Noir au XIVe siècle influencent d'autres artistes laïcs, demeurés anonymes, qui décorent pour la cour et pour une riche clientèle bourgeoise des livres d'heures ainsi que de plus en plus de livres profanes. À la fin du XIVe et au XVe siècle, des bibliophiles passionnés, tels le duc Jean de Berry ou le duc Philippe II de Bourgogne, sont les principaux mécènes de cet art, qui connaît alors un épanouissement unique grâce à Jacquemart de Hesdin (Très Grandes Heures du duc de Berry, 1409), aux frères Pol, Jean et Hermann de Limbourg (Très Riches Heures du duc de Berry, 1416), au Maître de Boucicaut et aux nombreux artistes qu'ils ont durablement inspirés. Dans la seconde moitié du siècle, si Jean Fouquet donne encore des œuvres remarquables (Grandes Chroniques de France, Heures d'Étienne Chevalier, Antiquités judaïques), la naissance de l'imprimerie condamne progressivement l'art délicat de l'enluminure, incompatible avec une production de livres plus massive.