Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
E

Empire (Premier). (suite)

Exilé à l'île d'Elbe, Napoléon est instruit des mécontentements suscités par la restauration de Louis XVIII, et revient en France le 1er mars 1815. Ses chances de succès étaient toutefois nulles face à la coalition de l'ensemble des puissances européennes, de l'avis des stratèges Henri de Jomini et Carl von Clausewitz. Napoléon est vaincu à Waterloo, en Belgique, le 18 juin 1815. Il doit abdiquer une seconde fois tandis que Fouché prépare le retour de Louis XVIII. La durée de l'Empire napoléonien n'a pas excédé une décennie. Un moment unifiée grâce au Blocus continental, l'Europe se trouve livrée, après 1815, aux nouveaux démons du nationalisme, que les discours de la Révolution et les armées de la République et de l'Empire ont contribué à faire émerger.

Empire (Second).

Le Second Empire est issu du coup d'État du 2 décembre 1851, rapidement suivi d'une procédure de « régularisation » : moins d'un mois plus tard, le 14 janvier 1852, est promulguée une nouvelle Constitution.

À la faveur d'une excellente conjoncture économique, les premières années du régime se caractérisent par la prospérité : la France connaît alors une modernisation remarquable, qui s'accompagne toutefois de difficultés sociales. Mais l'opposition républicaine, toujours latente, se réveille, mettant à profit une libéralisation progressive des institutions, due à des dissensions au sein du camp gouvernemental. En outre, les échecs extérieurs de la fin du règne viennent effacer les succès initiaux. La guerre de 1870 interrompt une expérience politique nouvelle, et le désastre qui s'ensuit jette pour longtemps le discrédit sur le règne de « Napoléon le Petit ». Le Second Empire a gardé très longtemps une image négative. Sa légende noire a été véhiculée par les républicains de la IIIe République, qui n'ont jamais pardonné le coup d'État du 2 décembre ni le désastre final qui a coûté à la France l'Alsace et la Lorraine. Par ailleurs, ces derniers partagent avec les milieux monarchistes traditionnels un mépris à l'égard des parvenus enrichis par la spéculation, et dénoncent la « fête impériale » à l'heure du rigorisme de la génération Ferry. Le militarisme du régime est critiqué lors de la montée du pacifisme, et le cléricalisme des débuts n'est pas épargné, non plus qu'une politique extérieure, jugée contraire aux intérêts français. Le procès de l'Empire est mené par les grands écrivains - Victor Hugo, Émile Zola, Alphonse Daudet -, qui transparaît aussi dans la littérature populaire. Les historiens, tels Seignobos, Malet et Isaac ou Lavisse, publient des manuels où perce leur hostilité. Ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale que s'opère une véritable « révision » : le second désastre de Sedan, en 1940, a relativisé le premier ; les excès du parlementarisme dédouanent le régime impérial ; la procédure du référendum est restaurée. La prospérité des « Trente Glorieuses », la modernisation de la France, font enfin découvrir, par comparaison récurrente, la réussite économique du Second Empire. À l'heure de la guerre d'Algérie, la politique de Napoléon III concernant le royaume arabe apparaît plus progressiste que celle conduite sous la IIIe République. La recherche universitaire, en particulier l'historiographie anglo-saxonne (Théodore Zeldin, Vincent Wright et H. C. Smith), a fortement contribué à la « réévaluation » de cette période controversée.

Les fondements politiques de l'Empire

Si le Second Empire a été proclamé le 2 décembre 1852, l'opinion n'a pas retenu cette date comme celle d'une rupture fondamentale. En effet, tout est joué au lendemain du coup d'État du 2 décembre 1851 et du plébiscite des 21 et 22 décembre qui l'approuve ; les institutions du nouveau régime sont déjà en place. Mais le rétablissement de l'Empire, outre sa dimension symbolique, n'est pas sans incidences institutionnelles, et ne s'inscrit pas dans un processus automatique. Louis Napoléon Bonaparte semble avoir hésité, incertain de l'adhésion de l'opinion. Son voyage triomphal dans les départements du Centre et du Midi, soigneusement orchestré par Persigny, emporte sa décision, annoncée lors du discours de Bordeaux du 9 octobre 1852. La suite est une formalité : vote par le Sénat du senatus-consulte du 7 novembre rétablissant la dignité impériale héréditaire, plébiscite de ratification du 21 novembre. Ce dernier est marqué par l'écrasant succès des « oui » (près de 97 % des votants), mais aussi par le niveau élevé des abstentions, traduisant l'hostilité des légitimistes et de certains milieux conservateurs à un retour de l'Empire - des défections toutefois compensées par de nombreux ralliements à gauche. Ces formalités réglées, le principal problème reste celui de la succession : faute d'héritier direct, le trône doit revenir, conformément au décret du 18 décembre 1852, au cousin du nouvel empereur, Napoléon Jérôme, détesté dans les milieux conservateurs pour ses idées démocratiques et anticléricales. Aussi, le mariage du souverain devient-il une nécessité politique : il est annoncé le 22 janvier 1853, Napoléon III portant son choix sur Eugénie de Montijo, issue de la haute noblesse espagnole. La naissance du prince impérial, le 16 mars 1856, fonde la nouvelle dynastie, qui semble alors promise à un bel avenir.

La Constitution du 14 janvier 1852 concentre les pouvoirs entre les mains du chef de l'État, et réduit au minimum les prérogatives des Assemblées. La vie politique est verrouillée, de surcroît, par la domestication de la presse, grâce au décret organique du 17 février 1852 soumettant à autorisation la création de tout journal politique, et inventant le système des avertissements administratifs à côté des délits de presse. Désormais, dans la crainte d'une suspension du titre après deux avertissements, les journalistes sont contraints à l'autocensure. Le pouvoir peut également compter sur la docilité d'une administration aux effectifs accrus, notamment dans la police, et qui le renseigne sur l'état de l'opinion publique. De nombreux fonctionnaires sont placés sous l'autorité des préfets par le décret du 25 mars 1852, qui donne à ces derniers la haute main sur les emplois subalternes et leur permet d'exercer un contrôle sévère sur les collectivités locales. Le préfet est appelé à jouer un rôle social important afin de rallier les notables et divers corps sociaux : tournées de conseil de révision, comices agricoles, réceptions à la préfecture, constituent autant de moyens d'entrer en contact avec la population. Le corps préfectoral, loin d'être composé de tyranneaux médiocres (contrairement à la vision de Zola), allie, dans l'ensemble, compétence, labeur et désintéressement. L'empereur, quant à lui, inaugure la pratique des nombreux voyages en province, soigneusement préparés, au caractère festif, et qui enracinent un bonapartisme populaire, que la propagande officielle véhicule aussi à travers les vecteurs que sont les almanachs, les chansons et les images d'Épinal.