Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Trois-Évêchés (les),

partie de la province de Lorraine distincte du duché et centrée sur les trois villes épiscopales de Toul, Metz et Verdun ; elle ne correspond pas aux trois diocèses, qui recouvrent, eux, l'ensemble de la province (jusqu'à la création des évêchés de Nancy et Saint-Dié, en 1777).

La partition interne de la Lorraine est héritée de la politique des rois germaniques du haut Moyen Âge. Au début du XVIe siècle, les évêchés, intégrés dans l'Empire mais militairement fragiles, sont déjà en partie sous influence française. En janvier 1552, pour répondre à l'aide militaire et financière que le roi de France leur fournit, les princes protestants allemands lui concèdent - sans avoir qualité pour ce faire - le droit de prendre le contrôle de ces trois cités de langue française. Baptisé pour l'occasion « vicaire de l'Empire », Henri II fait son entrée dans les villes au printemps et y installe des garnisons. Il y voit sans doute une monnaie d'échange utile pour ses ambitions italiennes. Charles Quint réagit et vient, avec une immense armée de 55 000 hommes et 150 canons, mettre le siège devant Metz, défendu par François de Guise. L'échec de l'empereur, après plus de deux mois d'efforts (octobre 1552-janvier 1553) a un énorme retentissement. L'importance stratégique de Metz est mise en évidence : désormais, les Français s'installent durablement dans les Trois-Évêchés, dont le sort n'est pourtant pas évoqué au traité du Cateau-Cambrésis (1559) ; il ne s'agit donc que d'une occupation de facto. Le roi de France est représenté par des gouverneurs et par un « président royal » (administrateur civil), établi à Metz. Même si les Français donnent la priorité aux mesures militaires, leur présence contribue néanmoins à distendre progressivement les liens politiques entre les villes et l'Empire. Sous le règne d'Henri IV, une action énergique est menée (serment de fidélité, contrôle plus strict des évêques) : en 1610, il ne s'agit plus d'une simple protection, mais nettement d'une sujétion. Les institutions suivent : un parlement est créé à Metz en 1633, un intendant nommé dès 1637. Les traités de Westphalie (1648) reconnaissent officiellement la souveraineté française sur les Trois-Évêchés, désormais désignés sous le nom de « généralité de Metz ». Le rattachement définitif du duché de Lorraine au royaume (1766) ne met pas un terme à la partition administrative de la province. Les habitants du duché relèvent en effet d'une nouvelle généralité, celle de Nancy. C'est la réorganisation révolutionnaire qui, en remodelant les circonscriptions, fait disparaître les Trois-Évêchés.

troisième force,

expression désignant la coalition politique entre plusieurs partis de gouvernement de la IVe République qui, de 1947 à 1951, unissent leurs efforts contre une double opposition, celle du Parti communiste français (PCF) et celle du Rassemblement du peuple français (RPF), créé par le général de Gaulle en avril 1947.

Le noyau dur de la troisième force, constitué par les socialistes et les républicains populaires, prend acte de l'éclatement du tripartisme qui avait fondé la IVe République. Les débuts de la guerre froide entraînent, en effet, un durcissement dans l'attitude du PCF, dont les ministres sont révoqués par le président du Conseil socialiste Ramadier le 5 mai 1947. Mais l'opposition du RPF est tout aussi dangereuse pour les défenseurs des institutions de la IVe République. Les périls extérieurs poussent donc à l'union la SFIO et le MRP, qui s'opposent cependant sur bien des points, notamment dans la querelle de la laïcité.

La troisième force connaît une évolution sensible, jusqu'à sa désagrégation en 1951. Après la chute du gouvernement Ramadier (novembre 1947), un gouvernement ouvert au centre droit est formé par le MRP Robert Schuman. La SFIO abandonne ainsi aux Républicains populaires le rôle principal dans la constitution des majorités. La mésentente favorise l'arbitrage d'autres formations comme le Parti radical - pourtant discrédité par son identification à la IIIe République -, ou la droite modérée. Le radical Henri Queuille constitue ainsi son gouvernement (11 septembre 1948) avec une majorité élargie comprenant le Parti radical, l'UDSR, le MRP, la SFIO et la droite modérée. Revenu au pouvoir en mars 1951, il préconise un compromis électoral qui, en permettant l'apparentement entre listes distinctes, isole le PCF et le RPF. La troisième force, avec 50,49 % des suffrages exprimés et 388 sièges sur 627, sort confortée des élections législatives du 17 juin 1951. Mais la coalition éclate à propos des lois Marie et Barangé, l'une d'origine gouvernementale, l'autre d'origine parlementaire (MRP), qui prévoient d'accorder des bourses aux élèves de l'enseignement secondaire privé et une aide aux écoles primaires, privées comme publiques. Les textes sont votés en septembre 1951 par le MRP, une partie des radicaux et le RPF. Les socialistes, refusant cette atteinte à la laïcité, font chuter le gouvernement Pleven (janvier 1952). Après le bref gouvernement du radical Edgar Faure, Antoine Pinay, dirigeant du Centre national des indépendants et paysans, est investi le 6 mars 1952 grâce à l'apport des voix de 27 députés RPF. C'est le signe d'un début de parlementarisation du RPF et la preuve qu'une majorité gouvernementale autour de la droite peut désormais se substituer à la troisième force, dont la principale faiblesse a été l'absence de cohérence.

Tronchet (François Denis),

juriste et homme politique (Paris 1726 - id. 1806).

Fils d'un procureur au parlement de Paris, avocat à 19 ans, Tronchet, devenu grâce à ses consultations (rédactions de notes savantes) une célébrité du barreau de Paris - il est élu bâtonnier en mai 1789 -, est un grand juriste plutôt qu'un politique. Cette caractéristique éclaire toute sa carrière sous la Révolution. Élu député aux états généraux de 1789 et signataire du serment du Jeu de paume, il est partisan de la conciliation et apparaît comme un modéré. Pourtant, sans être membre d'aucun club, ce spécialiste du droit coutumier est très écouté à l'Assemblée constituante, où il intervient souvent, essentiellement sur les questions relatives aux droits féodaux et au système judiciaire. Juge à la Haute Cour de justice (1791), il accepte, en décembre 1792, d'être l'un des défenseurs du roi lors de son procès, conseillant Malesherbes et de Sèze sur le principe de l'inviolabilité royale. Ce qui le contraint à une prudente retraite au lendemain de la chute des girondins (31 mai 1793), jusqu'à celle de Robespierre le 9 thermidor an II (27 juillet 1794). Sous le Directoire, il siège au Conseil des Anciens (1795-1799), et, sous le Consulat, ses compétences juridiques comme sa modération lui valent nombre d'honneurs. Il est ainsi nommé président du Tribunal de cassation (1800), puis président de la commission chargée de rédiger le Code civil, à laquelle il apporte son pragmatisme et son esprit de compromis. L'année suivante, il entre au Sénat, qu'il préside en 1802. Officier de la Légion d'honneur (1804), il est inhumé au Panthéon en mai 1806.