Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

catholicisme. (suite)

Un événement historique majeur vient sanctionner le passage de l'ancienne Gaule au christianisme : le baptême dans la foi catholique du roi franc Clovis par l'évêque Remi à Reims, qu'une datation vague fixe en 496. Jusqu'à lui, tous les chefs des peuples germaniques établis en Gaule - Burgondes, Wisigoths - étaient de confession arienne, qui ne reconnaissait pas la divinité du Fils de Dieu. Avec Clovis et son épouse Clotilde, la dynastie mérovingienne des Francs Saliens, qui va bientôt dominer la Gaule et lui donner son nom, se range sous l'autorité du pape de Rome. La conversion de Clovis confère à la domination franque l'appui politique de l'épiscopat gallo-romain : magnifiée dans les siècles suivants, elle constitue aussi l'acte fondateur d'une monarchie sacrale. Dans une société en voie de régression culturelle et de ruralisation accélérée, les évêques (Césaire d'Arles, Grégoire de Tours, Ouen de Rouen, Éloi de Noyon), entourés d'un petit nombre de clercs, constituent l'armature institutionnelle de l'Église : on compte au VIIe siècle une centaine de villes épiscopales, avec leurs églises cathédrales et leurs baptistères, très inégalement réparties entre le dense réseau du Midi et le large maillage de la Francie septentrionale. L'évangélisation des campagnes se poursuit à travers la construction d'églises privées et l'éradication des anciens cultes ruraux. L'érémitisme et le monachisme, issus à la fois d'Orient (les Pères du Désert), d'Italie (saint Benoît) et d'Irlande (saint Colomban), se diffusent partout : à Tours, dès le IVe siècle, autour de saint Martin, ancien ermite de Ligugé ; à Marseille, où Jean Cassien fonde en 410 Saint-Victor ; sur les îles de Lérins ; à Luxeuil, autour de saint Colomban ; à Jouarre, Chelles, Corbie, Soissons, Jumièges, Saint-Wandrille ; à Poitiers, où Radegonde fonde un monastère de femmes. La règle de saint Benoît de Nursie s'impose, établissant un équilibre stable entre prière et travail ; et c'est un moine provençal, Vincent de Lérins, qui définit la règle de foi des croyances catholiques : Quod ubique, quod semper, quod ab omnibus (« Tenons-nous en à ce qui a été cru partout, toujours et par tous »).

L'ère des mutations

La chrétienté carolingienne participe d'une nouvelle exigence de puissance, d'ordre et d'équilibre. Les monarques francs se substituent à la puissance déclinante de Byzance : Pépin le Bref est sacré roi des Francs en 751 à Soissons par le légat Boniface, puis en 754 à Saint-Denis par le pape Étienne II ; en Italie, il repousse les Lombards et contribue à la création des États pontificaux. Son fils Charlemagne est sacré empereur d'Occident par le pape Léon III à Rome, le jour de Noël de l'an 800, et l'évêque Hincmar de Reims magnifie la figure sacrale du « nouveau David ». Les évêques sont appelés à apporter leur concours à l'administration de l'Empire. Les églises privées forment le cadre de l'organisation paroissiale des campagnes. La règle Bénédictine est étendue par Benoît d'Aniane à l'ensemble des monastères ; les clercs réguliers sont organisés en communautés selon la règle de Chrodegang, évêque de Metz. Des capitulaires règlent la discipline ecclésiastique, uniformisent la liturgie, diffusent les sacramentaires romains. La vie religieuse des fidèles est ordonnée autour de la pratique des sacrements et des pénitences, du catéchisme et du repos dominical. Une renaissance intellectuelle, essentielle dans la préservation et la transmission de la culture latine antique et chrétienne, voit le jour (Alcuin, Raban Maur).

L'âge féodal, issu de la désagrégation de l'Empire carolingien, marque l'apogée du monachisme. La fondation de l'abbaye bourguignonne de Cluny (909 ou 910) constitue le point de départ d'une formidable expansion de l'ordre bénédictin : exempts de l'autorité épiscopale, comblés de biens par les grands, les « maîtres de la prière » déploient une liturgie fastueuse, élèvent jour et nuit la louange au Très-Haut, concentrent patrimoine culturel et activités intellectuelles, et étendent l'influence de l'ordre clunisien à l'ensemble de la société laïque. Le « blanc manteau des églises » (Raoul Glaber, chroniqueur du XIe siècle) recouvre peu à peu les villages. L'architecture romane déploie ses arcades et ses voûtes, ses puissants piliers, ses chapiteaux sculptés, ses figures de pierre, ses fresques colorées où triomphe la figure grandiose du Christ du Jugement. Cluny, aujourd'hui disparu, Vézelay, Paray-le-Monial, Saint-Philibert de Tournus, Sainte-Foy de Conques, Saint-Martin du Canigou, Saint-Benoît-sur-Loire, Notre-Dame-la-Grande de Poitiers, Notre-Dame-du-Port de Clermont, les cathédrales d'Autun et du Puy portent le témoignage de l'élan spirituel qui marque l'aube du Moyen Âge chrétien. Les moines, enfin, à l'orée du XIe siècle, imposent le schéma d'une société divisée en trois ordres inégaux en droits et en devoirs, ceux qui prient, ceux qui combattent et ceux qui travaillent : les clercs, les chevaliers et les paysans.

Au lendemain de l'an mil, la chrétienté médiévale entre dans une période d'expansion soutenue par le redressement démographique, l'essor de l'économie agraire et la renaissance des villes. La réforme grégorienne est une tentative pour dégager l'Église de l'emprise des seigneurs laïcs. Les chapitres et les collèges de prêtres adoptent alors la règle de vie et de prière de saint Augustin. Bruno fonde la Grande-Chartreuse (1084), proche de la tradition érémitique ; Robert d'Arbrissel, l'abbaye de Fontevraud (1101) ; Norbert, l'abbaye de Prémontré (1120). La réforme bénédictine, esquissée à Cluny par Pierre le Vénérable, est approfondie à Cîteaux (1098) par Bernard de Clairvaux : à sa mort (1153), l'ordre cistercien, qui privilégie l'implantation dans les « déserts », le travail agricole et la construction d'abbayes austères et dépouillées (Fontenay, Pontigny), compte déjà 345 monastères.

L'Église tente d'imposer aux chefs de guerre « trêves de Dieu » (suspension de la guerre durant certaines périodes de l'année religieuse) et « paix de Dieu » (prohibition des actes guerriers contre les non-belligérants et leurs biens) sous la menace de l'interdiction et de l'excommunication. Elle sanctifie la dynastie issue d'Hugues Capet (987), du sacre de Reims à leur sépulture à Saint-Denis : l'oint du Seigneur se voit reconnaître le pouvoir de guérir les écrouelles. Les papes lancent depuis la France l'entreprise violente de la croisade pour la reconquête des Lieux saints : Urbain II prêche la première croisade à Clermont (1095) et saint Bernard, la deuxième à Vézelay (1146) ; le roi Philippe Auguste prend part en personne à la troisième et le roi Saint Louis meurt à Tunis en 1270, au terme de la dernière. L'éphémère royaume chrétien de Jérusalem et les ordres militaires des templiers et des hospitaliers projettent jusqu'au Levant les gesta Dei per Francos (l'action de Dieu à travers les Francs).