Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Chautemps (Camille),

homme politique (Paris 1885 - Washington 1963).

Élevé dans la tradition républicaine de gauche, affilié à la franc-maçonnerie, Chautemps accomplit toute sa carrière dans le sérail du Parti radical-socialiste. Député dès 1919, il abandonne l'Assemblée nationale pour le Sénat en 1934. Dans les années vingt, il appartient à l'aile gauche du parti ; ministre d'Édouard Herriot en 1924, il se montre hostile à l'« union nationale » en 1926. Après le retour des radicaux au pouvoir, en 1932, il siège dans les cabinets successifs en tant que ministre de l'Intérieur, avant d'être appelé à la présidence de Conseil en novembre 1933, dans le contexte de crise institutionnelle aiguë que connaît le pays. Mais son arrivée à Matignon coïncide avec le déclenchement de l'affaire Stavisky, à laquelle se trouve mêlé son beau-frère, le procureur Pressard. Mis en cause, Chautemps démissionne le 28 janvier 1934, alors que se déchaîne dans Paris l'agitation des ligues de droite. Favorable au Front populaire dès 1935, il est ministre d'État dans le cabinet Blum, à qui il succède en juin 1937. Peu soucieux de poursuivre la politique du Front populaire dans le domaine économique, Chautemps doit cependant tenir compte des ministres socialistes, avec lesquels il entretient des rapports de plus en plus tendus. Cette situation inconfortable le contraint à la démission en mars 1938, alors que Hitler s'apprête à imposer l'Anschluss. Vice-président du gouvernement d'avril 1938 à juin 1940, il adopte, au terme de son parcours politique, des positions conservatrices : favorable en juin 1940 à la signature de l'armistice et membre du premier gouvernement Pétain, il vote le 10 juillet en faveur du maréchal, avant de démissionner et de s'exiler aux États-Unis.

Chauvet (grotte),

grotte peinte paléolithique découverte en 1994 dans les gorges de l'Ardèche, près de Vallon-Pont-d'Arc.

La grotte Chauvet (du nom de l'un des trois découvreurs) s'étend sur quelque 500 mètres à partir de l'entrée ancienne, aujourd'hui obstruée. On y accède par un très étroit boyau secondaire. Elle fut occupée par des ours des cavernes, qui ont laissé plusieurs dizaines de squelettes et des empreintes, mais surtout par l'homme, dont les nombreux vestiges, trop fragiles, rendent impossible une ouverture de la grotte au public. Plus de trois cents peintures et gravures figurant des animaux ont été recensées, la zone d'entrée comportant surtout des peintures rouges, la zone médiane, des gravures, et la zone du fond, des peintures noires et des gravures. Fait particulièrement remarquable, elles représentent une quinzaine d'espèces différentes, et il s'agit d'animaux très rarement figurés dans les peintures rupestres : une soixantaine de rhinocéros (soit trois fois plus que dans tout le reste de l'Europe), des félins, mais aussi des mammouths et des ours. On observe également une combinaison de peintures et de gravures, une recherche d'effets de perspective, ainsi que des signes abstraits (points).

Après la découverte de la grotte, de nombreuses polémiques ont éclaté, concernant la propriété juridique des photographies, le choix des scientifiques autorisés à l'étudier, mais aussi les datations : les premières, établies au carbone 14, proposent une date située aux alentours de 30 000 ans avant notre ère ; ces peintures seraient donc deux fois plus ancienne que celles de toutes les autres grottes peintes connues à ce jour.

chauvinisme,

terme synonyme de patriotisme exagéré, belliqueux, de nationalisme ridicule, qui apparaît en France en 1840.

Il vient du nom de Nicolas Chauvin, figure du soldat naïvement exalté de l'Empire. Contrairement à ce qu'on a longtemps cru, Chauvin ne recouvre très probablement pas un personnage réel : créé, célébré autant que caricaturé par les vaudevillistes dès la Restauration et la monarchie de Juilllet, repris sous le Second Empire, d'abord jeune recrue paysanne, puis vieux grognard, il représente un patriote sincère et naïf qui rallie tous les suffrages après la défaite de 1870, de Daudet à Larousse. L'histoire type de Chauvin qui, une fois redevenu paysan, regrette le bon temps de l'armée, reprend en fait le mythe du soldat-laboureur : remontant à l'Antiquité romaine, réactualisé par les Lumières, il incarne après la Révolution l'essence rurale et guerrière de la France. Modèle sous-jacent aussi bien dans le rite des comices agricoles, les projets de colonies agricoles, les villages communautaires du général Bugeaud en Algérie que dans certains programmes des socialistes utopiques, repris de Michelet à Barrès, il trouve sa consécration dans l'inhumation du soldat inconnu le 11 novembre 1918, avant d'être honoré par la « révolution nationale » pendant le régime de Vichy. Révélant le « mystère du caractère sacré du sol de la patrie, dont l'humus est fait des cadavres des héros » (Gérard de Puymège), le chauvinisme est ainsi un rêve de réconciliation nationale dans l'exaltation de la terre, des valeurs militaires et dans le rejet de l'étranger.

Chavatte (Pierre Ignace),

ouvrier (Lille 1633 ? - id. 1693 ?).

Cet artisan lillois a laissé un livre de raison manuscrit qui est une des rares chroniques populaires au temps de Louis XIV, témoignant de la perception des événements contemporains de la vie quotidienne.

Chavatte est sayetteur, c'est-à-dire tisserand de toiles de laine grossières, fils d'un artisan et d'une sage-femme. Marié en 1672, il vit dans la paroisse populaire de Saint-Sauveur, à Lille. Attaché aux règles qui régissent son métier, il se fait le défenseur de la tradition face aux changements. Sa condition modeste le rend vulnérable aux crises et aux disettes, en particulier celles de 1661-1662 et 1692-1693, ce qui explique qu'il soit très attentif aux aléas climatiques, qu'il note scrupuleusement car ils commandent le prix du blé. En 1667, Lille est prise par Louis XIV ; dès lors, les guerres continuelles et les tarifs imposés à l'industrie lilloise nourrissent chez Chavatte un fort sentiment antifrançais. Il est aussi représentatif du petit peuple gagné à la Réforme catholique : sensible à la prédication des ordres mendiants et aux processions, il manifeste un fort attachement à sa paroisse, appartient à une confrérie et se montre très dévot envers les saints et la Vierge. Il est également sensible au merveilleux, ne doutant ni du pouvoir des magiciens ni de l'intervention du diable. Enfin, sa chronique est un témoignage sur les fêtes, les jeux mais aussi, à travers l'évocation du cabaret et des rixes, sur la violence quotidienne.