Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Lamartine (Alphonse de), (suite)

Les dix années qui suivent sont jalonnées de succès : poète adulé, époux comblé - depuis le 6 juin 1820 - d'une jeune Anglaise, Maria Anne Elisa Birch, attaché d'ambassade auprès du roi de Naples, puis deuxième secrétaire de la légation de Florence, Lamartine se partage entre l'Italie et son cher Mâconnais natal, auquel le rattachent la maison de son enfance à Milly et, à partir de 1821, le château de Saint-Point. En 1830, l'écrivain est reçu à l'Académie française et publie les Harmonies poétiques et religieuses, expression d'un lyrisme méditatif parfois amer. En décembre 1832, au cours d'un voyage en Orient, la mort de sa fille unique Julia (12 ans) marque une autre rupture : en quête d'exutoire, Lamartine choisit de se lancer plus avant dans la vie politique. Député, orateur écouté à la Chambre, il se veut au service des libertés publiques et à l'écoute des classes défavorisées. Il devient membre du Gouvernement provisoire de février 1848, ministre des Affaires étrangères, et se présente sans succès à l'élection présidentielle de décembre. Son rêve d'une république idéale ne tarde pas à s'effondrer définitivement au lendemain du coup d'État du 2 décembre 1851.

Au fil de ce parcours, les œuvres du romancier, de l'historien et du poète, souvent livrées en hâte aux éditeurs pour régler des dettes pressantes, connaissent des fortunes diverses : entre 1833 et 1848 paraissent le Voyage en Orient, Jocelyn, la Chute d'un ange, les Recueillements, et la magistrale Histoire des Girondins. Vient ensuite le temps du retrait, de l'autobiographie, du refuge dans les grands textes, avec Confidences, Raphaël, une Histoire de la Révolution (1848) et les 28 volumes du Cours familier de littérature.

Lamballe (Marie-Thérèse Louise de Savoie-Carignan, princesse de),

surintendante de la maison de la reine (Turin 1749 - Paris 1792).

Mariée au prince de Lamballe, fils de l'amiral de France duc de Penthièvre, veuve à 18 ans, elle en a 25 lors de l'avènement de Louis XVI (1774). Marie-Antoinette, 20 ans, prise d'amitié pour cette cousine, rétablit pour elle une charge disparue depuis la mort de Marie Leszczynska. En 1792, la princesse, naguère peinte, portraiturée, dessinée et aquarellée dans tout l'éclat de sa beauté, est brutalement jetée dans les cachots de la prison de la Force, avant d'être victime des massacres de septembre. Sa tête, mise au bout d'une pique, est portée au Temple sous les fenêtres de la reine. Son cœur, arraché, aurait été mangé sur le lieu même du supplice par la foule en délire.

Mme de Lamballe fut-elle victime de son image ou de son appartenance à l'aristocratie ? La première hypothèse paraît la plus vraisemblable, car, comme Mme de Polignac, Mme de Lamballe est au nombre de ces amies de Marie-Antoinette, femmes jolies et légères, qui, des bosquets de Versailles - dans lesquels débuta l'affaire du Collier - jusqu'aux moutons du Petit-Trianon, contribuèrent, de par leur juvénile insouciance, à discréditer l'« Autrichienne » aux yeux de l'opinion. Sa naissance n'y est pour rien : du reste, son beau-père Penthièvre, quoique duc richissime et petit-fils de Louis XIV, mourut paisiblement en 1793 en son château de Bizy, si regretté de la population que la Garde nationale fit dire une messe en souvenir de ses aumônes !

Lamennais (Félicité Robert de La Mennais [ainsi orthographié jusqu'en 1834] ou),

théologien et philosophe (Saint-Malo 1782 - Paris 1854).

Figure majeure de la pensée religieuse de la première moitié du XIXe siècle, Lamennais a été, tour à tour, l'interprète du traditionalisme catholique, de la démocratie chrétienne et de la démocratie sociale. Issu d'une famille d'armateurs malouins récemment anoblie, il se forme à la théologie dans la solitude, sous la direction d'un frère aîné prêtre. Ses premiers travaux défendent la tradition de l'Église contre Napoléon. Ordonné prêtre, tardivement, à Vannes en 1816, il connaît la gloire avec son Essai sur l'indifférence en matière de religion (1817-1823), texte qui rompt avec la philosophie des Lumières, exalte la foi catholique et l'Église universelle, et jette les bases du traditionalisme chrétien par le biais de la théologie du « sens commun ». Reçu avec honneur à Rome en 1824 par le pape Léon XII (qui songe à le faire cardinal), il accentue dans ses publications sa critique du gallicanisme et réunit autour de lui un premier groupe de prêtres et de théologiens ardents (Gerbet, Salinis, Gaume, Guéranger).

La révolution de 1830 accélère son évolution vers le libéralisme, puis vers la démocratie. Avec Lacordaire et Montalembert, il fonde le journal l'Avenir (octobre 1830-novembre 1831), première expression d'une démocratie chrétienne qui, sous la devise « Dieu et Liberté », réclame les libertés d'enseignement, de la presse et d'association, ainsi que la séparation de l'Église et de l'État. En butte à l'hostilité de l'épiscopat, il tente de se justifier auprès du Vatican, mais les thèses de l'Avenir sont condamnées par l'encyclique Mirari vos (15 août 1832) du pape Grégoire XVI. Soumis, mais révolté par la condamnation pontificale de l'insurrection polonaise de 1831, il se détache peu à peu du christianisme et élabore une philosophie religieuse vouée à l'émancipation du peuple. En 1834, il publie ses Paroles d'un croyant, sombre méditation prophétique sur l'oppression des prolétaires par les puissants, aussitôt condamnée par l'encyclique Singulari nos (25 juin). Lamennais rompt alors définitivement avec l'Église, approfondit sa recherche religieuse et philosophique, et milite dans le camp démocratique ; il siège comme député de la Seine dans les rangs montagnards (républicains d'extrême gauche), de 1848 à 1851.

Après avoir refusé l'assistance d'un prêtre avant sa mort, il est enseveli au petit matin, sur ordre de la police impériale, dans la fosse commune du cimetière du Père-Lachaise.

Lameth (Alexandre Théodore Victor, chevalier de),

général et homme politique (Paris 1760 - id. 1829) ; frère du précédent.

En 1777, il entre dans les gardes du corps du roi, puis s'engage dans l'armée de Rochambeau, pour combattre en Amérique (1782). À son retour en France, il devient colonel du régiment Royal-Lorraine ; il est élu par la noblesse député du bailliage de Péronne aux états généraux de 1789. Libéral, membre de la Société des amis des Noirs, il rejoint le tiers état, vote l'abolition des privilèges (4 août 1789) et se prononce contre le veto absolu du roi. Il fait partie, avec Barnave et Duport, du triumvirat. Avec eux, il défend la personne du roi et la monarchie après la fuite de Louis XVI, et quitte le Club des jacobins pour fonder celui des feuillants (1791). Pendant la guerre, nommé maréchal de camp dans l'armée du Nord, il combat aux côtés de La Fayette, puis passe avec ce dernier à l'ennemi. Fait prisonnier, il reste trois ans en captivité. À sa libération, il émigre en Angleterre, puis à Hambourg. Rentré en France, Bonaparte le nomme préfet, successivement, des Basses-Alpes (1802), du Rhin-et-Moselle, de la Ruhr, puis du Pô. Il devient baron d'Empire (1810), puis maître des requêtes au Conseil d'État (1811). Lors de la première Restauration, il se rallie à Louis XVIII, qui le nomme préfet de la Somme. Durant les Cent-Jours, il soutient Napoléon et siège à la Chambre des pairs. En 1820, il poursuit sa carrière politique comme député libéral.