Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
E

Éduens, (suite)

Ce peuple occupe donc une position stratégique, qui incite très tôt le monde méditerranéen à rechercher son alliance. Dès le IIe siècle avant notre ère, les Éduens sont officiellement proclamés « amis et frères du peuple romain ». Ils alignent leur monnayage sur celui de Rome, et s'honorent de leur amitié avec les Romains, qui les protègent contre les convoitises de leurs voisins : Arvernes au sud-ouest, mais aussi Séquanes ou Helvètes à l'est. C'est d'ailleurs la menace helvète qui sert à César de prétexte pour sa première intervention en Gaule, à l'appel des Éduens, en 58 avant notre ère. Pendant la guerre des Gaules, ceux-ci misent presque toujours sur Rome, sauf au moment de l'ultime insurrection générale conduite par Vercingétorix. César ne leur en tiendra d'ailleurs pas longtemps rigueur.

Les fouilles archéologiques menées sur le mont Beuvray, dans le Morvan, ont révélé l'importance de l'oppidum de Bibracte, capitale des Éduens. Elles ont aussi montré l'influence très précoce de Rome, notamment dans l'architecture, même si, après la conquête, Bibracte est abandonnée au profit de la ville nouvelle d'Augustodunum (Autun). Des opérations de dragages de la Saône ont en outre permis de retrouver des milliers d'amphores romaines, preuve que Chalon était alors un actif port fluvial.

Égaux (conjuration des),

complot babouviste contre le Directoire, découvert en mai 1796.

À l'automne 1795, alors que le Directoire s'installe, l'opposition de gauche, réprimée par la Convention thermidorienne, se reforme. Le club du Panthéon, où se réunissent les démocrates depuis le 16 novembre, mène l'attaque contre la République bourgeoise fondée sur le suffrage censitaire. Par crainte d'un renouveau du mouvement populaire, à un moment où l'inflation et la pénurie provoquent des émeutes en province, le gouvernement ordonne la fermeture du club (février 1796). Les républicains les plus radicaux sont donc rejetés dans la clandestinité, où ils rejoignent Gracchus Babeuf. Ils préparent le renversement du Directoire en constituant, le 30 mars 1796, un directoire secret exécutif de salut public - ou comité insurrecteur, sommet d'une structure insurrectionnelle et cloisonnée -, qui comprend Babeuf, Antonelle, Maréchal, Lepeletier, Darthé, Buonarroti et Debon. Leur programme politique, égalitariste, prévoit une dictature provisoire d'une « convention d'Égaux ». L'organisation s'appuie sur des agents et des militants, chargés de nouer des contacts dans l'armée et la police, d'agiter les milieux populaires et de propager les idées babouvistes.

Peu discrète, la conjuration est vite connue du Directoire qui fait voter, le 16 avril 1796, une loi punissant de mort les auteurs de discours ou d'écrits prônant le renversement du régime ou la loi agraire, et dissout, le 30 avril, la Légion de police (chargée de la sécurité de Paris), noyautée par les babouvistes. Le 10 mai, trahis par un de leurs agents militaires, les conjurés sont arrêtés, puis déférés à la Haute Cour de justice, établie à Vendôme, sans que cela entraîne aucune réaction populaire. La conjuration, qui se prolonge avec l'affaire du camp de Grenelle (tentative d'inciter des soldats à se rebeller, en septembre 1796), est, pour le Directoire, l'occasion de lancer une bruyante campagne de presse exagérant le péril babouviste à des fins électoralistes. En fait, la conjuration élitiste n'a pas de réel soutien populaire et s'est abusée tant sur le nombre que sur les motivations de ses sympathisants, plus attachés à la Constitution de 1793 qu'au babouvisme. Parmi la cinquantaine d'inculpés présents au procès de Vendôme (20 février-26 mai 1797), la moitié sont étrangers au complot. Pour les épargner, les babouvistes choisissent de nier leurs projets. Concentrant sur eux l'accusation, Babeuf et Darthé sont condamnés à mort et exécutés le 27 mai. Sans réelle audience, la conjuration des Égaux ne serait qu'une péripétie si, en 1828, Buonarroti ne lui consacrait un livre, qui inspirera les socialistes du XIXe siècle.

Éginhard ou Einhard,

homme de cour et écrivain (Franconie vers 770 - abbaye de Seligenstadt 840).

Eginhard fut élevé à Fulda, puis envoyé à Aix, où il put parfaire son éducation dans l'entourage d'Alcuin. Il appartint ce que l'on appelle l'Académie palatine et acquit une position de premier plan dans l'entourage de Charlemagne, qui fit appel à ses talents d'architecte - notamment lors de la construction du palais d'Aix-la-Chapelle - et à ses capacités de diplomate. Il fut le secrétaire de Louis Le Pieux et le précepteur de son fils aîné, Lothaire. En 830, il se retira dans l'abbaye qu'il avait fait construire à Seligenstadt, dans le Maingau.

Homme de très haute culture, Éginhard est surtout connu pour sa Vie de Charlemagne, composée entre 830 et 835, et qui constitue une source de première importance. L'auteur emprunte à Suétone la forme littéraire de la biographie et jusqu'à certaines tournures de phrase. L'information est en règle générale d'excellente qualité, fondée sur l'utilisation des annales du royaume et sur le recours à des souvenirs personnels. Il en résulte une œuvre de propagande, certes, mais d'une remarquable fraîcheur et, dans l'ensemble, fiable. Éginhard est également l'auteur de soixante-dix lettres qui, réunies en un recueil destiné à fournir des modèles, nous sont parvenues. Elles apportent des informations uniques sur le développement des relations vassaliques et contiennent également des renseignements sur l'attitude politique de leur auteur durant les luttes civiles qui marquèrent le règne de Louis le Pieux.

Église

C'est à partir du grec ekklesia (« convocation »), à travers son décalque latin, ecclesia, que le français a forgé le mot « église ».

 L'ekklesia désigne, dans les versions grecques de la Bible des Septante, l'assemblée du peuple hébreu convoquée par ses guides (Moïse, Salomon) pour célébrer l'alliance d'Israël avec Yahvé. C'est encore par le terme ekklesia que le premier christianisme a traduit, de l'araméen en grec, la parole de Jésus dans l'Évangile de Matthieu (XVI, 18) : « Je bâtirai mon Église » ; la métaphore de la construction prend ici valeur de promesse messianique et d'espérance eschatologique dans l'édification d'un « nouveau Temple » et d'une « Jérusalem céleste ». La triple signification que le mot « église » assume aujourd'hui dans la langue française - bâtiment destiné au culte divin (sens pour lequel on a réservé la minuscule) ; assemblée des fidèles (qu'elle soit particulière ou universelle) ; corps mystique du Christ réunissant dans l'unité de la foi et l'espérance de la résurrection les vivants et les morts - découle de cette polysémie originelle, source de toutes les tensions historiques et religieuses qui ont affecté l'Église : entre cité terrestre et cité céleste, promesse et institution, construction humaine et projection eschatologique.