Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Conseil d'État, (suite)

Sous la monarchie censitaire, le Conseil d'État est maintenu en tant que tribunal administratif supérieur mais il perd de son autorité : il se contente d'assister les ministres dans la préparation des projets de loi. La IIe République en fait, en revanche, un organisme puissant pour la confection des lois et le contrôle de l'administration. Ses membres sont alors élus par l'Assemblée nationale. Réorganisé en 1852, s'il prépare toutes les lois soumises au Corps législa-tif, il devient totalement dépendant de l'empereur. Après 1870, les régimes républicains lui conservent sa double fonction de conseil en matière législative et de juge suprême des affaires administratives. Il doit être, aujourd'hui encore, obligatoirement consulté par le gouvernement sur la légalité des projets de loi.

Conseil national de la Résistance (CNR),

organisme qui réunit les principaux mouvements, syndicats, et partis clandestins à partir de mai 1943.

La fondation du CNR s'inscrit dans le processus d'unification de la Résistance. Le général de Gaulle, qui cherche à affermir sa légitimité face aux Alliés et au général Giraud, souhaite la création d'un organe qui exprimerait l'unité de la nation derrière sa personne. Les résistants de l'intérieur, quant à eux, attendent une aide accrue ainsi que l'émergence d'un fédérateur politique. Toutefois, les modalités de l'unification suscitent d'âpres conflits, les dirigeants des mouvements de résistance refusant d'abord de voir siéger au CNR les partis politiques qu'ils rendent responsables de la défaite. Plus profondément, un malentendu oppose les résistants de l'intérieur, qui conçoivent le CNR comme l'embryon du gouvernement de la Libération, à de Gaulle, qui ne voit dans le CNR qu'un instrument de légitimation.

En 1942, Jean Moulin réunit les principaux mouvements de la zone sud, tandis que, au début de 1943, Passy et Brossolette jettent les bases de la coordination en zone nord. La perspective de voir Giraud - considéré trop conciliant à l'égard de la « révolution nationale » du maréchal Pétain - porté au pouvoir par les Américains en Afrique du Nord triomphe des dernières réticences. Le 27 mai 1943, à Paris, Moulin préside la première réunion du CNR. Celui-ci regroupe les huit principaux mouvements de Résistance (trois de zone sud, cinq de zone nord), six « tendances politiques » (Parti communiste, SFIO, radicaux, démocratie-chrétienne, Fédération républicaine et Alliance démocratique) et deux syndicats (CGT et CFTC).

Le CNR proclame son soutien au général de Gaulle, reconnu seul chef de la Résistance. Pourtant, sitôt Jean Moulin disparu (juin 1943), un conflit surgit entre cette institution et le Comité français de libération nationale (CFLN), et s'accroît à mesure que le PCF étend son influence sur la Résistance. Le PCF, qui domine les organes dirigeants du CNR, malgré la présence de Georges Bidault, oppose la légitimité de la Résistance aux prétentions gaulliennes. Au début de 1944, le CNR impose ainsi un statut des comités départementaux de la Libération (CDL), ce qui revient à confier à ces derniers le pouvoir local à la Libération ; il défend, contre l'avis du CFLN, la thèse d'une insurrection populaire préparée par l'action immédiate ; enfin, il tente, sans succès, d'obtenir le commandement des forces militaires de la Résistance, réunies, en février 1944, dans les Forces françaises de l'intérieur (FFI). Malgré ces conflits, le CNR parvient à dégager, dans sa charte de mars 1944, un large accord sur les réformes de structure de la Libération. Tenu éloigné du pouvoir par de Gaulle, il sombre dans l'inaction et disparaît en 1947.

Conseil du roi,

principal organisme de gouvernement de la monarchie ; lieu de débats et d'arbitrages, qui fait l'objet d'un éclatement progressif lié à l'accroissement des tâches et à leur répartition.

Les origines médiévales.

• Le Conseil du roi est issu de la curia regis (« cour du roi ») médiévale, réunion des grands vassaux du roi et des personnalités les plus marquantes de son entourage. Dans la société féodale, le conseil est un devoir du vassal envers son seigneur. Auprès des premiers Capétiens, il est exercé par divers groupes : d'abord évêques et comtes, puis châtelains de l'Île-de-France, grands officiers, et, enfin, chevaliers royaux. Le terme de consiliarus s'applique, à partir de Louis VII (1137-1180), aux familiers du roi qui le servent de façon régulière au sein de la curia regis. Les affaires de plus en plus nombreuses et spécialisées qui y sont traitées imposent une répartition progressive des tâches : s'en détachent ainsi, au XIIIe siècle, le parlement pour la justice et la Chambre des comptes pour les finances. Cependant, ces organes se réclament toujours du Conseil, car celui-ci est, en théorie, unique. Le Conseil du roi conserve les affaires générales : en effet, la tradition politique insiste sur le fait que le roi ne doit pas agir sans conseil. Toutefois, le Conseil n'a pas d'existence propre : il ne tient son autorité que du souverain, et celui-ci n'est pas tenu de suivre ses avis. Selon les jours, il aborde différentes matières, de façon assez informelle dans un premier temps, et sa composition n'est pas fixée mais dépend d'un appel. Siéger au Conseil est un enjeu sérieux de luttes à la fin du Moyen Âge. La complexité et l'ampleur du labeur obligent à établir un calendrier, et empêchent bientôt le roi de pouvoir assister à toutes les séances. Il en résulte une organisation élaborée, où se distinguent deux grands types de conseils.

Une organisation complexe.

• Le roi assiste en personne aux conseils de gouvernement. Il y appelle qui bon lui semble. Le nombre de participants reflète l'autorité du monarque : à la cohue relative des époques de régence répond la sévère fermeture de 1661, lorsque Louis XIV impose sa marque. Le Conseil secret (ou étroit) du XVIe siècle devient « Conseil d'en haut » en 1643. S'y ajoutent un Conseil financier, à éclipses au XVIe siècle, stabilisé sous Louis XIV, puis le Conseil des dépêches, né sous la Fronde. Ce dernier, chargé des affaires intérieures du royaume, joue un rôle croissant, et le Conseil d'en haut se limite bientôt aux (très importantes) affaires étrangères. Plus restreint encore que ces structures officielles apparaît souvent un conseil suprême informel réunissant autour du roi une, deux ou trois personnes, pour des questions particulièrement délicates ou secrètes. À l'inverse se développent des conseils où le roi ne siège pas, mais où toutes les décisions sont prises en son nom. Ils sont présidés par un chancelier, et chargés de tâches ordinaires de gestion et d'administration. Un personnel stable et spécialisé de conseillers d'État et de maîtres des requêtes y travaille. La section judiciaire, la plus ancienne, traite des problèmes de justice retenue ou de cassation, et met en forme édits et ordonnances. Ce Conseil privé - ou « des parties » - joue un rôle important jusqu'à la fin de l'Ancien Régime. La section chargée du contentieux financier, appelée « Conseil d'État et des finances » ou « Conseil ordinaire des finances », prend son essor au XVIIe siècle, mais voit, en revanche, son rôle de plus en plus limité par les services du contrôle général des finances. C'est, en fait, un trait général de l'évolution à partir de Louis XIV : les conseils sont maintenus, mais leur rôle effectif se réduit. D'une part, le roi traite de plus en plus directement avec les responsables des divers « ministères ». D'autre part, les comités, les commissions spécialisées et les bureaux s'emparent d'un nombre croissant de responsabilités, voire de décisions. À la mort du Roi-Soleil (1715), une tentative systématique de gouvernement par conseils, la polysynodie, échoue rapidement (1718), marquant l'impossibilité d'un retour radical aux formes anciennes de la monarchie. Le Conseil du roi disparaît avec la Révolution, et c'est vainement qu'en 1814 le Premier chancelier de Louis XVIII essaie d'en ranimer les structures.