Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Louis XIII (suite)

Une armée d'invasion de 28 000 hommes tentait alors d'envahir la France depuis les Flandres : elle subit une défaite décisive à Rocroi, le 19 mai 1643. Cette victoire du duc d'Enghien, jeune cousin de Louis XIII, démontrait que les redoutables fantassins espagnols, groupés en tercios, n'étaient plus invincibles. Un succès éclatant de la politique menée par Louis XIII et Richelieu.

Louis XIII a souffert de la comparaison avec son père et avec son fils. C'est néanmoins sous son règne que la monarchie prit des traits qu'elle allait conserver par la suite. Sans doute, Louis le Juste n'avait-il pas une intelligence politique à la mesure de la puissance qu'était alors la France et des dangers qui frappaient l'Europe. Il fit néanmoins, avec beaucoup de conscience et d'application, son métier de roi, sans faste. Il sut montrer beaucoup de fermeté, voire de dureté, dans les épreuves et prendre, à temps, des décisions capitales pour son royaume, en châtiant les mécontents, en déclarant la guerre, en soutenant Richelieu. Ce choix fut essentiel : conscient de ses propres limites, il se donna un Premier ministre d'envergure, qu'il s'employa pourtant à contrôler étroitement. Lui abandonnant la réalité des décisions, il en conservait la responsabilité formelle, maintenant ainsi absolu le pouvoir royal. Mais il détournait vers le Cardinal la colère et la haine des uns, et les critiques des autres, épargnant ainsi le monarque lui-même, qui se réservait, dans les moments difficiles, la capacité de défendre et de protéger son principal conseiller.

Louis XIV

C'est sans doute parce que Louis XIV a, toute sa vie, fait son métier de roi avec application et majesté que, paradoxalement, sa personnalité nous échappe.

Il a même incarné le modèle du roi par excellence, admiré ou détesté, pour les générations qui l'ont suivi. Ayant choisi le Soleil comme emblème, il a été volontiers présenté, non sans complaisance, comme le Roi-Soleil, et cela jusqu'à nos jours. Une telle image simpliste ne peut satisfaire l'historien ; mais le doute s'installe, tant les jugements portés sur le roi et sur ce long règne ont été contradictoires.

Dans les pays qui furent en guerre contre Louis XIV, des polémistes, souvent brillants, multiplièrent les attaques contre la politique française, et cette littérature de combat a dessiné le profil d'un tyran qui voulait réduire l'Europe en esclavage. Les premiers historiens du roi furent souvent des Français réfugiés en Hollande après la révocation de l'édit de Nantes, ce qui ne les prédisposait pas à la bienveillance ; néanmoins, ils essayèrent d'être impartiaux. Voltaire lança le débat plus nettement encore en évoquant un « siècle » de Louis XIV, comme il y avait eu un siècle d'Auguste. À l'opposé, en rédigeant ses Mémoires, le duc de Saint-Simon préparait pour la postérité un tableau terrible du roi, de son entourage et de la cour. À la fin du XIXe siècle, les historiens républicains, tel Ernest Lavisse, adoptèrent une attitude ambiguë : s'ils dénonçaient volontiers les guerres coûteuses, la politique de glorification royale, la persécution religieuse, ils n'étaient pas insensibles à l'affirmation de l'État et de la grandeur nationale. Après la Seconde Guerre mondiale, une vision plus dédaigneuse s'imposa, par exemple avec Pierre Goubert, dans son ouvrage publié en 1966 : le Grand Roi était volontiers placé derrière ses sujets, dont la vie fut souvent difficile, d'autant plus qu'ils durent payer les folles ambitions de leur souverain. Une vision sombre du règne mettait en avant les contraintes imposées à la société, les difficultés économiques, les ridicules de la vie de cour. La relecture de ce règne provient du monde anglais et américain : Ragnhild Hatton et Andrew Lossky, en rappelant les données de la vie internationale, ont montré que les décisions du roi de France qui étaient sévèrement critiquées par les historiens correspondaient en réalité aux réactions normales des princes de ce temps-là - des « collègues » de Louis XIV. Cette réhabilitation a débouché sur la biographie de François Bluche (1986), qui a vu en Louis XIV un « promoteur du despotisme éclairé ». Néanmoins, les réticences demeurent vives pour ce qui est de l'art : le contrôle royal aurait tari bien des sources d'inspiration.

L'enfance et l'éducation du roi

Louis XIV, né le 5 septembre 1638, avait 5 ans lorsqu'il devint roi, le 14 mai 1643, à la mort de son père, Louis XIII. Sa mère, Anne d'Autriche, gouverna comme régente du royaume, mais elle laissa la conduite des affaires au cardinal Mazarin. La France était alors en guerre, comme la plus grande partie de l'Europe. Les traités de Westphalie mirent fin au conflit en Allemagne en 1648, mais l'affrontement continuait entre la France et l'Espagne. À partir de 1648 aussi, le jeune Louis connut la Fronde ; ces péripéties dramatiques contribuèrent sans aucun doute à former son caractère et furent pour l'enfant une rude expérience politique. Déclaré majeur en septembre 1651, Louis XIV fut sacré à Reims, le 7 juin 1654.

Tout au long de ces années, le cardinal Mazarin, parrain du jeune roi, qui était chargé de son éducation depuis 1646, l'initia à sa tâche de souverain mais se garda bien de lui laisser prendre la moindre décision. Le jeune prince apprit aussi de sa mère les manières de vivre à la cour. En revanche, par négligence et en raison des troubles politiques, Louis XIV ne reçut guère d'éducation livresque.

La guerre franco-espagnole prit fin avec le traité des Pyrénées (7 novembre 1659), dont l'une des clauses essentielles prévoyait le mariage du jeune roi avec la fille de Philippe IV, l'infante d'Espagne, Marie-Thérèse. C'était un pari sur l'avenir : le roi de France, un jour, pourrait être amené à réclamer une part de l'empire espagnol ou un droit à la couronne d'Espagne. Louis XIV rencontra son beau-père sur l'île des Faisans, à la frontière franco-espagnole, et le mariage avec Marie-Thérèse fut célébré le 9 juin 1660.

La jeunesse

• La date essentielle du règne de Louis XIV est 1661. La mort de Mazarin, le 9 mars, conduisit le roi à prendre une décision majeure, annoncée le lendemain, celle de ne plus avoir de Premier ministre. Le souverain régnait et gouvernait tout à la fois, ce qui renforçait l'image de la monarchie, tous les pouvoirs étant concentrés dans les mains d'un seul ; mais cela privait le monarque d'un bouclier commode, le mécontentement ne pouvant plus être détourné vers le principal ministre.