Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
A

arbalète,

arme de trait composée d'un fût en bois et d'un arc d'acier dont la corde se bande à l'aide d'un ressort.

Originaire de Chine, où elle est mentionnée dès avant notre ère, l'arbalète ne paraît pas avoir été connue en Occident avant le Ier ou le IIe siècle. Mais l'arbalète « romaine », ignorée des tacticiens latins, fait l'objet d'une utilisation plus cynégétique que militaire. C'est durant le haut Moyen Âge qu'elle devient véritablement une arme de guerre : le roi Lothaire fait ainsi donner un tir nourri d'arbalétriers lors du siège de Verdun en 985. Alors qu'elle reste secondaire dans le monde musulman, l'arbalète joue, à partir du XIe siècle, un rôle de premier plan dans les batailles occidentales : quoique roturière et contrevenant à l'éthique « chevaleresque », elle démontre son efficacité aussi bien lors des combats maritimes que durant les sièges, d'autant que l'arme connaît de multiples perfectionnements : dès le XIIe siècle, les arbalétriers sont munis de grands boucliers, les targes, qui les protègent lors des délicates manœuvres de rechargement (on doit bander l'arme en plaçant les deux pieds sur l'arc) ; à la même époque apparaît le carreau, trait plus court (40 centimètres) et plus trapu que la flèche traditionnelle. Par la suite, l'arbalète à étrier, que l'on peut fixer au sol d'un seul pied, facilite le rechargement.

Le succès de l'arbalète dans les armées européennes, et singulièrement en France, est dû à une efficacité supérieure à celle des arcs courts traditionnels : sur 200 mètres, le carreau peut en effet percer avec précision une épaisseur de bois de 4 à 7 centimètres. À Crécy (1346), Philippe VI de Valois aligne plusieurs milliers de Génois, mais le grand arc gallois montre alors sa suprématie. Jamais les arbalétriers ne pourront réaliser de tels tirs de barrage, ce qui n'empêche pas les armées françaises de continuer à les utiliser durant toute la guerre de Cent Ans. Condamnée par les progrès de l'arquebuse, l'arbalète disparaît comme arme de guerre au XVIe siècle et n'est plus, dès lors, utilisée que dans la chasse et dans la compétition.

Arbogast,

général d'origine franque, maître de la milice (vers 340 - Vénétie 394).

Franc païen banni de sa patrie d'outre-Rhin par des concurrents, il entre au service de l'empereur Théodose vers 380 et devient l'adjoint du maître de la milice, Bauto, Franc comme lui. À la mort de ce dernier (387), il recueille sa charge par acclamation de l'armée et entame la reconquête de la Gaule tombée aux mains de l'usurpateur Maxime (388). Sur l'ordre de Théodose, il devient « régent » de la Gaule, avec le titre de comte, au nom du fils de l'empereur, le jeune Valentinien II : il est un des premiers chefs militaires barbares à exercer le pouvoir de fait sur toute une partie de l'Empire. Valentinien, devenu majeur et ne supportant plus d'être réduit à l'impuissance, tente, sans succès, de se débarrasser d'Arbogast ; le 15 mai 392, on retrouve le jeune empereur pendu dans son palais de Vienne. Arbogast, qui ne peut prétendre à la dignité impériale, crée alors un empereur en la personne du premier secrétaire du palais, nommé Eugène, avec lequel il organise une véritable réaction visant à rétablir le culte des dieux païens et à lutter contre l'influence grandissante des chrétiens soutenus par Théodose. Ce dernier lève alors une immense armée pour reconquérir la partie occidentale de l'Empire : les deux armées se rencontrent aux portes de l'Italie, le 6 septembre 394 (bataille de la Rivière froide) où, après deux jours de combats meurtriers, Eugène est fait prisonnier et Arbogast se suicide.

arbre de la Liberté,

arbre planté à titre symbolique pendant la Révolution française et les révolutions du XIXe siècle.

La plantation des arbres de la Liberté, qui se généralise en 1792, perpétue en la transformant l'antique tradition paysanne du « mai », sans doute d'origine païenne. Avant la Révolution, l'érection du « mai », arbre coupé ou simple poteau décoré, est un rite lié au renouveau, à la fécondité et à la fixation d'accords. Il accompagne les fêtes votives, les récoltes, les mariages, la conclusion d'une affaire ou la construction d'une maison.

Contrairement à une légende couramment racontée, la pratique révolutionnaire ne naît pas le 1er mai 1790, sur l'initiative d'un prêtre de la Vienne, mais en janvier 1790, dans le Périgord et le Quercy, lors des soulèvements paysans pour obtenir l'abolition sans rachat des droits féodaux supprimés depuis la nuit du 4 août 1789. Érigé le plus souvent au terme d'une émeute, le « mai » marque surtout la fin des violences et garantit la conservation de l'ordre nouveau. Cet arbre de la Liberté est officialisé en 1792, lorsque chaque commune est tenue d'élever sous son feuillage un autel de la Patrie, lieu des cérémonies civiques. À partir de l'an II (1793-1794) et sous le Directoire, l'arbre de la Liberté, et parfois de la République, arbre assagi et pédagogue, centre de rassemblement, devient un symbole de régénération et de croissance, un monument national sacré et très protégé contre les attentats perpétrés par les adversaires du régime. Sa plantation, souvent associée aux autres fêtes civiques, donne cependant lieu à une cérémonie spécifique, codifiée, qui fait la part belle à la jeunesse. L'arbre révolutionnaire, greffé sur la culture populaire, mélange d'archaïsme et de nouveauté, annonce l'épanouissement de la religion civique du XIXe siècle, au cours duquel sa résurgence témoigne de la vivacité de sa charge symbolique.

Sous la Restauration, ces arbres sont arrachés par centaines, et souvent remplacés par des croix. Cette liturgie expiatrice et réparatrice, signe de la reconquête catholique, est combattue au lendemain de la révolution de juillet 1830, et les arbres replantés forment autant d'« anticroix ». La révolution de février 1848, qui est suivie d'une éphémère période de fraternisation générale, contraste avec l'anticléricalisme de 1830, car elle donne lieu à une multitude de plantations d'arbres bénis par le clergé. Enfin, malgré la répression antirépublicaine qui, après le coup d'État de décembre 1851, se traduit par un arrachage systématique, l'arbre réapparaît en 1871.