Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
A

Ailly (Pierre d'), (suite)

Parallèlement à son action politique, Pierre d'Ailly rédige nombre d'écrits. Dans ses ouvrages philosophiques et théologiques, il se rattache à l'occamisme (ou « nominalisme modéré »). Dans son œuvre ecclésiologique, il exprime des vues conciliaristes, proposant de tempérer le gouvernement du pape par celui des cardinaux et du concile. Sa contribution scientifique, largement fondée sur la compilation, comprend, entre autres, un projet de réforme du calendrier julien, un traité cosmographique, Imago mundi (lu, plus tard, et annoté par Christophe Colomb), et plusieurs écrits relatifs à l'l'étude des astres, dans lesquels il entend montrer, notamment, que la théologie et l'histoire s'accordent avec l'astrologie.

aînesse,

priorité d'âge entre frères et sœurs justifiant divers privilèges coutumiers apparus entre le milieu du Xe et la fin du XIIe siècle.

Appelés aussi « droit d'aînesse », ces privilèges se fondent, d'une part, sur l'interdiction féodale d'« abréger » le fief afin de préserver la qualité du service militaire dû au seigneur et, d'autre part, sur les valeurs sociales de solidarité et de communauté qui rendent inconcevable la perspective d'une division du patrimoine familial à la mort de son chef. Ces privilèges se sont maintenus jusqu'en 1789 en pays de coutume ; ailleurs, la liberté testamentaire permettait de « faire un aîné », car l'aînesse flattait l'orgueil aristocratique ; elle était « la clé de voûte et la principale colonne de la famille ». Essentiellement nobiliaires, ces privilèges s'appliquent pourtant aux successions roturières dans quelques coutumes (Pays basque, Pyrénées, Manche). Ils gratifient alors l'enfant premier né.

Malgré la diversité coutumière de l'ancienne France, les privilèges d'aînesse des successions nobles se définissent globalement comme des règles applicables seulement en ligne directe avec représentation, au profit du fils premier né, légitime ou légitimé, sauf dans les coutumes de l'Ouest, qui ne distinguent pas selon le sexe. Le droit d'aînesse, dirions-nous aujourd'hui, est « d'ordre public » : il s'impose aux parents, qui ne peuvent disposer librement de leurs biens, ainsi qu'au bénéficiaire, qui ne peut y renoncer.

Ces privilèges sont honorifiques (port des armes familiales, préséance...), mais surtout utiles : l'aîné recueille un préciput, c'est-à-dire les fiefs titrés, la principale habitation familiale et ses dépendances, et, dans certaines coutumes, la « part avantageuse », portion plus ou moins large des autres biens composant l'hoirie. Investi de la majeure partie de l'actif successoral, l'aîné devrait légitimement en assumer le passif ; mais, parce qu'en ancien droit « meubles sont le siège des dettes », il ne lui incombe qu'une part du passif, proportionnelle à la quotité des meubles recueillie.

Abolis dans la nuit du 4 août 1789, leurs effets annihilés par les décrets du 15 mars 1790 et du 8 avril 1791, ces privilèges seront partiellement rétablis en 1808 par Napoléon Ier avec les « majorats ». En 1826, Charles X proposera en vain de renforcer la situation patrimoniale de l'aîné. Les Républiques décideront d'en finir avec cet ultime privilège successoral  : une loi du 7 mai 1849 limitera les possibilités de transmission des majorats ; une autre, en 1905, rachètera leurs droits aux derniers titulaires.

Aix-la-Chapelle (chapelle palatine d'),

oratoire du palais de Charlemagne, construit pour l'essentiel entre 794 et 798. Le mot chapelle vient du latin cappa (« manteau à capuchon »), qui désignait le lieu où était conservé le manteau de saint Martin ; elle est le seul élément du complexe palatial conservé dans son élévation.

Vers 790, Charles Ier le Grand (Charlemagne) décide de s'installer près des thermes d'Aquisgrana, et confie la réalisation d'un palais digne de sa puissance à l'architecte Eudes de Metz. La chapelle en est de forme octogonale, haute de 30,55 mètres sous la voûte. Le bâtiment est chargé d'une forte symbolique. Il se rattache directement aux monuments antiques : colonnes apportées de Rome ou de Ravenne, grilles de fer forgé antiquisantes réalisées par des artisans italiens. Ainsi, le roi franc rivalise-t-il avec l'empereur byzantin.

L'essentiel réside cependant dans le programme théologico-politique véhiculé par la structure même de l'édifice. Le plan centré ainsi que les proportions donnent de la chapelle une image de la Jérusalem céleste. Au premier étage se trouve le trône royal, réplique de celui de Salomon. Charlemagne prend donc place entre le peuple, qui le voit depuis le rez-de-chaussée, et le Christ en majesté, que la mosaïque de la coupole représente adoré par les Vieillards de l'Apocalypse. Avant même son sacre, en 800, s'affirme le césaro-papisme, qui confie au roi le soin de mener son peuple vers la cité céleste. Charlemagne est enterré dans la chapelle en 814. L'empereur germanique Frédéric Barberousse élève son corps en 1165, ce qui équivaut à une canonisation. La relique se trouve depuis 1215 dans une châsse en or.

Aix-la-Chapelle (traité d'),

traité de paix signé le 28 octobre 1748, qui met fin à la guerre de la Succession d'Autriche (1740-1748).

Après une série de défaites (1740-1744), Louis XV remporte plusieurs batailles prestigieuses, dont celle de Fontenoy (1745), et sort victorieux du conflit. En 1748, il se trouve donc en position d'imposer ses conditions aux vaincus. Pourtant, ce traité, signé par la France et l'Espagne d'une part, l'Autriche, l'Angleterre, les Provinces-Unies et la Sardaigne d'autre part, n'apporte rien à la France : Louis XV, alors maître des Pays-Bas, de Madras aux Indes, de Nice et de la Savoie, restitue ces quatre territoires, respectivement, à l'Autriche, à l'Angleterre et à la Sardaigne. Quant à l'Espagne, elle reçoit deux duchés italiens (Parme et Plaisance). Ainsi, le milliard de livres tournois dépensé par le roi de France pour mener cette guerre n'est pas remboursé, malgré la victoire ; qui plus est, Louis XV s'engage à expulser de son royaume le prétendant Stuart et à détruire les fortifications de Dunkerque. Frédéric II, principal bénéficiaire du traité (il obtient la Silésie en Autriche), ne le ratifie pas davantage. Cette excessive modération du « Bien-Aimé » exaspère fortement la population, pour laquelle Louis XV « a travaillé pour le roi de Prusse ».