Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Diderot (Denis), (suite)

Un Sénèque moderne.

• Grimm l'entraîne dans l'entreprise journalistique de la Correspondance littéraire, pour laquelle Diderot rédige, de 1759 à 1781, les comptes rendus de neuf salons de peinture, et esquisse les éléments d'une esthétique nouvelle. Il le pousse aussi à se rendre en Russie pour remercier Catherine II de son aide matérielle : ce voyage mène Diderot à La Haye (1773), puis à Saint-Pétersbourg (1773-1774), et correspond à un approfondissement de sa pensée politique, qui est sensible à travers les Mémoires pour Catherine II et Observations sur le Nakaz. Diderot consacre les dernières années de sa vie à la collaboration avec l'abbé Raynal, qui coordonne une Histoire des deux Indes, à la fois manuel de la colonisation et violent plaidoyer pour l'émancipation des colonies et la libération des esclaves, ainsi qu'à la rédaction d'un Essai sur la vie de Sénèque (1778), devenu Essai sur les règnes de Claude et de Néron. Il y répond indirectement aux Confessions de Rousseau, et propose un autoportrait, sous les traits de Sénèque, philosophe engagé, précepteur puis ministre de Néron.

Les contemporains n'ont connu de Diderot que le maître d'œuvre de l'Encyclopédie, le dramaturge et le philosophe auteur des traités. Plusieurs inédits paraissent sous la Révolution, mais il faudra attendre le XIXe siècle, puis le XXe, pour découvrir l'épistolier des Lettres à sa maîtresse Sophie Volland, le matérialiste radical du Rêve de d'Alembert, et, plus généralement, pour prendre conscience de la diversité et de l'originalité d'un penseur qui joue avec les paradoxes et se plaît à développer une pensée éternellement en mouvement. Aujourd'hui, Diderot est devenu le quatrième grand nom des Lumières, aux côtés de Montesquieu, Voltaire et Rousseau, et à la place de Buffon.

Diên Biên Phu,

site en forme de cuvette dans le nord du Viêt Nam, qui a été le théâtre d'une défaite décisive du corps expéditionnaire français face au Viêt-minh, le 7 mai 1954, prélude à la fin de la guerre d'Indochine.

Pour la France, la bataille de Diên Biên Phu apparaît à la fois comme le terme et le symbole d'une guerre de plus de sept ans, conflit mal engagé, mal conduit, qui a requis des moyens coûteux - et néanmoins insuffisants -, tôt mené sans espoir, tant l'issue inéluctable s'est vite imposée aux forces en présence : la victoire du Viêt-minh, et l'émancipation des colonies d'Extrême-Orient.

En 1953, l'objectif du chef de gouvernement, René Mayer, est de trouver pour les Français une « sortie honorable » du conflit. Le général Navarre, nommé commandant en chef en Indochine en mai, propose un plan pour verrouiller le delta du Tonkin, contenir le Viêt-minh (dont les forces sont commandées par le général Giap) au nord du 18e parallèle, et poursuivre la « pacification » dans le Sud. Ce plan, réaliste mais attentiste, s'avère désastreux pour le moral du corps expéditionnaire engagé dans une guerre généralement jugée ruineuse et impopulaire.

Un choix tactique malencontreux.

• L'armée française, exaspérée par l'attente, cherche l'occasion de porter un grand coup au Viêt-minh. Celui-ci, prenant la mesure de la menace, relance l'offensive au Laos, pour éloigner son adversaire de ses bases du delta : le 13 avril 1953, la chute de Sam Neua lui ouvre la route du Sud. Le général Navarre tombe dans le piège : il décide de livrer une bataille d'arrêt, qu'il veut décisive, et choisit d'installer un camp retranché, très bien équipé, à Diên Biên Phu, le 3 décembre. Le choix du site est récusé par certains experts qui se méfient de cette cuvette isolée, difficile à ravitailler, et bordée de collines où l'ennemi pourra s'abriter. Le commandement français passe outre, doutant de la capacité de Giap d'acheminer des moyens suffisants pour être vraiment menaçant. Le général vietnamien va déjouer ce pronostic : il a compris l'enjeu du combat, majeur pour négocier en position de force à Genève, où des pourparlers sont en cours. Il réussit l'exploit de faire transporter, à dos d'homme, l'ensemble de son artillerie autour de la cuvette, et fait creuser un réseau de tranchées qui permet à ses troupes de relier tous les points d'encerclement. Dès lors, le sort de la bataille est réglé. Noyés sous un déluge de feu, incapables d'enrayer l'avancée de l'adversaire, les soldats du corps expéditionnaire français (constitué de 17 nationalités) perdent une à une leurs positions. En outre, la mise hors d'usage du terrain d'aviation par les canons de Giap bloque leur ravitaillement. Sans l'aide des Anglais et des Américains, qui tablent désormais sur une issue négociée du conflit, les Français ne peuvent résister longtemps. Ils se rendent, le 7 mai 1954, après 57 jours de siège. La victoire est très coûteuse pour le Viêt-minh, dont les pertes s'élèvent à environ 8 000 morts. Sur les quelque 15 000 combattants engagés dans le camp français, on compte 3 000 morts, et près de 10 000 prisonniers, dont seuls 3 900 reviendront de captivité.

L'opinion publique française, tenue en haleine pendant toute la bataille, est abasourdie par la défaite, qui rencontre un retentissement énorme. Le gouvernement Laniel est renversé, et Pierre Mendès France, qui a stigmatisé la politique indochinoise de ses prédécesseurs, est investi, le 18 juin. En outre, la chute de Diên Biên Phu humilie l'armée, et nombre de ses membres en tiendront rancœur au régime. Elle porte donc un coup supplémentaire à la IVe République, contribuant à son affaiblissement. À Genève, les Vietnamiens gagnent leur indépendance. Le prestige de la France est atteint, notamment vis-à-vis des peuples des autres colonies : à Diên Biên Phu, le pays a perdu bien plus que la seule bataille rangée de l'histoire de la décolonisation.

dîme,

impôt correspondant en principe au dixième du revenu, versé par tous les fidèles aux autorités religieuses.

Dans l'Israël ancien, la dîme devait être acquittée à Dieu tous les trois ans. Dans le Nouveau Testament, elle est mentionnée parmi les obligations formelles condamnées par le Christ ; toutefois, l'idée d'un soutien aux guides spirituels réapparaît dès saint Paul. À la fin du IVe siècle, la dîme devient une obligation morale pour les chrétiens, et, en 585, le concile de Mâcon établit la sanction d'excommunication pour ceux qui ne s'en acquittent pas. Au VIIIe siècle, elle se transforme en un véritable impôt, instauré par Charlemagne dans le capitulaire de Herstal (779). Dès lors, les autorités séculières sanctionnent ceux qui manquent à leur obligation. Avec le développement de la féodalité et la mainmise des laïcs sur les biens et charges ecclésiastiques, les dîmes deviennent l'objet de dons, d'inféodations, de partages, le clergé paroissial tombant sous la dépendance matérielle des seigneurs. En outre, l'appropriation ou la construction d'églises paroissiales par les moines aboutit au détournement des dîmes au profit des monastères. De telles situations sont source de litiges entre les branches séculière et régulière de l'Église, comme entre le clergé et les laïcs. La réforme de l'Église au XIe siècle comprend ainsi le contrôle des dîmes. L'usurpation par des laïcs, interdite par Léon IX en 1050, est déclarée sacrilège par Grégoire VII en 1078. Mais la restitution des églises et des dîmes usurpées s'effectue souvent au profit des abbayes ; les anciens propriétaires gardent un droit de patronage et certains revenus. Au concile du Latran IV (1215), un compromis est tenté, demandant le retour partiel des revenus des dîmes aux paroisses, avec un succès variable. En effet, on entérine souvent la possession laïque, l'émiettement réel des dîmes.