Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Fronde (suite)

Pour améliorer et accélérer la perception de l'impôt direct, ou taille, réparti entre les paroisses, le gouvernement eut recours à des commissaires, bientôt appelés « intendants » : ils étaient révocables, et leur mission était temporaire. Ils concurrençaient les officiers de finance qui contrôlaient la répartition de l'impôt. Ils étaient détestés par les autorités locales, les gentilshommes et les officiers du roi, qui ne cherchaient nullement à les défendre, et les désignaient volontiers à la vindicte populaire. Des troubles éclatèrent un peu partout.

Le surintendant Particelli d'Emery s'efforça de trouver de nouvelles ressources en taxant ceux qui étaient exemptés d'impôts. D'où une série de taxes (édit du toisé, 1644 ; taxe des aisés, août 1644 ; édit du tarif, octobre 1646) qui étaient destinées à frapper surtout les Parisiens, car la capitale était exemptée de la taille. Le parlement résista avec vigueur à ces innovations.

Les acteurs de la Fronde

Le mécontentement fut exprimé à la fois par les parlementaires et par la noblesse. En effet, une véritable « guerre d'usure » s'engagea entre la régence et le parlement de Paris. Les parlements critiquaient de plus en plus les deux instruments de la monarchie qu'étaient les intendants et les Fermiers de l'impôt ; ils se présentaient comme les défenseurs des intérêts du peuple, et surtout de Paris, contre des mesures fiscales trop lourdes. Les parlementaires voulaient utiliser leur droit de remontrance pour infléchir la politique gouvernementale et veiller au respect des lois fondamentales du royaume, en s'opposant à toute innovation politique. Bien entendu, ils s'efforçaient par là même de défendre leurs propres intérêts.

La noblesse se fit aussi l'interprète de la colère qui couvait dans les provinces. C'était une réaction habituelle, au nom du « devoir de révolte » (Arlette Jouanna), qui conduisait des gentilshommes à prendre les armes lorsqu'ils pensaient être lésés par le souverain. Les complots avaient déjà été nombreux au temps de Richelieu. Et des membres de la famille royale prirent la tête des oppositions. L'oncle du roi, Gaston d'Orléans, avait été un grand comploteur. La charge de « lieutenant général du roi mineur dans toutes les provinces du royaume » lui avait été conférée au début de la régence. Il s'engagea néanmoins aux côtés des ennemis du souverain. Sa fille, la duchesse de Montpensier, dite « la Grande Mademoiselle », suivit son exemple. Le prince de Condé avait, sous le nom de duc d'Enghien, remporté la bataille de Rocroi en 1643. Célébré comme un héros, il aurait souhaité prendre la tête des armées, mais aussi celle du Conseil royal. Sa sœur, la duchesse de Longueville, aimait l'aventure, et fut l'« âme de la Fronde ». Son frère, le prince de Conti, la suivait en aveugle. Quant au duc de Beaufort, embastillé de 1643 à 1648, il sut se rendre populaire auprès du peuple parisien, en particulier auprès des « dames de la halle ». Tous voulaient participer au gouvernement et écarter ce cardinal italien qui avait la confiance de la reine.

Un ambitieux prélat prit également une part essentielle aux troubles : Jean-François Paul de Gondi. Il était, depuis 1644, coadjuteur (successeur désigné) de l'archevêque de Paris, son oncle. Il s'était fait connaître par ses sermons et pouvait entraîner derrière lui une bonne partie du clergé parisien. Il entendait lui aussi jouer un rôle politique, et au passage obtenir le chapeau de cardinal. Plus tard, il allait rédiger d'admirables Mémoires qui offrent une vision romancée de la Fronde.

La vieille Fronde

Le 15 janvier 1648, le roi fut conduit au palais de justice pour tenir un lit de justice, et faire enregistrer une série d'édits fiscaux préparés par le surintendant Particelli. Mais, dès les jours suivants, le parlement annula la procédure. Mazarin essaya d'amadouer les parlementaires en renforçant leur position face aux autres cours souveraines (Chambre des comptes, Cour des aides, Grand Conseil). Ces cours réagirent néanmoins d'une seule voix, en rendant, le 13 mai 1648, un « arrêt d'union » : elles devaient envoyer des députés tenir une assemblée dans la Chambre Saint-Louis du palais de justice. Ainsi commença la « révolte des juges » (A. Lloyd Moote). Un vieux conseiller au parlement, Pierre Broussel, se distingua par ses attaques contre les ministres.

Dans ce cadre, un texte en 27 articles fut rédigé : les intendants devaient être révoqués (article premier), et aucune levée d'impôts ne devait dorénavant avoir lieu sans le consentement des cours souveraines - cette disposition mettait la couronne sous contrôle (article 3). L'article 6 établissait une règle de procédure garante des libertés individuelles, puisque aucun sujet ne pouvait être emprisonné pendant plus de vingt-quatre heures sans être interrogé. Les personnes détenues sans avoir été condamnées dans le cadre d'un procès devaient être libérées, et leurs biens devaient leur être rendus. Ainsi s'élaborait une forme d'habeas corpus avant la lettre (la fameuse loi anglaise date de 1679).

La régente céda. Au cours du mois de juillet 1648, plusieurs déclarations royales - en particulier celle enregistrée le 31 juillet 1648 en lit de justice - vinrent ratifier les articles de la Chambre Saint-Louis. Une véritable tutelle des cours souveraines sur le gouvernement royal était mise en place, modifiant la définition de la monarchie française au nom de la tradition, au nom d'une fidélité aux lois fondamentales du royaume.

En réalité, Mazarin attendait le temps d'une revanche. Les armées françaises connaissaient alors des succès sur tous les fronts. Lorsqu'on apprit la victoire de Condé à Lens (20 août 1648) contre l'armée espagnole, Mazarin décida de frapper l'opposition des parlementaires en faisant arrêter ses meneurs, le vieux Broussel en tête, le 26 août 1648.

L'émeute éclata alors dans Paris. Les bourgeois s'armèrent. Des affrontements eurent lieu avec les gardes du roi. Le coadjuteur Gondi n'apaisa pas les esprits, bien au contraire. Le 27 août, la capitale se couvrit de barricades. Des parlementaires se rendirent au Palais-Royal, et furent accusés de sédition par Anne d'Autriche. Ils cédèrent, mais, à leur retour au parlement, ils furent molestés ou menacés de mort. Le 28 août, Broussel fut libéré ; le parlement demanda la démolition des barricades, mais les troubles continuèrent. Le calme ne revint que peu à peu, dans les jours suivants.