Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
L

Lorraine. (suite)

À la fin du XVe siècle, la famille de Vaudémont, qui s'était constitué une petite principauté autour de Vézelize et de la colline de Sion (que Barrès nommera la « colline inspirée »), connaît un destin particulier. En 1473, Yolande, fille du roi René d'Anjou et veuve de Ferry de Vaudémont, se voit proposer la couronne ducale par les états généraux de Lorraine. Elle abdique aussitôt en faveur de son fils René, comte Vaudémont, qui devient duc de Lorraine et de Bar. Cette solution se heurte aux ambitions du duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, qui, après de vaines négociations, conquiert Nancy et les duchés. Avec une armée composée d'Alsaciens et de Suisses, René II reprend Nancy (1477), dont il fait sa capitale et où il construit le Palais ducal. Son règne, qui s'achève en 1508, consolide l'existence autonome des duchés.

La réunion à la France (• XVIe-XVIIIe siècle).

En 1552, le roi de France Henri II conquiert les trois évêchés de Metz, Toul et Verdun, avec l'aide d'une famille collatérale de la dynastie ducale de Lorraine, les Guises. L'empereur Charles Quint, affaibli, a reconnu en 1542 l'indépendance du duché à l'égard de l'Empire, et il ne peut reprendre Metz, qui devient une ville royale, place forte et siège de l'intendance des Trois-Évêchés.

Cependant, malgré une pression française constante, les duchés de Bar et de Lorraine connaissent une relative indépendance jusqu'en 1620. Le duc Charles III (1543-1608) embellit Nancy (création de la ville neuve) et fonde l'université jésuite de Pont-à-Mousson. Les duchés sont un point d'ancrage de la Contre-Réforme catholique, alors que le calvinisme a gagné une partie de la bourgeoisie messine. À la suite de l'entrée de la France dans la guerre de Trente Ans, les duchés sont envahis (ce qu'évoque la série de gravures de Jacques Callot, les Misères de la guerre), pillés par les Suédois et les Impériaux, occupés et administrés par les Français, qui rasent les forteresses. Les traités de Westphalie (1648) confirment la possession des Trois-Évêchés par la France, puis le traité des Pyrénées (1659) agrandit les terres françaises (Montmédy et Thionville), au détriment des duchés et des Pays-Bas espagnols. Le duc Charles IV (1604-1675), qui s'est exilé en Autriche, revient en 1661. Mais Louis XIV réoccupe bientôt les duchés, de 1670 à 1698. Au traité de Ryswick, en 1697, le roi accepte le retour du duc Léopold Ier, petit-fils de Charles IV, moyennant la destruction des remparts de Nancy. Puis, à la suite de négociations liées au mariage de Louis XV, se dégage une solution qui donne satisfaction à la France : la dynastie lorraine, dont l'héritier, le duc François III, a épousé la future impératrice Marie-Thérèse d'Autriche, renonce aux duchés en 1737. Ceux-ci sont attribués à vie au beau-père de Louis XV, Stanislas, le roi détrôné de Pologne, qui établit sa cour à Lunéville. Stanislas, qui a dû laisser l'administration des duchés au chancelier Chaumont de La Galaizière, se consacre à l'embellissement de ses États (place Stanislas, à Nancy). À sa mort, en 1766, les duchés sont réunis à la France, mais restent à l'extérieur des barrières douanières du royaume - une survivance du vieil axe lotharingien avec les Pays-Bas autrichiens.

En 1790, l'Assemblée constituante fait disparaître duchés et évêchés, au bénéfice de quatre départements : Meuse, Meurthe, Moselle et Vosges. Le mot « Lorraine » disparaît ; chaque département regarde vers la capitale ; les carrières politiques, administratives et militaires sont nationales. Cette orientation est acceptée par les habitants, qui, à l'exception de quelques familles nobles nostalgiques des anciens ducs, se sentent français.

Un enjeu entre la France et l'Allemagne.

• La guerre franco-allemande de 1870-1871 remet en question une intégration à la nation française qui paraissait « naturelle » et définitive. Le nouvel empire allemand justifie l'annexion de l'Alsace-Lorraine par des arguments historiques (anciennes terres impériales), linguistiques (appartenance des populations à l'aire germanique) et militaires (défense de la frontière de l'Ouest). Les parties annexées de la Moselle (Metz, Thionville et Sarreguemines) et de la Meurthe (Sarrebourg et Château-Salins) forment le « département » allemand de Lorraine (Lothringen), qui inclut des villes (Metz) et des terres francophones (pays messin et Saulnois). Les parties non annexées sont réunies dans le nouveau département de Meurthe-et-Moselle. La frontière passe désormais à moins de 30 kilomètres de Nancy, demeurée, après la perte de Strasbourg et de Metz, la seule grande ville française de l'Est. Le mot « Lorraine » rentre en force dans la langue usuelle, avec des références fréquentes aux provinces perdues, à la « malheureuse Alsace-Lorraine », à la province frontière mutilée. Le culte de Jeanne d'Arc, « la bonne Lorraine », les articles et livres de Maurice Barrès mettent l'accent sur les « vertus lorraines », au premier rang desquelles sont placés le patriotisme et le sens de la frontière. Dans cet esprit, on comprend pourquoi Charles de Gaulle choisit, en 1940, la croix de Lorraine comme symbole de la France libre.

Concernant cette période, deux autres données doivent être soulignées : la militarisation de l'espace, avec la construction de bâtiments et de places fortes, dont les plus puissantes sont celles de Verdun (France) et de Metz (Allemagne) ; l'essor rapide de la grande industrie - le textile (Vosges), l'extraction du minerai de fer et la métallurgie lourde. Les besoins en main-d'œuvre entraînent une importante immigration (d'abord des Italiens, puis des représentants de nombreuses autres nationalités), qui se poursuit pendant la première moitié du XXe siècle et modifie en profondeur la composition de la population.

Pendant la Première Guerre mondiale, la Lorraine se trouve dans la zone des combats (Verdun, 1916) et est partagée durant plus de quatre ans par la ligne de front. En 1918, les « provinces perdues » sont recouvrées ; toutefois, les départements tels qu'ils étaient avant 1870 ne sont pas reconstitués ; l'ex-Lorraine allemande reprend le nom de Moselle.