Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Charles VII le Victorieux ou le Bien Servi, (suite)

Le meurtre du duc de Bourgogne Jean sans Peur en 1419 à Montereau ravive la lutte entre Armagnacs et Bourguignons au profit des Anglais, qui obtiennent du roi l'acceptation du traité de Troyes en mai 1420. Cet accord déshérite le dauphin, jugé indigne de la succession royale, et Charles VI, en donnant la main de sa fille à Henri V, fait du souverain anglais son héritier. Mais les partisans du dauphin refusent ce traité, car le roi ne peut modifier l'ordre de la succession, qui repose exclusivement sur le sang.

Dès la mort de Charles VI en 1422, son fils prend le titre de roi, même s'il ne règne que sur les pays du sud de la Loire. Le royaume de Bourges paraît d'abord condamné, d'autant que l'armée royale subit de graves revers en 1423 (Cravant) et en 1424 (Verneuil-sur-Avre).

Reconquête et renforcement de l'autorité royale.

• La situation militaire s'améliore grâce à l'intervention de Jeanne d'Arc, qui rompt le siège d'Orléans (8 mai 1429). Charles VII est sacré à Reims, le 17 juillet 1429, ce qui lui assure une légitimité populaire. Mais Jeanne échoue devant Paris (septembre 1429), avant d'être arrêtée et brûlée comme hérétique (1431). Pour repousser les Anglais, Charles VII se réconcilie avec le prince le plus puissant du royaume, Philippe le Bon, duc de Bourgogne : signé en 1435, le traité d'Arras brise l'alliance anglo-bourguignonne au profit du roi de France, qui obtient ainsi l'aide militaire du duc. Après la prise de Paris, en 1436, les troupes royales passent à l'offensive. Les progrès sont importants en Île-de-France, définitivement mise à l'abri des attaques anglaises en 1441. Cependant, la résistance anglaise, faible en Normandie, est efficace en Guyenne, et ces deux régions ne sont finalement reconquises qu'en 1450 (bataille de Formigny) et 1453 (Castillon, dernière grande bataille de la guerre de Cent Ans).

Ces victoires sont accompagnées par des réformes. Dès 1438, la pragmatique sanction de Bourges permet à l'Église de France de s'affirmer face au pouvoir pontifical. En 1440, le roi impose son autorité en venant à bout des princes révoltés lors de la Praguerie. Une armée permanente est mise sur pied, grâce à la constitution des compagnies d'ordonnance (1445) et des francs-archers (1448). En outre, Charles VII modernise le système judiciaire et organise la rédaction des coutumes (1454). Conseillé par Jacques Cœur, le roi montre également sa puissance dans le domaine fiscal, obligeant de nombreux princes récalcitrants à lever des aides à son profit. Sous l'influence de Charles VII, l'État moderne progresse, alors que, parallèlement, le sentiment national se développe. Ce monarque n'est donc pas le roi faible que l'on a souvent décrit. Ce n'est certes pas un homme de guerre, mais il a su conduire, sans s'exposer directement, les dernières campagnes. S'il est parfois indécis et facilement influençable (il est conseillé principalement par sa belle-mère, puis par sa maîtresse, Agnès Sorel), il peut pourtant être ferme quand les circonstances l'exigent. Habile négociateur, il sait s'entourer intelligemment et manœuvrer au plus juste.

Les dernières années de règne de Charles VII sont assombries par des dissensions avec le dauphin Louis (futur Louis XI), qui épouse, en 1451, Charlotte de Savoie contre l'avis de son père. Louis se réfugie en 1456 auprès du duc de Bourgogne et Charles VII meurt le 22 juillet 1461 sans avoir revu son fils.

Charles VIII,

roi de France à partir de 1483 (Amboise 1470 - id. 1498).

Trajectoire curieuse et ambiguë que celle de Charles de Valois, fils de Louis XI et de Charlotte de Savoie, élevé loin de son père et de la cour, roi à 13 ans, mort à 28, et dont on retient surtout qu'il mobilisa toutes les forces de son royaume pour des aventures italiennes, qui, après avoir fasciné la noblesse française et son souverain, marquèrent l'histoire de France pendant plus d'un demi-siècle.

L'héritier d'un royaume uni

• . Pendant la minorité du jeune Charles, la régente Anne de Beaujeu, sa sœur aînée, contrôle habilement les velléités rebelles des grands féodaux et intègre définitivement l'héritage bourguignon au royaume. En 1491, le premier acte de Charles VIII est d'entrer en guerre contre la Bretagne pour contraindre la duchesse Anne à annuler son mariage avec le futur empereur Maximilien de Habsbourg et à l'épouser. Le duché n'est pas encore rattaché à la couronne mais toute menace d'encerclement par les Habsbourg disparaît. À la tête d'un État dont les contemporains admirent l'unité, la richesse et la fidélité du peuple au souverain, Charles VIII, héritier des droits de la dynastie angevine sur Naples, tourne alors ses pensées vers une Italie aussi prospère que divisée. Toutefois, le roi de Naples étant aussi, théoriquement, roi de Jérusalem, le Roi Très-Chrétien déclare que son but ultime est la croisade contre les Turcs, dont la menace se fait toujours plus pressante. L'historiographie n'a longtemps vu dans ces ambitions que les rêves chevaleresques d'un jeune homme manquant de maturité politique. Reste qu'une certaine logique y présidait, au regard des liens économiques traditionnels avec la Péninsule et des importantes ressources financières et humaines de la France.

L'aventure italienne

• . Le jeu des rivalités entre les différents petits États de la Péninsule assure au roi le soutien politique ou financier des ducs de Milan et de Savoie, ainsi que la neutralité bienveillante du pape Alexandre VI Borgia. Une armée d'une puissance inégalée à l'époque est rassemblée, et Charles VIII conclut en 1492 et 1493 des traités avec le roi d'Angleterre, l'empereur Maximilien et les rois d'Espagne : il paie la neutralité anglaise au prix fort et sacrifie maints territoires disputés (villes de l'Artois et Franche-Comté à Maximilien ; Roussillon et Cerdagne aux Rois Catholiques). Charles prend le titre de « roi de Naples » à partir de mars 1494 et, à l'encontre des habitudes de son père, il se met en personne à la tête des troupes qui franchissent les Alpes le 2 septembre 1494. Cette campagne d'Italie ressemble fort, dans un premier temps, à une promenade militaire : Charles VIII fait son entrée à Rome le 31 décembre et à Naples le 22 février. Pourtant, dès le mois de mars 1495, tous les États italiens, appuyés par Ferdinand d'Aragon, s'allient contre les « Barbares » français. Si des garnisons et un « vice-roi » restent dans le royaume de Naples, l'heure de la retraite a pourtant sonné. L'armée française se heurte à celle des coalisés à Fornoue, le 6 juillet 1495 : très inférieures en nombre, les troupes royales ne doivent qu'aux charges fougueuses de la cavalerie lourde et aux erreurs tactiques de l'adversaire de l'emporter, ou, plutôt, de se frayer un passage vers les Alpes. Au traité de Verceil, en septembre, est signée une paix fragile qui n'évoque pas le royaume de Naples où les troupes françaises perdent pied peu à peu.