Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Napoléon (Jérôme Joseph Charles Paul Napoléon, dit le prince), (suite)

• Après la mort de l'empereur déchu, en 1873, le prince Napoléon demande en vain à l'impératrice Eugénie qu'on lui confie l'éducation du prince impérial. Il rompt alors avec le parti bonapartiste, dont il déplore la dérive conservatrice, et se fait élire député républicain de Corse. Mais, à la mort du prince impérial en 1879, il reprend la direction du parti. Rapidement, cependant, les caciques n'acceptent pas l'anticléricalisme du prince Napoléon ni son ralliement à la forme républicaine des institutions. Ils parviennent à se concilier le fils du prince, Victor, qui se proclame prétendant en 1884. Le parti est scindé en deux et les « jérômistes » n'y représentent qu'une poignée de fidèles. En 1886, la loi d'exil des princes des anciennes familles régnantes le contraint à regagner Prangins aux cris de « Vive la République, quand même ! ». Son dernier acte politique est le soutien qu'il accorde au général Boulanger en 1888, avec le vain espoir de préparer son propre retour au pouvoir à la tête d'une République consulaire.

Narbonnaise,

nom donné par les Romains à la première région qu'ils occupèrent en Gaule, et qui correspond approximativement au Languedoc, au Roussillon, à la Provence et au sud de la région Rhône-Alpes.

Dès le VIIIe siècle avant J.-C., les populations du littoral méditerranéen entretiennent des relations commerciales avec le monde des civilisations urbaines - Étrusques, Phéniciens, Carthaginois, Grecs (qui fondent Marseille en 600), puis bientôt Romains. Les matières premières locales sont échangées contre des produits de prestige - vaisselle de luxe, vin, etc. Ainsi se développe, sur tout le littoral, une civilisation proto-urbaine, qualifiée parfois de « civilisation des oppidums », car on assiste à l'émergence de véritables villes, aux murailles de pierres sèches et à l'urbanisme strict - telles Nages, Ensérune, Lattes, Ambrussum, Entremont, Martigues, etc. L'influence de la Grèce et de Rome s'y fait sentir dans l'architecture et dans la vie quotidienne.

Cette région, qui reliait par voie de terre l'Italie à l'Espagne, ne pouvait qu'attirer la convoitise de Rome, d'autant que les populations indigènes menaçaient parfois Marseille et qu'elles avaient favorisé le passage d'Hannibal en 218 avant J.-C. La conquête, brutale, est menée entre 125 et 121 avant J.-C., notamment par le consul Domitius Ahenobarbus, qui laissera son nom à une grande route côtière, la via Domitia. Les peuples locaux sont soumis (Allobroges, Helviens, Voconces, Salyens, Volques), les Arvernes qui les appuyaient, défaits, et une ville romaine implantée de toutes pièces, Narbonne. La région, qui s'étend au nord-est jusqu'au lac Léman, porte d'abord le nom de Gaule Transalpine (la Cisalpine désignant alors le nord de l'Italie). Des proconsuls l'administrent, dont César, qui s'en servira de base arrière pour la conquête du reste de la Gaule entre 58 et 51. Elle devient une véritable « province » romaine sous Pompée et prend en 27 avant J.-C., sous Auguste, le nom de Narbonnaise, tout en restant placée sous la juridiction du sénat alors que le reste de la Gaule dépend de l'empereur. La romanisation sera particulièrement forte dans cette région et y laissera de nombreux monuments urbains, ainsi que la culture de la vigne. Au IVe siècle, l'ensemble de la Gaule est divisé en deux diocèses. La Narbonnaise, divisée elle-même en deux provinces (Narbonnaise Ire et IIe), est rattachée au diocèse de la Viennoise, avec Arles comme capitale.

nation

Le terme « nation » est un guêpier sémantique. Au Moyen Âge, il désigne souvent des groupements dont la base n'est pas uniquement ethnique, et son sens actuel n'est guère présent avant le XVe siècle. C'est que la nation est affaire de représentation plus que de linguistique. Elle est une construction imaginaire dont les éléments constitutifs sont variables : une identité ethnique (en partie fictive), une identité religieuse, une longue histoire commune, une langue ou une culture.

Enfin, à partir de l'époque moderne, la plupart des communautés nationales coïncident avec des États. Alors qu'auparavant l'attachement national reposait prioritairement sur la terre, la foi et la dynastie, la plupart des nations modernes exigent du citoyen le dévouement à une forme bien précise d'État, la république. Aussi un certain nombre de politologues refusent-ils de parler de nation avant 1789, plus attentifs à la rupture qu'à l'évolution multiséculaire du phénomène.

La nation sous l'Ancien Régime

Les nationes sont apparues lors des grandes invasions barbares. Issue de la dissolution de l'Empire romain, la natio franque est un peuple pieux et guerrier supposé descendre d'un même ancêtre, pourvu de rois glorieux qui luttent contre les ennemis de Dieu : « Vive le Christ qui aime les Francs », proclame la loi salique. Les premiers sentiments d'appartenance privilégient le peuple doté d'un rôle dans la Chrétienté, mais pas forcément d'un territoire propre. Plus tard, l'Empire carolingien, qui s'affirme à la fois franc et romain, regroupe tous les chrétiens face à l'Orient et à l'Islam. La période féodale produit un considérable émiettement politique : on ne parle plus guère alors de nation, mais de Chrétienté sous l'égide du pape. Il faut attendre les XIIIe-XVe siècles pour voir les nations resurgir de façon nette, à des rythmes très variables. Là où l'État monarchique s'établit précocement, en Europe de l'Ouest (France, mais aussi Angleterre, Castille), il sait très vite focaliser sur lui les loyalismes et valoriser l'identité nationale : l'image de soi est idéalisée, et l'image de l'autre, dépréciée. Inversement, plus on va vers l'Empire et vers l'Est, plus l'État est inefficace, et l'identité nationale, tardive.

À l'Ouest, dès le XIIIe siècle, des dynasties stables s'installent. À chaque nation correspond un territoire aux limites à peu près fixées. Le rex Francorum (« roi des Francs ») devient « roi de France » au milieu du siècle. Succédant aux marches indécises, la notion de frontière continue fait son apparition ; les ordonnances royales sont valables jusqu'aux quatre fleuves (Escaut, Meuse, Saône, Rhône). De tout point du territoire, on peut, de degré en degré, faire appel à la justice du roi ou être convoqué à l'armée. La nation française acquiert alors deux de ses caractères fondamentaux : la territorialité et la souveraineté. Le roi y est dit « empereur en son royaume ».