Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Dagobert Ier,

roi des Francs de 629 à 639 (vers 605 - Saint-Denis 639).

Le règne de Dagobert.

• Dès 623, afin de satisfaire le particularisme de l'aristocratie austrasienne, Clotaire II associe son fils Dagobert au pouvoir et le fait roi d'Austrasie. Envoyé à Metz, le jeune roi est confié à l'évêque Arnoul et au maire du palais, Pépin de Landen. Jusqu'en 629, ces deux tuteurs lui assurent le soutien de l'aristocratie austrasienne et l'encouragent dans sa politique d'expansion territoriale vers l'est. En 629, à la mort de son père, Dagobert hérite des royaumes de Bourgogne et de Neustrie, et, en 632, il récupère l'Aquitaine, jusque-là aux mains de son frère Charibert. Pour satisfaire les particularismes aristocratiques régionaux, Dagobert nomme ses fils Sigebert III (632) et Clovis II (634) à la tête des différents royaumes, tout en conservant la réalité du pouvoir. Ses dix années de gouvernement sont dominées par la volonté de rétablir l'unité de la Gaule autour de la Neustrie et par le désir de renforcer la domination franque à la périphérie du royaume, notamment à l'est. Dagobert fixe sa résidence et son pouvoir à Paris et dans les villae royales de la région parisienne (Creil, Compiègne, Clichy, Nogent). Son principal conseiller est le Neustrien Aega, maire du palais ; mais il gouverne aussi avec l'aide de jeunes aristocrates, issus tant de la noblesse méridionale (Éloi ou Didier, ses trésoriers) que de la noblesse franque (le Neustrien Dadon, son chancelier, ou l'Austrasien Wandrille, juge palatin). Avec leur aide et celle des comtes et des évêques, Dagobert s'efforce de consolider l'unité du royaume en soumettant l'aristocratie guerrière et en intégrant les peuples d'outre-Rhin au royaume franc : le roi exerce un contrôle direct sur le duc des Alamans et le duc des Thuringiens ; il intervient à maintes reprises en Bavière pour lutter contre les incursions bulgares et mène plusieurs campagnes contre les Slaves, au-delà de l'Elbe. Dagobert obtient aussi vers 630 la soumission des Frisons, celle des Basques et celle du roi breton Judicaël. Cette extension du royaume demeure précaire, mais elle garantit au roi un rayonnement dont le signe est la reconnaissance de sa puissance par l'empereur de Byzance Héraclius Ier.

L'élaboration du mythe.

• Le souvenir du roi serait demeuré modeste sans l'élaboration d'une légende posthume, qui associe durablement le roi aux saints évêques et à la basilique Saint-Denis. De son vivant, Dagobert soutient en effet les efforts missionnaires des évêques et s'entoure d'officiers palatins qui terminent souvent leur carrière dans l'épiscopat et la sainteté. Dans les récits hagiographiques, le roi se retrouve ainsi associé à saint Éloi, évêque de Noyon, saint Didier, évêque de Cahors, ou saint Ouen, évêque de Rouen. Par ailleurs, Dagobert favorise la basilique Saint-Denis, jusque-là sanctuaire secondaire : il embellit l'église, ordonne la réalisation d'une somptueuse châsse pour les reliques du saint et de ses compagnons, et décide de s'y faire inhumer, plutôt qu'à Saint-Vincent-de-Paris, nécropole de ses prédécesseurs. Par la suite, les moines de Saint-Denis, liés aux Carolingiens, puis aux Capétiens, donnent toute son ampleur à la figure de Dagobert : l'essor de l'abbaye s'accompagne de la glorification du roi. Vers 830, on y rédige les Gesta Dagoberti, éloge des hauts faits et de la piété du roi considéré désormais comme le fondateur de l'abbaye. Par de savantes constructions généalogiques, on cherche à établir la parenté de saint Arnoul (vers 582-vers 640), ancêtre des Carolingiens, et de Dagobert, contribuant ainsi à légitimer la substitution dynastique des Carolingiens aux Mérovingiens en 751. Sous les Capétiens, de nouvelles constructions généalogiques font de Dagobert le père des rois de France. Sous l'abbatiat de Suger (1122-1151), la liturgie de l'anniversaire du roi est enrichie, et, vers 1250, Saint Louis, qui réorganise alors la nécropole, lui fait élever un majestueux tombeau. Les Grandes Chroniques de France, rédigées à Saint-Denis, célèbrent sa sagesse et sa piété. Enfin, aux XIVe et XVe siècles, la figure de Dagobert devient une arme politique dans le conflit dynastique qui oppose les Valois aux rois d'Angleterre. Peu à peu intégrée à la culture populaire, elle connaît son dernier avatar dans la chanson folklorique qui apparaît dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Daladier (Édouard),

homme politique (Carpentras, Vaucluse, 1884 - Paris 1970), président du Conseil en 1933, 1934 et 1938-1940.

Fils de boulanger, boursier, agrégé d'histoire en 1909, Édouard Daladier débute dans la vie politique en tant que maire de Carpentras, en 1912. Mobilisé en 1914, il est trois fois cité, et termine la guerre avec le grade de lieutenant. Élu député en novembre 1919 sur une liste radicale, il fait figure d'opposant au Bloc national. La victoire du Cartel des gauches lui permet d'accéder à des responsabilités ministérielles de 1924 à 1926. Après la formation de la coalition dite « d'Union nationale », qui regroupe, à partir de 1926, le centre, la droite et les radicaux, Daladier se prononce en faveur du retrait des ministres radicaux du gouvernement, s'opposant ainsi au président de son parti, Édouard Herriot. Il arrive à ses fins au congrès d'Angers, en novembre 1928. Cette ligne de gauche est maintenue pour les élections de 1932, à l'issue desquelles, grâce à une alliance électorale des socialistes et des radicaux, ces derniers se retrouvent au pouvoir.

Président du Conseil de janvier à octobre 1933, Daladier ne parvient pas, étant donné les désaccords au sein de sa majorité, à résoudre les graves problèmes financiers que pose au pays la dépression économique. À la suite de la démission de Camille Chautemps, Daladier, appelé de nouveau à la présidence du Conseil en janvier 1934, tente de s'opposer à l'action des ligues, mais il doit, à l'issue de la journée du 6 février 1934, donner sa démission, alors que se reconstitue une majorité d' « union nationale ». Dès lors, il milite pour l'adhésion au Front populaire, considéré avant tout comme un rassemblement antifasciste. Ministre de la Guerre dans les gouvernements dirigés alternativement par Léon Blum et Camille Chautemps de juin 1936 à avril 1938, il œuvre activement en faveur du réarmement. Rappelé à la tête du gouvernement en avril 1938, il se préoccupe surtout de la reprise économique, qui lui semble la condition nécessaire au réarmement, et parvient à un aménagement de la semaine de quarante heures, au prix d'un infléchissement vers la droite de sa majorité. Sans illusions, dans le domaine extérieur, et par souci de sauvegarder l'alliance franco-britannique, il signe les accords de Munich, en septembre 1938, mais prône une ligne de fermeté à l'égard de Hitler à partir de l'hiver 1938-1939. Toutefois, après l'entrée en guerre, par suite de la mise en œuvre d'une stratégie purement défensive, il fait figure d'attentiste, et doit quitter la présidence du Conseil en mars 1940. Après la débâcle des armées françaises, partisan d'un départ vers l'Afrique du Nord, il s'embarque sur le Massilia. À son retour en métropole, il est arrêté sur ordre du gouvernement de Vichy, incarcéré, traduit devant la cour de Riom, puis déporté en Allemagne de 1943 à 1945. Après la guerre, Daladier retrouve son siège de député en 1946. Mais, hostile à la Constitution de 1958, il est battu aux élections de novembre 1958, et se retire de la vie politique.