Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

comte,

titre donné, au Bas-Empire romain, à des fonctionnaires régionaux, puis dignité, devenue héréditaire au cours de la constitution des principautés féodales, et, enfin, titre nobiliaire honorifique.

Le terme « comte » (du latin comes, « compagnon ») désigne d'abord, à partir du IIIe siècle, divers fonctionnaires de l'administration centrale de l'Empire romain, avant de s'appliquer à des fonctionnaires régionaux. Ce n'est qu'à partir du Ve siècle que ce titre est donné aux représentants de l'autorité publique dans les provinces : il est probable qu'il y a eu alors un comte dans la plupart des cités. Au VIe siècle, dans le royaume des Francs, le comte est le représentant direct du roi, qui le nomme librement et peut le révoquer. Souvent issu de l'aristocratie gallo-romaine, il est le principal juge public dans son ressort territorial ; il exécute les sentences et est responsable du maintien de l'ordre. Chef militaire des hommes libres, c'est lui qui lève les impôts, contrôle les douanes et veille à la gestion des biens fiscaux - c'est-à-dire des biens qui appartiennent au roi -, dont une partie est mise à sa disposition en rémunération de sa charge. L'hérédité de la charge comtale dans certaines familles de l'aristocratie apparaît dès le VIe siècle, mais elle n'est officiellement reconnue que par l'édit de Paris (18 octobre 614). C'est également dans la première moitié du VIIe siècle qu'est attestée la présence, dans l'entourage royal, du « comte du palais », un officier de l'administration centrale qui assiste le roi dans l'exercice de la justice. Mais, lorsque la fonction royale s'affaiblit, après 650, la charge comtale disparaît peu à peu.

La constitution de dynasties puissantes.

• Ce sont les Carolingiens qui rétablissent les comtes afin d'en faire de véritables agents de leur politique dans les provinces. Ils sont choisis parmi l'aristocratie locale ralliée à la nouvelle dynastie ou bien « déplacés » par le roi d'un bout à l'autre du royaume. C'est ce « brassage » des familles comtales qui donne naissance à l'« aristocratie d'empire », caractéristique du monde carolingien du IXe siècle. Le comte carolingien a les mêmes attributions que celui de l'époque mérovingienne : il est le délégué permanent de l'autorité royale. Il n'existe guère de pouvoir intermédiaire entre lui et le roi, même si Charlemagne a fait surveiller ses comtes par des enquêteurs (les missi dominici). En rémunération de sa fonction, le comte jouit des revenus d'une partie des terres fiscales qui constitue, avec sa charge, ce qu'on appelle l'honor comtal. Les comtes pourvus des honores les plus prestigieux et les plus rémunérateurs vont devenir très puissants ; ils parviennent, dans la seconde moitié du IXe siècle, à cumuler plusieurs charges comtales et à en faire reconnaître l'hérédité. De ce fait, se considérant de moins en moins comme des fonctionnaires du roi, ils ont tendance à mener une politique de plus en plus indépendante. Aussi, le cumul de comtés est-il le fondement des principautés territoriales du Xe siècle ; certains princes, tel le comte de Flandre, ne porteront pas d'autres titres que le titre comtal.

La diffusion du titre comtal.

• à partir du XIe siècle, cependant, certains officiers subalternes du comte, tels le vicomte ou le viguier, peuvent se rendre indépendants en s'appuyant sur la possession de plusieurs forteresses et prendre à leur tour le titre comtal : c'est le cas du comte d'Anjou et du comte de Blois. peu à peu, tous les comtes sont englobés dans la nouvelle hiérarchie féodale qui structure le royaume de France, et dans laquelle ils tiennent une des premières places. Au XIIIe siècle, on distingue parmi eux les six pairs de France qui siègent à la cour du roi pour rendre la justice. À partir de la fin de ce siècle, les comtes perdent les droits de souveraineté qu'ils exerçaient sur leurs comtés, droits qui sont repris par le roi en échange de privilèges considérables, tels que l'exemption fiscale et le quasi-monopole de certains emplois. Enfin, à partir du XVIe siècle, la vénalité des charges s'étendant aux seigneuries, le roi vend le titre comtal par lettres patentes, et, au XVIIIe siècle, par simple brevet, qui n'a de valeur que pour l'acquéreur et n'est pas transmissible à ses enfants.

Comte (Auguste),

philosophe, fondateur du positivisme (Montpellier 1798 - Paris 1857).

Entré en 1814 à l'École polytechnique, Comte est renvoyé deux ans plus tard avec sa promotion, et l'École, considérée comme un foyer de rébellion, est fermée. Il subsiste alors en donnant des leçons particulières, puis devient secrétaire de Saint-Simon, dont il rédige en partie le Système industriel (1820-1822). Mais il s'en éloigne pour développer ses propres théories et, dès 1826, ouvre dans son appartement un « Cours de philosophie positive », qu'il publie à partir de 1830. Un moment interné, en proie à des difficultés conjugales et financières, il poursuit cependant l'élaboration d'une doctrine qui vise à repenser, puis à réorganiser scientifiquement la société : le tome IV du Cours fonde la sociologie. Critiqué par ses collègues, mais soutenu à l'étranger par Stuart Mill, Comte cherche à convertir les prolétaires à ses théories en ouvrant un cours public et gratuit d'astronomie, à partir duquel il publie en 1844 le Discours sur l'esprit positif, résumé de sa doctrine. Accueillant la révolution de 1848 comme un événement capital, il déploie alors la philosophie positive en « positivisme », avec le soutien de Littré ; il crée la Société positiviste, puis ouvre en 1849 un cours populaire et gratuit sur l'histoire générale de l'humanité.

Marqué par la rencontre et la mort précoce en 1846 de Clotilde de Vaux, il prolonge le positivisme en religion de l'humanité : un système de commémoration et un culte sont détaillés dans le Calendrier (dont l'an I est 1789) et le Catéchisme positiviste, théorisés dans le Système de politique positive, dont le tome I paraît en 1851. L'inflexion de sa doctrine et son ralliement à Louis Napoléon Bonaparte divisent les positivistes et isolent progressivement Comte, qui rompt avec Littré, hostile au coup d'État. Napoléon III ne s'étant pas converti au positivisme, le philosophe dénonce le « mamamouchi » et voit son cours interdit en 1852. Les tomes II à IV du Système de politique positive (1852-1854) paraissent dans l'indifférence générale, ainsi que l'Appel aux conservateurs (1855), où catholiques et positivistes sont invités à s'unir provisoirement. Comte meurt le 5 septembre 1857.