Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
E

européenne (construction). (suite)

Dans les années 1969-1973, les difficultés du système monétaire international conduisent à la mise en place d'un système monétaire européen stable, à l'intérieur duquel les monnaies deviennent de plus en plus solidaires, fluctuant à l'égard du dollar dans un même rapport, jusqu'à la crise de l'été 1993. Entre-temps, une nouvelle étape a été franchie lors du sommet de Madrid de juin 1989 : les pays de la CEE, au nombre de douze depuis l'adhésion de la Grèce (janvier 1981), de l'Espagne et du Portugal (janvier 1986), ont décidé de créer une Union économique et monétaire dotée d'une monnaie unique (l'euro) qui voit le jour au 1er janvier 1999, tandis que l'euro entre en circulation au 1er janvier 2002. L'Europe communautaire s'est encore élargie en janvier 1995, passant de douze à quinze membres (Finlande, Autriche et Suède), puis au 1er mai 2004 à vingt-cinq membres (Estonie, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Pologne, Slovaquie, Slovénie, République tchèque, Chypre et Malte).

À côté de l'Union européenne, d'autres organisations fonctionnent. Le Conseil de l'Europe accueille les pays de l'Est européen en quête de reconnaissance internationale. L'OECE s'est transformée en 1960 en OCDE, organisation économique rassemblant les grands pays industrialisés. Quant à l'Union de l'Europe occidentale (UEO), elle cherche une nouvelle légitimité dans le cadre d'une défense européenne commune. Une Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), issue de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) tenue à Helsinki en août 1975, rassemble en outre tous les pays d'Europe, les États-Unis et le Canada, en vue de préserver le statu quo frontalier en Europe. L'Association européenne de libre-échange (AELE), créée en 1959, perd progressivement son objet avec l'intégration des pays qui en sont membres dans les institutions communautaires. L'Union européenne à vingt-cinq émerge désormais comme le pôle de rassemblement de tous les États européens.

Les enjeux de l'unité européenne.

• Ce n'est pas l'idéal qui a fait l'unité européenne mais l'intérêt pour un grand marché unique. L'Acte unique européen de 1986 et la promesse de la monnaie unique ont permis d'atteindre cet objectif. Aussi, la légitimation du processus d'unité passe-t-elle par l'élévation du niveau de vie des Européens et par la lutte contre le chômage.

L'unité européenne a servi les intérêts du libéralisme économique et permis de contourner les protectionnismes nationaux. Les Américains ont donc approuvé le Marché commun. Cependant, alors que l'Europe est invitée, dans le cadre du GATT, à s'aligner sur le modèle américain, les défenseurs d'une identité économique, culturelle et sociale européenne demandent la prise en compte de cette spécificité.

L'unité de l'Europe occidentale était liée, à l'origine, à la défense du « monde libre » contre la menace soviétique. Ce ciment a disparu, ouvrant l'Europe unie sur l'espace géographique européen traditionnel. S'il a constitué une avancée importante, l'élargissement de 2004 à dix nouveaux membres a aussi suscité nombre d'interrogations. Comment intégrer à un marché unique des économies faibles ? Comment gérer vingt-cinq pays au lieu de quinze ? Comment rassembler dans l'Union des pays issus du système communiste ou marqués par une culture différente ?

L'Union européenne saura-t-elle relever les défis technologiques et scientifiques du XXIe siècle ? La Commission de Bruxelles a choisi de favoriser la coopération scientifique et technique intereuropéenne. Mais l'Union n'a pas donné d'impulsion suffisante aux industries de l'espace, à l'informatique et à la génétique. Dans le domaine des sciences humaines, elle gagnerait à promouvoir la recherche sociologique, historique et culturelle pour mieux définir les conditions dans lesquelles les peuples européens peuvent vivre ensemble.

Les enjeux de l'unité sont également institutionnels. L'Europe sera-t-elle administrée par un gouvernement fédéral ou par une commission de délégués des États ? Le débat sur la CED ou l'APE, la politique de Charles de Gaulle, le vote difficile du traité de Maastricht, ont montré combien la France craignait les abandons de souveraineté. D'autres nations sont tout aussi hésitantes, telle la Grande-Bretagne, qui a obtenu que des mesures dérogatoires en matière sociale et monétaire soient inscrites dans le traité de Maastricht. L'unité européenne bute donc sur la question de la souveraineté nationale. En outre, elle apparaît comme un concept manipulé par les États-nations au gré de leurs intérêts : la Grande-Bretagne a adhéré au Marché commun dans l'espoir de fortifier ses échanges commerciaux avec le continent. De Gaulle a accepté ces institutions pour mieux imposer à Adenauer son projet d'union politique et pour satisfaire les agriculteurs français. Le rejet par référendum en France et aux Pays-Bas du projet de traité constitutionnel européen en 2005 marque un coup d'arrêt à la construction politique de l'Europe.

L'unité de l'Europe est aussi un enjeu des relations internationales. Depuis le reflux colonial, l'Europe doute de son destin. Doit-elle se distinguer du monde atlantique, du reste du monde libéral et industrialisé ? L'Union européenne a choisi de ne pas s'isoler. Elle a signé des accords d'association avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Elle se montre soucieuse de peser dans les relations internationales mais n'a pas su prévenir les convulsions des nouveaux États européens, ni répondre aux besoins en matière de développement des pays de l'Est européen. Elle ne sait guère non plus réagir aux nouvelles menaces intégristes et terroristes. Elle n'a pas su inventer une réponse cohérente au fléau du chômage. En revanche, les pays membres ont inscrit dans le traité de Maastricht une Politique européenne de sécurité commune (PESC). Mais l'Europe unie peut-elle agir en dehors de l'OTAN ? Une défense européenne au sein de l'OTAN n'est pas crédible si l'Europe ne dispose pas des instruments militaires adéquats. Les désaccords persistants sur le degré d'autonomie de l'Europe unie au sein de la communauté atlantique limitent son influence dans les relations internationales. La crise de 2003 au cours de laquelle les pays de l'UE se sont montrés divisés face à l'intervention américaine en Irak, la France, l'Allemagne et la Belgique s'y opposant, a révélé au grand jour l'ampleur de ces désaccords.