Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
V

Versailles (traité de) [28 juin 1919], (suite)

Le sort inquiétant de l'Allemagne.

• Enfin, troisième et dernier paradoxe : l'Allemagne, bien que châtiée le plus durement, n'est pas démembrée. Cependant, toute reconstitution de sa puissance militaire lui est interdite et elle doit accepter d'importantes amputations territoriales : perte des colonies, restitution de l'Alsace-Lorraine à la France, attribution de la Posnanie et de la Prusse occidentale à la Pologne, établissement du corridor de Dantzig séparant la Prusse orientale du reste de l'Allemagne... En outre - clause particulièrement insupportable -, l'article 231 du traité la rend responsable de la guerre, ce qui implique des réparations morales et financières. Aussi, les Allemands protestent-ils avec énergie : pour la majorité d'entre eux, le traité de Versailles est un diktat, qui ravit à leur pays son statut de grande puissance. De plus, nombre d'Allemands ont l'impression de n'avoir pas été vaincus sur le champ de bataille, mais du fait des agissements de « traîtres intérieurs » : socialistes, juifs, ou les deux. L'association des thèmes du « coup de couteau dans le dos » et du « diktat » aura de très graves conséquences dans le futur.

Clemenceau déclarait le 28 septembre 1919, dans son discours de ratification du traité : « Il ne faut pas oublier que ce traité si complexe vaudra par ce que vous vaudrez vous-mêmes. Il sera ce que vous le ferez... Ce que vous allez voter aujourd'hui, ce n'est pas même un commencement, c'est le commencement d'un commencement. » Le traité de Versailles a bien donné naissance à une paix mort-née et à la Seconde Guerre mondiale. Et l'on peut considérer que l'Europe a connu, entre 1914 et 1945, une « guerre de trente ans ». Après 1989 et le démantèlement de l'empire soviétique, qui s'était en partie appuyé sur les « créations » de Versailles en Europe centrale et orientale, il ne reste strictement rien de ce traité.

Vervins (paix de),

paix conclue le 2 mai 1598 mettant fin au conflit franco-espagnol engagé en 1588.

Les troupes espagnoles sont entrées en France à l'appel de la Ligue pour lutter contre le prétendant protestant Henri de Navarre. Celui-ci étant devenu roi (sous le nom d'Henri IV) après s'être converti au catholicisme, les opérations prennent un tour plus classique d'affrontement entre États. Les Espagnols ne peuvent empêcher Henri IV de reconquérir peu à peu son royaume ; ils sont vaincus en Bourgogne, à Fontaine-Française (5 juin 1596), mais en 1597 reprennent Cambrai et s'emparent de Calais et, un temps, d'Amiens. Cependant, le roi Philippe II d'Espagne, vieillissant et acculé à la banqueroute en 1596, se résigne à la paix. Dernière province ligueuse, la Bretagne se rend aux troupes royales. La médiation du pape Clément VIII permet d'activer les négociations. Pour l'essentiel, la paix de Vervins confirme les clauses du traité du Cateau-Cambrésis (1559) : les conquêtes réciproques sont restituées, l'Espagne ne gardant que Cambrai. Un accord est également prévu avec le duc de Savoie, qui a combattu aux côtés des Espagnols, mais le détail en est renvoyé à plus tard, ce qui occasionnera la guerre de Savoie. Venant après la signature de l'édit de Nantes (30 avril 1598), qui assure la paix à l'intérieur, le traité avec l'Espagne semble garantir la reconstruction du royaume épuisé par la guerre. De fait, il ouvre, dans la séculaire rivalité entre les deux nations, une trêve qui durera jusqu'en 1635.

veto royal (droit de),

droit accordé au roi, sous la Révolution, de refuser sa sanction aux décrets de l'Assemblée nationale.

Voté le 11 septembre 1789, au terme d'un long débat qui a divisé le pays, le droit de veto - (en latin, « je m'oppose ») - pose la question clé de l'avenir du gouvernement monarchique dans les nouvelles institutions. Ses partisans - aristocrates et monarchiens - défendent un pouvoir exécutif fort, où le roi doit concourir à l'établissement des lois et s'opposer à l'éventuel despotisme des députés, tandis que ses adversaires, notamment Sieyès, voient dans l'ancien monarque de droit divin le simple dépositaire du pouvoir exécutif, qui ne peut et ne doit pas se mêler au pouvoir législatif, ce dernier étant seul détenteur de la souveraineté. C'est finalement la conciliation qui l'emporte, avec Barnave ou l'abbé Grégoire, par le vote du veto dit « suspensif » - et non « absolu » -, c'est-à-dire limité à deux législatures de deux ans. Ainsi, lorsque deux législatures successives votent un même texte, celui-ci devient exécutoire, l'arbitrage étant laissé au peuple par l'élection des députés. Cependant, la réitération d'un vote pour lequel le roi a déjà opposé son veto constitue une rupture flagrante : loin d'être considéré comme supérieur à la nation, le roi devient le premier employé du régime, tandis que tous les textes législatifs ne sont pas soumis à sa sanction. Il reste que Louis XVI provoque le mécontentement populaire dès qu'il use - rarement - de son veto. Il doit ainsi retirer celui qu'il oppose à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et aux décrets du 4 août 1789 (abolition des privilèges) à la suite des journées d'octobre 1789, mais il ne cède pas devant la foule lors de la journée du 20 juin 1792, prélude à la chute de la monarchie.

Veuillot (Louis),

journaliste et écrivain (Boynes, Loiret, 1813 - Paris 1883).

Fils d'un tonnelier établi à Bercy, le principal porte-parole du catholicisme intransigeant au XIXe siècle revendiquera toujours ses origines populaires. Clerc de notaire, puis collaborateur à Rouen puis à Périgueux de journaux favorables au gouvernement de Louis-Philippe, il acquiert par ses seuls moyens une culture littéraire ; il se convertit au catholicisme lors d'un voyage à Rome en 1838 (Rome et Lorette, 1841). Devenu en 1843, au plus fort de la bataille pour la liberté de l'enseignement, le principal rédacteur du journal catholique l'Univers, il imprime à ce quotidien les traits saillants de sa personnalité intellectuelle - une foi fervente ; un attachement indéfectible à la papauté ; la passion de l'ordre et de l'autorité ; une hostilité de principe à la philosophie des Lumières et au libéralisme ; le sens de la formule, le goût de la polémique et l'art de la provocation, enfin -, dont témoigne encore une abondante œuvre littéraire (Vie de Germaine Cousin, 1854 ; le Parfum de Rome, 1862 ; l'Illusion libérale, 1866 ; les Odeurs de Paris, 1867). Sur le plan religieux, il combat, avec une particulière âpreté, les catholiques libéraux et les gallicans. Sur le plan politique, après s'être rallié au coup d'État de 1851, il rompt en 1859 avec l'Empire pour soutenir la cause de Pie IX contre la politique italienne de Napoléon III. Ce dernier fait suspendre la publication de l'Univers de 1860 à 1867. Après l'instauration de la IIIe République, Louis Veuillot soutient, en vain, les projets de restauration monarchique, et, malade, passe en 1874 la direction du journal à son frère Eugène.