Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Lanjuinais (Jean Denis),

juriste et parlementaire, comte de l'Empire (Rennes 1753 - Paris 1827).

Fils d'un avocat au parlement de Bretagne, Lanjuinais s'affirme comme un étudiant particulièrement doué : reçu docteur en droit, il devient avocat à 19 ans grâce à une dispense d'âge. En 1775, il obtient par concours la chaire de droit ecclésiastique à l'université de Rennes. Appelé par les trois ordres des états de Bretagne pour être leur avocat, il n'hésite pas, dans un procès relatif au droit de colombier, à remettre en cause les privilèges de la noblesse. Il se retire ensuite du barreau et se contente de ses activités professorales tout en publiant des ouvrages qui lui donnent l'occasion de s'exprimer comme un défenseur des droits du tiers état.

Élu député de cet ordre aux états généraux de 1789, il contribue à la fondation du Club breton, futur Club des jacobins. Il est l'un des principaux protagonistes du serment du Jeu de paume, multiplie les discours réclamant l'abolition des privilèges et la suppression de la noblesse. Il joue par ailleurs un rôle important dans la rédaction de la Constitution civile du clergé. Après la dissolution de la Constituante, il est de retour à Rennes, où il assume la charge d'officier municipal. Son département le désigne de nouveau pour le représenter à la Convention : il désapprouve alors le radicalisme des jacobins et se prononce contre l'exécution de Louis XVI. En lutte continuelle contre la Montagne, il tente de s'opposer, entre autres, à la création du Tribunal révolutionnaire. Après les événements du 2 juin 1793, il est dénoncé par les autorités municipales de Paris, puis arrêté. Il s'évade et ne sort de sa retraite clandestine à Rennes qu'après le 9 Thermidor (27 juillet 1794). Réintégré dans ses fonctions de représentant, il participe à la rédaction de la Constitution de l'an III. Membre du Conseil des Anciens, il n'est pas réélu en l'an V, et reprend alors son poste de professeur. Prenant acte de son approbation tacite du coup d'État du 18 brumaire, Bonaparte le nomme membre du Sénat. Il y siège en conservant son indépendance, protestant contre l'instauration du Consulat à vie, puis de l'Empire. Il vote la déchéance de Napoléon en 1814. Élevé à la pairie durant la première Restauration, il refuse tout d'abord de se rallier à l'Empereur en 1815. Mais le collège électoral de la Seine le désigne comme représentant à la Chambre, dont il est même élu président. Son indépendance réaffirmée à l'égard de Napoléon lui permet de conserver sa charge de pair à la seconde Restauration. Il continue alors son combat pour la défense des libertés individuelles : il refuse de voter la mort de Ney, puis s'oppose aux ultraroyalistes. Seul le ministère libéral de Decazes obtient son soutien.

Parallèlement à ses fonctions de parlementaire, Lanjuinais enseigne le droit romain dans une école libre dont il est cofondateur, préside l'académie celtique et s'intéresse à l'archéologie, à l'histoire et aux religions de l'Orient. Il est élu à l'Académie des inscriptions et belles-lettres en 1808.

Lannes (Jean),

maréchal de l'Empire, duc de Montebello (Lectoure, Gers, 1769 - Ebersdorf, Autriche, 1809).

Il aurait été apprenti teinturier et peut-être soldat dans les armées du roi avant de s'engager, en 1792, dans un bataillon de volontaires du Gers, dont il est nommé sous-lieutenant. Il combat dans les Pyrénées orientales, puis participe à la campagne d'Italie, où il est grièvement blessé à Arcole en protégeant Bonaparte. Il se distingue ensuite en Égypte, où il est à nouveau blessé. Général de division le 10 mai 1799, il est l'un des principaux artisans de la victoire d'Aboukir. Il rentre en France aux côtés de Bonaparte et cautionne le coup d'État du 18 brumaire. Durant la seconde campagne d'Italie, il s'illustre lors de la victoire de Montebello, le 9 juin 1800. S'il apparaît comme le favori du Premier consul, il n'en est pas moins éloigné quelque temps de Paris en raison de la familiarité avec laquelle il persiste à traiter celui-ci en public, mais aussi à cause de ses critiques envers le Concordat et des trop grandes dépenses engagées en tant que commandant de la Garde des consuls. Ainsi, en novembre 1801, il est envoyé comme ministre plénipotentiaire au Portugal. Il s'illustre par la suite à Austerlitz, Iéna et Friedland. Il est aux côtés de l'Empereur durant la campagne d'Espagne, mais il accuse déjà une usure tant physique, en raison de ses multiples blessures, que morale, du fait de son attachement à une paix jamais établie. Il combat en Autriche en 1809, où il est mortellement blessé à la bataille d'Essling. Le 6 juillet 1810, la France l'honore par des funérailles nationales grandioses, au cours desquelles son corps est déposé au Panthéon, et qui témoignent de l'aura dont il jouissait. Et c'est encore pour lui rendre hommage que Napoléon fait de son épouse la première dame d'honneur de Marie-Louise.

La Noue (François de),

homme de guerre (Château de La Noue, près de Nantes, 1531 - Moncontour, près de Saint-Brieuc, 1591).

Ce « Bayard huguenot » des guerres de Religion, dit « Bras de Fer » en raison d'un crochet métallique ajusté à son moignon gauche, est non seulement un homme de guerre voué à toutes les aventures du parti protestant mais aussi le tenant d'un pluralisme religieux original exprimé dans ses Discours politiques et militaires (1587).

De bonne noblesse bretonne, il se convertit sincèrement au calvinisme (1559), influencé par l'évangélisation de François d'Andelot. Durant les trois premières guerres de Religion, il partage le destin militaire des Châtillons. Grand tacticien, habile à pallier le manque de moyens militaires, il est récompensé par l'octroi de la charge de gouverneur de La Rochelle, puis du commandement de l'infanterie en 1569. Après sa blessure au bras gauche au siège de Fontenay-le-Comte (1570), il subit de nombreux revers : emprisonnement lors de l'expédition des Flandres (1572) ; médiation ratée à La Rochelle pour le compte de Charles IX, qui entraîne son ralliement au duc d'Anjou lors de la prise d'armes de la cité (1574) ; nouvelle aventure dans les Pays-Bas, où il reste prisonnier des Espagnols pendant cinq ans (1580-1585). Il est mortellement blessé au siège de Lamballe, avant d'avoir vu le triomphe des idées exprimées dans ses Discours, où il associe notamment la pacification monarchique à la tolérance religieuse. Ses convictions ne sont déterminées ni par l'indifférence ni par une quelconque raison d'État défendue par le parti des « Politiques », mais admettent la diversité d'opinions en vertu du respect mutuel entre frères chrétiens, sur le modèle de l'Église primitive.