Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
L

Levant (mandats du),

dénomination, entre 1918 et 1944, des États de Syrie et du Liban dont l'administration est exercée par la France sous le contrôle de la Société des nations (SDN).

En vertu des accords secrets Sykes-Picot de mai 1916, et en conséquence du démembrement de l'Empire ottoman consécutif à la Première Guerre mondiale, l'administration des territoires de la Syrie et du Liban est confiée à la France par la conférence de San Remo (25 avril 1920). Les États-Unis s'opposant à toute annexion coloniale, les deux pays sont administrés provisoirement par la France afin de les préparer à l'accession à l'indépendance : c'est la formule du mandat de catégorie A, assez proche de celle du protectorat. Ce mandat est confirmé par la SDN en 1922. Sous le régime ainsi défini, les deux pays vont connaître une évolution assez différente.

Le Liban.

• Pourvu d'un « statut » et d'un conseil représentatif dès 1922, le Liban (dans les frontières du Grand Liban) est doté en 1926 d'une Constitution établissant une république parlementaire et s'oriente nettement vers le confessionnalisme, répartissant les responsabilités politiques et administratives entre les diverses communautés religieuses mais avantageant en fait les chrétiens (surtout les maronites) surreprésentés dans les institutions (le recensement confessionnel de 1931 sera la base du pacte national de 1943). La vie politique est marquée par les interventions du haut-commissariat dans les affaires intérieures au profit des chrétiens. Ainsi, à la requête du patriarche maronite Hayek, la candidature à la présidence du musulman Mohammed el-Jisr est-elle rejetée en 1931.

La Syrie.

• Après l'occupation de Damas par les troupes du général Gouraud et l'expulsion de l'émir Fayçal, le territoire de la Syrie est d'abord divisé en quatre États : Damas, Alep, territoire des Alaouites et djebel Druze. Les deux premiers sont regroupés en 1925 en une confédération syrienne dotée d'un parlement et d'un gouvernement provisoire. Les forces françaises doivent réprimer plusieurs insurrections, dont celle du djebel Druze, opérations qui demandent d'importants moyens militaires (1925-1927). Le haut-commissaire Henri Ponsot (1926-1933) accepte un projet de constitution (1930), qui n'est pas approuvé par Paris. L'Assemblée élue en 1928, et dominée par le Bloc national de Salim el-Atassi, est dissoute et la politique française s'oriente vers la répression du mouvement nationaliste.

Vers l'indépendance.

• En 1936, Pierre Viénot, sous-secrétaire d'État aux Affaires étrangères du Front populaire, négocie avec les gouvernements libanais et syrien les accords du 9 septembre qui prévoient, conformément aux recommandations de la SDN, l'accession des deux territoires à l'indépendance en 1939, mais ces dispositions ne sont pas entérinées par le Parlement français et ne sont pas encore entrées dans les faits au début de la Seconde Guerre mondiale. De plus, en juin 1939, la Syrie est amputée du sandjak d'Alexandrette, cédé à la Turquie, comme garantie de la neutralité de ce pays dans un éventuel conflit. Le début de la guerre est marqué par une certaine confusion : le général Dentz, haut-commissaire nommé par le gouvernement de Vichy, met les bases aériennes à la disposition de la Luftwaffe si bien que des hostilités vont naître entre ses forces et les troupes britanniques renforcées par des unités gaullistes. Après l'armistice de Saint-Jean-d'Acre (14 juillet 1941), les autorités de Vichy ainsi qu'une partie de l'armée sont rapatriées en France. Le général Catroux, représentant de la France libre, restitue le territoire des Alaouites à la Syrie et, sur injonction des autorités britanniques, s'engage, en septembre 1941, à accorder l'indépendance aux deux États. Toutefois, les Français multiplient les réticences, si bien que cette promesse reste lettre morte. Dans les deux pays, les élections de 1943 donnent la majorité aux nationalistes partisans de l'indépendance, mais, au Liban, le haut-commissaire Helleu tente de faire appréhender le président Bechara el-Khoury et les membres du gouvernement. Sous la pression de Londres, l'indépendance des deux États est fixée au 1er janvier 1944, mais les forces françaises restent sur place et bombardent même Damas en mai 1945. À la suite d'un ultimatum britannique et d'une injonction des Nations unies, de Gaulle ordonne un cessez-le-feu et les troupes françaises évacuent les deux pays au printemps 1946.

levée en masse,

réquisition de tous les Français pour le service des armées décidée par la Convention le 23 août 1793.

Au début de l'année 1793, les armées de la Révolution sont confrontées à une grave crise des effectifs. En effet, jusque-là, on s'en était tenu au régime du volontariat. Or, nombre des volontaires de 1791, s'estimant libérés de leurs engagements, sont rentrés chez eux.

Les mesures de février 1793.

• Pour pouvoir former de nouveaux bataillons, la Convention adopte le décret du 24 février, qui organise la « levée des 300 000 hommes ». Tous les hommes célibataires de 18 à 40 ans sont placés en état de réquisition, mais tous ne partent pas. En effet, chaque département doit apporter un contingent qui tienne compte du nombre de soldats déjà envoyés. Dans les endroits où les engagements volontaires sont insuffisants, les communes doivent trouver les moyens de fournir le complément nécessaire. Cependant, le remplacement est maintenu et de nombreuses exceptions sont prévues.

La « levée des 300 000 hommes » rencontre de fortes résistances, notamment en raison du flou qui entoure le mode de désignation des requis. On assiste à des règlements de comptes personnels, certaines communautés « modérées » utilisant l'élection pour se défaire des éléments les plus révolutionnaires ou des prêtres constitutionnels, d'autres s'estimant injustement ponctionnées par les autorités départementales. Par ailleurs, le moment de la levée - les labours de printemps - suscite des réclamations. Des troubles éclatent dans l'Ouest et le Massif central ; ceux de Vendée dégénèrent en guerre civile. La « levée des 300 000 hommes » permet néanmoins de combler l'insuffisance des effectifs et à l'armée de résister sur les frontières.