Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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cour (suite)

La cour ambulante des Valois conserve la tradition de la royauté capétienne, soucieuse de ne pas perdre le contact avec le pays, et de régler les conflits directement (le roi vient rendre la justice dans ses parlements). Elle est donc en perpétuel déplacement, surtout au temps des guerres de Religion, pour faire respecter les édits de pacification. Signalons seulement les voyages de François Ier - dont se plaint l'ambassadeur de Venise, Marino Giustiniano, en 1535 - et le tour de France de Charles IX - qui dure près de deux ans -, au cours duquel Catherine de Médicis présente le roi à ses sujets, et les sujets à leur roi. C'est un vrai caravansérail qui sillonne ainsi le royaume : 10 000 à 15 000 chevaux pour autant de personnes (dont près de 6 000 pour la Maison du roi, de la reine et de ses frères, soit, en tenant compte du service par quartier, un noyau permanent de 1 500 à 2 000 individus), c'est-à-dire plus que le nombre d'habitants d'une ville moyenne de l'époque. Mais ces fréquents déplacements n'ont pas empêché les Valois de planter les décors prestigieux et éblouissants de la majesté royale : les châteaux d'Amboise, de Blois, de Chambord, de Fontainebleau, de Saint-Germain et du Louvre en portent encore témoignage. Perdant le contact avec ses sujets, la cour devient sédentaire lorsque Louis XIV la fixe à Versailles (il effectue seulement quelques voyages dans les autres maisons d'agrément, comme Marly ou Choisy, Fontainebleau ou Compiègne), qui s'érige en temple de la monarchie absolue, où une noblesse turbulente paraît enfin domestiquée. On estime que 7 000 à 8 000 personnes vivent à Versailles en 1690, et environ 10 000 en 1744, y compris les domestiques des gens de cour.

La composition de la cour

Les « officiants » du culte royal forment l'ossature de ce que l'on a appelé par commodité la noblesse de cour. Parlons plutôt de « nobles de cour », car, beaucoup trop hétérogènes, ils ne sauraient constituer un véritable groupe social. Pour appartenir à la cour, deux conditions sont indispensables, mais non suffisantes : une cérémonie - la présentation au roi (les honneurs de la cour) -, pour laquelle sont exigées, au XVIIIe siècle, des preuves de noblesse depuis l'an 1400. Une condition qui souffre cependant bien des exceptions, tant pour les favorites que pour les familles des ministres (les Colbert, Chauvelin ou Gravier de Vergennes). Il convient aussi d'assurer une présence permanente à la cour, ce qui écarte tous les provinciaux, qui n'y viennent que pour la cérémonie de la présentation. Les membres de la cour sont donc d'abord ceux qui détiennent une charge dans la Maison du roi, de la reine et des princes, et, par conséquent, un logement à Versailles et dans les autres châteaux royaux. Mais que de différences entre les officiers domestiques (un duc de La Trémoille, premier gentilhomme de la chambre, ou un prince de Lambesc, de la maison de Lorraine, grand écuyer de France) et les premiers valets de chambre, tels Bontemps, Quentin de Champcenetz, Marchais ou Lebel ! Coexistent donc au moins deux sociétés de cour : celle des grands et premiers offices, monopole des grands seigneurs, et celle des offices moins prestigieux, tels ceux de premier valet de chambre, d'introducteur des ambassadeurs, de maître des cérémonies ou de maître d'hôtel. Ces derniers sont souvent détenus par des nobles de souche plus récente, voire, au XVIIIe siècle, par des anoblis de la finance (Marchais, Lallemant, La Live, Chapoux de Verneuil), qui forment à Versailles des sociétés particulières, si bien décrites dans ses Mémoires par l'introducteur des ambassadeurs, Dufort de Cheverny. On ne peut, en revanche, quelle que soit l'ancienneté de leur noblesse, considérer comme des nobles de cour les possesseurs des charges inférieures de la Maison militaire du roi (simples officiers des gardes du corps, par exemple), de l'écurie et de la vénerie, ou encore de la Maison des princes du sang autres que les fils et petits-fils de France. Et encore moins les spécialistes, issus de la robe ou de la finance, qui exercent des charges administratives ou financières, telles celles de contrôleur de la Maison du roi, de chancelier ou de secrétaire des commandements de la reine et des autres princes.

Cependant, l'appartenance à la cour n'est pas nécessairement liée à la détention d'une charge : nombre de gens de cour sont admis dans l'intimité royale sans autre titre que la faveur dont ils jouissent ou le prestige de leur nom et de leur rang : ainsi des ducs et pairs, et des maréchaux de France. Il en va de même de ceux qui, sous Louis XV, soupent dans les cabinets du roi, tels le prince de Croÿ, le duc d'Havré ou les marquis de Crillon, de Poyanne, de Meuse et de Gontaut ; ou encore de la société intime de la reine (le comte de Tressan auprès de Marie Leszczynska, ou le duc de Guînes auprès de Marie-Antoinette). Des ministres, tel Vergennes, qui, de par leurs origines trop modestes, n'auraient pas dû avoir accès à la cour, s'y agrègent tout naturellement, avec leur famille. À cet égard, un autre critère de l'appartenance à la cour est l'attribution d'un logement à Versailles : sa localisation et le nombre de pièces fournissent un excellent moyen de mesurer la faveur et le crédit de son bénéficiaire.

La cour et la politique

Qu'il y ait eu confusion entre la cour des courtisans et celle des politiques est une réalité de toujours : ceux qui exercent le pouvoir sous l'autorité du souverain, ceux qui forment son conseil, ont, en règle générale, occupé des fonctions palatines. Sous les règnes de François Ier et d'Henri II, l'un des personnages jouissant du plus grand crédit politique, Anne de Montmorency, détient le premier office de la Maison du roi, celui de grand maître ; une charge dont le dépouillera François II, qui veut attribuer la première place dans son conseil à François de Guise. Catherine de Médicis et Charles IX donnent des charges domestiques aux Gondi qui figurent parmi leurs principaux conseillers. Au XVIe siècle, les officiers de la Maison du roi, notamment ses gentilshommes de la chambre, constituent le vivier où le souverain choisit ses ambassadeurs, ses gouverneurs et ses capitaines. Pourtant, la cour devient le champ clos où s'affrontent, avant que le conflit ne s'étende à tout le royaume, le parti des catholiques, autour des Guises, celui des huguenots, autour des Bourbons et des Châtillon, et celui des politiques, autour de François d'Alençon et des Montmorency. Les mémorialistes dénoncent alors l'influence néfaste de la cour - des femmes notamment - dans les nominations aux charges militaires et civiles.