Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
I

indigénat (Code de l'),

ensemble de textes répressifs appliqué d'abord en Algérie, puis étendu aux colonies françaises d'Afrique noire, de Madagascar et de Cochinchine.

En Algérie, un premier texte de 1854 met fin à l'arbitraire des militaires en reconnaissant aux chefs des bureaux arabes le pouvoir d'infliger des amendes de 15 francs et des peines de cinq jours d'emprisonnement, sans recours à la justice ni possibilité d'appel. Ce régime est renforcé après la révolte du Constantinois de 1871-1872. Une loi de 1882, adoptée pour sept ans, puis régulièrement reconduite à partir de 1890, définit trente-trois infractions, dont le refus de payer l'impôt, de fournir des prestations en nature, ou l'offense à un agent représentant de l'autorité. Il s'agit donc d'un régime exorbitant du droit commun français, caractérisé par des infractions particulières, sanctionnées par des peines spéciales. Des adaptations locales de cette loi fixent un nombre variable d'infractions selon les colonies.

Le Code de l'indigénat vise en fait à assujettir les populations à l'économie monétaire en instituant des amendes, et à mettre en valeur les colonies en légalisant diverses formes de travail forcé - corvées, réquisitions pour le portage, etc. Il apporte une ébauche de solution à la pénurie de main-d'œuvre : au Sénégal et dans d'autres territoires, le vagabondage est réprimé par l'obligation d'un travail rétribué sur un chantier public ou privé. Le Myre de Vilers, député de la Cochinchine, estime que le Code est « une mesure libérale pour les indigènes, qui, jusque-là, étaient brutalisés sans pouvoir recourir à aucune protection légale », mais en 1913 le gouverneur général William Ponty admet qu'il s'agit d'un régime d'exception. Clemenceau en suspend l'application pendant les négociations du traité de Versailles, de février 1919 au 4 août 1920. En 1924, Édouard Daladier, ministre des Colonies, y voit un régime transitoire adapté à l'évolution progressive des sociétés indigènes vers le droit commun français. Il exempte des punitions disciplinaires les élites traditionnelles (chefs coutumiers) et « modernes » (anciens combattants, collaborateurs de l'administration coloniale) de l'Afrique-Occidentale française, mais n'envisage pas l'abolition du Code : en 1929, l'ancien tirailleur André Matsoua, citoyen de statut métropolitain, est jugé à Brazzaville puis interné au Tchad pour avoir fait campagne en faveur de la suppression de ce régime. Au Cameroun, en 1935, on dénombre 32 000 incarcérations administratives, contre 3 500 emprisonnements de droit commun.

Divers assouplissements sont cependant apportés au Code dès le début du XXe siècle, et les cas de dispense sont de plus en plus nombreux ; en 1905, il est aboli en Cochinchine. En Algérie, plusieurs mesures, dont celle de 1928 mettant fin aux pouvoirs de police des administrateurs, en laissent subsister peu de choses. En février 1944, la conférence de Brazzaville recommande la suppression progressive de ce statut ; en Algérie, l'ordonnance du 17 mars 1944 promulguée par Catroux, gouverneur général et commissaire national pour l'Afrique du Nord, en liquide les derniers vestiges. Dans tous les autres territoires, en application de mesures adoptées par le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), le Code de l'indigénat est aboli le 1er janvier 1946.

Indochine (guerre d'),

conflit qui oppose la France aux nationalistes vietnamiens entre 1946 et 1954.

Longtemps considérée comme l'un des fleurons de l'empire colonial français, la péninsule Indochinoise conquiert son indépendance au terme d'une guerre qui s'inscrit à la fois dans le mouvement de revendications nationales qui gagne tous les peuples colonisés et dans la crise de la guerre froide qui affecte les relations entre les blocs constitués autour des États-Unis et de l'Union soviétique.

D'une guerre à l'autre.

• La capitulation japonaise, en août 1945, place l'Indochine au centre de relations conflictuelles intenses et en fait un enjeu international de première importance. Le nord du territoire est occupé par les Chinois tandis que les Britanniques contrôlent le Sud et que les États-Unis, qui ne souhaitent pas le rétablissement de la souveraineté française, veillent sur l'évolution politique. Quant au Gouvernement provisoire de la République française, il n'a jamais été associé à la prise de décision.

Si de Gaulle n'est pas hostile à une certaine autonomie de l'Indochine, il entend d'abord rétablir l'ordre et l'autorité de la France sur l'ensemble de la péninsule. C'est la mission qu'il confie à l'amiral Thierry d'Argenlieu, nommé gouverneur, et au général Leclerc, commandant en chef des forces françaises, qui parviennent à se réinstaller dans le Sud, en Cochinchine, mais se heurtent, au Nord, aux nationalistes du Viêt-minh, d'obédience communiste.

Après la démission du général de Gaulle en janvier 1946, des négociations s'engagent avec les principaux partenaires, Cambodgiens, Laotiens, Chinois. Elles aboutissent assez facilement. Laos et Cambodge obtiennent un régime libéral à l'intérieur d'une Fédération indochinoise qui adhère à l'Union française. Avec le Viêt Nam, les discussions sont plus difficiles, car le Viêt-minh demande l'unification des « pays vietnamiens » (Tonkin, Annam, Cochinchine). Les accords de Fontainebleau de septembre 1946 aboutissent à un modus vivendi très fragile. Au Viêt Nam, les incidents sanglants se multiplient. Le 20 novembre, une fusillade éclate à Haiphong, à laquelle les Français répliquent par le bombardement de la ville. Le 19 décembre, des garnisons françaises sont attaquées par des milices du Viêt-minh sur l'ensemble du territoire, et notamment à Hanoi. Dès lors, la rupture est consommée. La guerre s'engage, impitoyable, entre nationalistes et forces militaires françaises. Elle va durer plus de sept ans.

Les responsabilités sont complexes à établir. S'il est vrai que des divergences sérieuses sont apparues entre les partisans de la négociation (Hô Chi Minh) et ceux d'une rupture (les miliciens de Giap), il ne faut pas oublier que les autorités françaises n'ont jamais abandonné le projet de reconquête totale du pays et que la politique pacifique souhaitée par certains dirigeants (en particulier Léon Blum) n'a pas été véritablement mise en œuvre.