Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
G

Gouvernement révolutionnaire, (suite)

La Convention, centre du gouvernement.

• « La Convention nationale est le centre unique de l'impulsion du gouvernement », déclare l'article 1er du décret du 14 frimaire an II. On affirme ainsi qu'il n'y a pas de possibilité de penser ni de laisser agir un exécutif susceptible de devenir indépendant du pouvoir législatif. Si le Comité de salut public inspecte directement les corps constitués et les fonctionnaires, et si le Comité de sûreté générale est chargé de la police générale et intérieure, ces deux organes sont responsables devant la Convention qui, tous les mois, décide ou non de les reconduire. Les Comités incarneraient ainsi l'idée d'une magistrature collective octroyée aux conventionnels par le vote de confiance du pouvoir législatif, régulièrement renouvelé. Ils ne tirent donc leur autorité que de la Convention - à laquelle ils rapportent leurs décisions -, qui est responsable collectivement des décrets adoptés par le Gouvernement révolutionnaire. Ainsi, ce terme ne désigne pas un mode d'exercice du pouvoir exécutif, mais une forme particulière d'organisation des pouvoirs.

Un gouvernement de guerre guidé par des principes.

• Le Gouvernement révolutionnaire est d'abord un gouvernement de temps de guerre qui doit instituer « la liberté contre les ennemis de la liberté ». Régime fondateur singulier, il s'oppose, à ce titre, au gouvernement constitutionnel, qui doit être « le régime de la liberté victorieuse et paisible ». En effet, la décision d'adopter ce mode exceptionnel de gouvernement afin d'enraciner des principes du droit naturel est indissociable d'un des préceptes de ce dernier : « Le salut du peuple est la loi suprême. » C'est pour ne pas courir le risque de laisser la Contre-Révolution triompher que le gouvernement est déclaré « révolutionnaire », que des élections qui se seraient déroulées dans un contexte de guerre civile sont ajournées, et que les conventionnels préfèrent placer le texte constitutionnel dans une arche de cèdre, tout en maintenant la validité de la Déclaration des droits de 1793, qui n'a jamais cessé, en l'an II, de fournir les principes de ce gouvernement. Cependant, les fonctions de celui-ci sont bien de se débarrasser des contre-révolutionnaires et de défendre la puissance publique contre les attaques des factieux. Toute la difficulté consiste à ne pas abandonner la liberté civile au nom de la liberté publique. L'exercice du pouvoir ne peut être que délicat, car il s'agit à chaque instant de savoir juger de l'avantage public et de la souffrance privée. Il n'y a donc pas de règle a priori, mais seulement des principes qui doivent guider l'action en fonction du jugement politique porté sur les situations que les comités, les représentants en mission, les tribunaux et l'Assemblée doivent examiner.

Un appareil maintenu en l'an III.

• Les structures de ce type de gouvernement, tant décrié par les thermidoriens, ne sont pas fondamentalement transformées en l'an III, date à laquelle on cesse de les considérer comme provisoires. En revanche, le projet politique change : l'idée de fonder un régime démocratique est abandonnée, et une nouvelle Constitution ainsi qu'une nouvelle Déclaration sont adoptées, au mépris de celles de 1793. De ce fait, « ce sont les suspects qui changent » (Françoise Brunel).

Gouvion-Saint-Cyr (loi),

loi sur l'organisation militaire votée en 1818, alors que Laurent Gouvion-Saint-Cyr est ministre de l'Armée, et qui reste en application pendant plus de cinquante ans.

En 1814, la Charte constitutionnelle abolit la conscription, et la dissolution des troupes impériales impose une refonte de l'armée. Cette tâche est confiée à Gouvion Saint-Cyr, né à Toul en 1764, engagé volontaire en 1792 et général dès 1794 ; disgracié en 1809 par Napoléon, il est réintégré en 1811, et créé maréchal en 1812. Rallié aux Bourbons en 1814, et ayant refusé de servir l'Empereur pendant les Cent-Jours, il est nommé minis-tre de la Guerre en juillet 1815, mais, proche des Doctrinaires, n'exerce cette fonction que quelques mois en raison de l'hostilité des ultras. Toutefois, il redevient ministre de la Marine en juin 1817, puis de l'Armée en septembre de la même année.

La loi qui porte son nom fixe les effectifs de l'armée à 240 000 hommes. Le recrutement est assuré par engagement volontaire, et, pour 40 000 soldats environ, par tirage au sort parmi les jeunes gens âgés de 20 ans, ces derniers ayant toutefois la possibilité de rétribuer un volontaire pour se faire remplacer. Le service d'active dure six ans, les soldats formant ensuite, pour six autres années, une réserve territoriale. Mais les ultras protestent contre ce retour de la conscription, redoutant que l'armée de réserve ne soit constituée de soldats de l'Empire. En outre, nul ne peut devenir officier s'il n'a pas servi deux ans comme sous-officier ou réussi le concours d'entrée d'une école militaire : les nobles ne le sont donc plus automatiquement. D'où la réaction, prêtée par Stendhal dans Lucien Leuwen à un ultra : « Que ferons-nous des fils cadets, et comment les placer sous-lieutenants dans l'armée, après le vol qu'on a laissé prendre à ces maudits sous-officiers ? » Enfin, avant toute promotion, il faut servir quatre ans dans chaque grade jusqu'à celui de lieutenant-colonel, et l'avancement se fait pour deux tiers à l'ancienneté, pour un tiers seulement au choix du roi.

Le débat qui précède la promulgation de la loi - en mars 1818 - est passionné, d'autant que le ministre prononce un éloge des soldats de Napoléon, rédigé par Guizot. Le vote est acquis, à la Chambre des députés, grâce à l'opposition de gauche, et, à la Chambre des pairs, grâce à une manœuvre du roi, lequel retient en sa compagnie trois ducs hostiles, qui ne peuvent donc participer au vote. Gouvion Saint-Cyr doit démissionner à la fin 1819 ; il se retire alors pour écrire des Mémoires, et meurt à Hyères, en 1830.

Sa loi peut sembler injuste aujourd'hui - en raison de la possibilité de remplacement, qui avantageait les riches -  ; elle s'inscrivait en fait contre les privilèges de la naissance, et suscita l'hostilité des ultras, qui rêvaient de reconstituer l'Ancien Régime. En cela, elle fut l'une des grandes lois libérales de la Restauration, comme la loi électorale de 1817 et la loi de Serre sur la presse (1819). Et si elle resta en vigueur jusqu'en 1872, il fallut attendre une réforme de 1886, préparée par le général Boulanger, pour voir un service militaire égal pour tous.