Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

scrutin, (suite)

Un moyen de contrôle.

• Les incertitudes et les excès de la période révolutionnaire conduisent, au XIXe siècle, à des tentatives de contrôle de la représentation nationale. Aussi, jusqu'en 1848, superpose-t-on les collèges électoraux. Trois degrés sous l'Empire, quand le suffrage est universel, deux sous les monarchies, quand il redevient censitaire, permettent de filtrer le corps électoral par réductions successives afin de faire primer les choix personnels sur les questions politiques. Les idées qui président à l'avènement définitif du suffrage universel masculin (5 mars 1848) imposent un changement de méthode à une classe politique animée du même souci. Le Second Empire, la IIIe République à ses débuts, ou lorsqu'elle est en crise après l'affaire Boulanger (1889), optent pour le scrutin d'arrondissement. Le caractère uninominal de ce dernier personnalise l'élection et dénature le suffrage universel ; l'exiguïté de la circonscription, dont la délimitation est laissée à la discrétion du gouvernement, facilite les pressions, crée des dépendances, et assure la prédominance des personnalités locales ; enfin, le jeu des candidatures multiples permet la composition artificielle de majorités. Parfois, des sursauts libéraux se produisent : sous la IIe République, puis en 1871 et en 1885. Le contrôle s'assouplit ; le scrutin devient « de liste » et départemental. Ce ne sont là qu'épisodes : ils laissent subsister l'affirmation que les modes de scrutin ont édifié la « France des notables ».

Une doctrine.

• Mais les forces politiques changent et, avec elles, les idées. À l'orée du XXe siècle, à droite comme à gauche, le scrutin majoritaire, jusque-là seul connu, fait l'objet de critiques acerbes : sa personnalisation interdit l'émergence de véritables groupes politiques structurés à partir de programmes, et son principe prive de représentation les opinions minoritaires. Pour structurer l'action politique et réaliser enfin les conditions du jeu parlementaire, il faut construire des partis ... et tous, les représenter. Une autre technique électorale doit s'appliquer, c'est la représentation proportionnelle (« RP »), mise au point par le mathématicien belge Hondt à la fin du XIXe siècle. La question divise l'opinion, bientôt partagée entre « erpéistes » et « antierpéistes ». En 1919, une loi Dessoye transige en combinant scrutin de liste départemental et systèmes majoritaire et proportionnaliste. L'expérience s'achève en 1927 avec le retour au scrutin d'arrondissement.

L'esprit démocratique qui anime la Constitution de 1946 conduit ses auteurs à revenir à la « RP » : la doctrine républicaine impose l'équité. Mais la représentation des extrêmes compromet l'émergence de majorités solides, et la doctrine se retourne contre le régime. En 1951, un nouveau compromis complique le scrutin proportionnel par le système des apparentements ; la réforme sauve provisoirement le régime. Mais la question revient en 1958. Or, la leçon de l'histoire est claire : l'efficacité exige des majorités. On rétablit donc pour les législatives un scrutin majoritaire et uninominal, qui devient l'emblème des nouvelles institutions. Puis le succès électoral des partis de gauche en 1981 impose, en 1985, l'adoption de la « RP », jusqu'à ce que la droite, revenue aux affaires en 1986, dicte le retour au statu quo ante.

Au fil des ans, le volume des débats sur le mode de scrutin est devenu le baromètre de la santé politique d'une démocratie. Depuis 1793, la sagesse des constituants leur dicte de ne plus enfermer les dispositions électorales dans les textes constitutionnels.

SDN (Société des nations),

première organisation politique internationale permanente, créée en 1919, et ayant pour vocation le maintien de la paix mondiale, mais qui, impuissante dès les années 1930, est dissoute en 1946.

L'idée d'une assemblée pérenne des États, émise à la fin du XVIIIe siècle par Kant notamment (Projet de paix perpétuelle, 1795), connaît un regain de faveur au début du XXe siècle. À la suite des atrocités provoquées par le conflit de 1914-1918, une impulsion décisive est donnée au projet d'une organisation mondiale capable d'empêcher la guerre. Le président des États-Unis, Woodrow Wilson, se fait l'avocat de la future société, dont il propose la création dans le dernier de ses « Quatorze Points », programme de paix exposé le 8 janvier 1918. En avril 1919, il parvient à faire adopter par les Alliés le pacte constitutif de la Société des nations (SDN), qui est ensuite incorporé à tous les traités de paix. La SDN naît officiellement en janvier 1920, lors de l'entrée en vigueur du traité de Versailles. Son siège est à Genève, c'est-à-dire dans un pays neutre.

Cependant, la défection américaine - après le refus du Sénat de ratifier les traités de paix (mars 1920) - limite la représentativité de la nouvelle instance, d'autant que la Russie soviétique et les pays vaincus en sont également absents.

Les institutions de la SDN constituent une autre source de faiblesse. À côté d'une Assemblée générale, où tous les États membres disposent d'une voix, se trouve un Conseil, composé des membres permanents - France, Royaume-Uni, Italie, Japon, Chine (laquelle remplace les États-Unis après leur défection), auxquels s'ajoutent l'Allemagne entre 1926 et 1933, et l'URSS à partir de 1934 - et d'un certain nombre de membres non permanents. Au Conseil, la règle de l'unanimité réduit l'efficacité des prises de décision. Le suivi des dossiers est assuré par un secrétariat, avec à sa tête un secrétaire général (É. Dummond jusqu'en 1932, puis J. Avenol), et une équipe de fonctionnaires internationaux (parmi lesquels Jean Monnet, de 1919 à 1923).

Ces faiblesses relatives contrastent avec l'importance des missions confiées à la SDN : veiller au maintien de la paix en garantissant la « sécurité collective », inciter au désarmement, contrôler les mandats coloniaux. Le rôle d'arbitrage dévolu à la SDN, en cas de conflit entre États, est censé s'exercer par le vote de sanctions contre l'« agresseur. » Mais l'absence de force de police internationale en limite la portée.