Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
M

Marshall (plan), (suite)

La France est concernée au premier chef : son appareil productif est gravement endommagé ; par ailleurs, les pénuries entraînent des grèves et des troubles sociaux qui font craindre aux Américains un coup de force du Parti communiste. L'aide extérieure est donc indispensable pour assurer l'approvisionnement immédiat du pays en blé et matières premières (dès la fin de 1946, la France vit déjà de crédits américains). Elle est tout aussi nécessaire pour financer les objectifs du premier plan quinquennal de reconstruction et de modernisation (1947-1952). Une fraction de la classe politique - certains gaullistes et les communistes - s'y oppose pourtant, dénonçant le risque de vassalisation politique lié au soutien financier des États-Unis. Mais, pour l'opinion dans son ensemble, l'impératif économique l'em-porte sur toute considération idéologique. Telle est en particulier la position de Jean Monnet : l'aide américaine offre au pays les moyens de travailler - un répit pour apprendre à se passer de toute aide extérieure.

Les modalités.

• Le dispositif se met en place en avril 1948 : 16 pays d'Europe occidentale - l'URSS a décliné l'offre et entraîné ses satellites dans son refus - passent avec les États-Unis un contrat, par lequel chacun s'engage à améliorer sa situation économique et reçoit des subsides pour acheter des marchandises américaines. L'aide est constituée à 90 % de dons et à 10 % de prêts à faible taux. L'Organisation européenne de coopération économique (OECE), qui deviendra l'OCDE, regroupe les bénéficiaires et gère la répartition des crédits. En France, Jean Monnet fait admettre l'utilisation de l'aide dans le cadre du plan quinquennal. Entre 1948 et 1952, le pays reçoit 2 629 millions de dollars, soit 20,2 % des crédits globaux (mais 23,8 % des dons). Le gouvernement français est ainsi remercié de son engagement en faveur de l'Europe et de son attitude compréhensive face au relèvement allemand. Pendant la même période, les sommes allouées assurent 48 % des ressources du Fonds de modernisation et d'équipement (et 72 % pour la seule année 1949). La gestion par le Fonds de la contre-valeur en francs des dollars reçus permet à l'État d'orienter les investissements vers les secteurs jugés prioritaires, l'énergie et la sidérurgie en particulier.

Les implications politiques.

• L'aide Marshall donne donc un coup de fouet à l'investissement, assurant le succès du premier plan quinquennal, qui n'était pas solvable. Par la coopération économique qu'elle institue entre les démocraties occidentales, elle contribue à la construction européenne naissante. Elle permet en outre une libéralisation des échanges et une baisse des tarifs douaniers entre États. Mais, par le système d'alliance militaire venu tôt doubler le soutien financier, elle cristallise en Europe la politique des blocs : le pacte de Bruxelles de 1949, qui se transforme aussitôt en traité de l'Atlantique Nord, place en effet la sécurité de l'Europe sous tutelle américaine. Dans le contexte de la guerre froide, l'assistance économique s'est accompagnée d'un alignement politique.

Martignac (Jean-Baptiste Sylvère Gay, vicomte de),

homme politique, chef du dernier ministère de compromis du roi Charles X (Bordeaux 1778 - Paris 1832).

Originaire d'une famille de noblesse de robe, secrétaire d'ambassade à Berlin auprès de Sieyès, auteur de quelques pièces de théâtre, Martignac s'inscrit au barreau de Bordeaux, où il poursuit une brillante carrière d'avocat. Royaliste, il joue dans sa ville un rôle important dans les restaurations de 1814 et 1815 auprès du duc et de la duchesse d'Angoulême, et devient avocat général à Bordeaux (1818), puis procureur général à Limoges (1819). Élu député de Marmande (1821), il soutient le ministère ultraroyaliste de Villèle.

C'est cet homme « d'un caractère doux, facile, aimable » (Barante) qui est appelé en janvier 1828 à devenir ministre de l'Intérieur et chef effectif du gouvernement à la chute de Villèle, sans doute sous l'influence du duc d'Angoulême. Mal soutenu par Charles X, il s'efforce d'apaiser l'opinion libérale, fait voter les ordonnances de juin 1828 - qui excluent les jésuites des petits séminaires et limitent le nombre de ces derniers -, assouplit les lois sur la presse, esquisse une réforme de l'administration locale et contribue, avec le comte de La Ferronnays, à l'indépendance de la Grèce (traité d'Andrinople, septembre 1829). Remercié par Charles X en août 1829, il assiste en juillet 1830 à la chute de son successeur, Polignac, qu'il défendra à son procès.

Martin (saint),

moine et évêque de Tours (province de Pannonie, vers 316 - Tours 397).

Introducteur du monachisme en Gaule, il fut l'un des premiers à entreprendre la christianisation des campagnes. Le culte dont il est l'objet fait de lui l'apôtre des Gaules et le saint protecteur de la monarchie.

Fils d'un tribun militaire, Martin est contraint de servir dans la garde impériale jusqu'à sa majorité légale, en dépit de son désir de devenir moine : c'est durant cette période que la légende place l'épisode au cours duquel il partagea, un jour d'hiver, à Amiens, son manteau avec un pauvre. Revenu à la vie civile, Martin choisit l'état monastique, puis, vers 360, après quelques années d'errance, établit un ermitage à Ligugé, dans les environs de Poitiers, avec le soutien de l'évêque Hilaire. Martin, qui mène alors une existence inspirée par l'ascétisme des anachorètes orientaux, est rejoint par de nombreux disciples et entreprend ses premières campagnes d'évangélisation. En 371, il est élu évêque de Tours et, dès lors, assume conjointement ses fonctions pastorales et sa vie de moine dans le monastère de Marmoutier, qu'il a lui-même fondé, malgré l'hostilité de l'épiscopat au monachisme. Sa mission apostolique, son ascétisme et les miracles qui lui sont attribués font de lui un modèle de sainteté aux yeux des populations ligériennes. Il est ainsi vénéré dès après sa mort, en 397.

Une postérité glorieuse.

• Avant 404, le disciple de saint Martin, Sulpice Sévère (vers 360-vers 420), fait construire sur ses terres un sanctuaire à sa mémoire. Une petite chapelle édifiée sur sa tombe est attestée dès 437 ; elle est remplacée, vers 470, par une grande basilique construite à la demande de l'évêque Perpetuus. La Vie de saint Martin, écrite par Sulpice Sévère et mise en vers par Venance Fortunat, ainsi que les miracles rapportés par Perpetuus et Grégoire de Tours assurent la diffusion du culte de saint Martin dans la Gaule septentrionale et l'essor du pèlerinage à Tours : ce dernier devient, au VIe siècle, l'un des principaux d'Occident. Au cours des siècles suivants, des offices, des litanies, des hymnes, sont régulièrement composés en l'honneur du saint et de nouvelles Vies sont écrites par Alcuin (clerc anglo-saxon mort en 804), Richer (abbé de Saint-Martin-devant-Metz) ou Guibert de Gembloux. Saint Martin devient alors le saint par excellence de la Gaule : près de trois cents villages portent aujourd'hui son nom. Il est rapidement reconnu comme le saint patron des souverains francs, puis capétiens, en dépit du rôle grandissant de saint Denis. Clovis séjourne ainsi à plusieurs reprises dans la basilique de Tours. Depuis le milieu du VIIe siècle, les souverains francs conservent la chape de saint Martin dans l'oratoire royal, et le culte de cette relique finit par donner son nom à la « chapelle ». Cette dévotion est accentuée par les Capétiens : Hugues Capet et ses successeurs sont les abbés laïcs du chapitre de Saint-Martin et chaque nouveau roi se rend en pèlerinage à Tours. Le lien étroit entre la France et le saint se perpétue bien au-delà de la chute de la monarchie, puisque le choix du 11 (au lieu du 10 ou 12) novembre comme date de la signature de l'armistice de 1918 a été fait en référence à saint Martin, protecteur de la France.