Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Debré (Michel),

homme politique (Paris 1912 - id. 1996).

Sa carrière est marquée par une fidélité indéfectible au général de Gaulle. Son ralliement à la Résistance lui vaut d'être nommé commissaire de la République à Angers en 1944. Chargé de mission auprès de l'homme du 18 Juin, il fonde alors l'École nationale d'administration (ENA). Sénateur RPF de 1948 à 1958, Debré figure parmi les adversaires du Marché commun et les partisans les plus résolus de l'Algérie française. Le retour au pouvoir du général, à la suite des événements du 13 mai 1958, le ramène à des postes de responsabilité : garde des Sceaux en juin 1958, il est chargé d'élaborer la nouvelle Constitution ; puis il devient Premier ministre du premier gouvernement de la Ve République (1959-1962), devant alors, à contrecœur, préparer l'indépendance de l'Algérie. Ministre de l'Économie et des Finances, puis des Affaires étrangères dans les cabinets de Pompidou et de Couve de Murville, il s'attache à défendre l'idée d'indépendance nationale, puis celle de la dissuasion nucléaire au ministère de la Défense (1966-1973) dans les gouvernements Chaban-Delmas, puis Messmer. Hostile à l'évolution du régime durant le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, ainsi qu'à celle du gaullisme sous l'impulsion de Jacques Chirac, il se présente à l'élection présidentielle de 1981, où il obtient 1,65 % des voix.

Debré (loi),

loi scolaire votée en 1959.

Elle donne aux écoles privées le choix entre le statu quo (sans subventions), l'intégration à l'enseignement public ou l'établissement d'un contrat dit « simple » ou « d'association », les salaires des maîtres et/ou les frais de fonctionnement étant dans ces deux derniers cas pris en charge par l'État, en contrepartie du respect de certaines normes. Amendée par plusieurs textes législatifs, notamment en 1971, pour faciliter la transformation des contrats simples en contrats d'association, et en 1974 par la loi Guermeur, la loi Debré, malgré l'incessante opposition des défenseurs de la laïcité, continue de réguler pour l'essentiel les rapports entre l'État et les établissements d'enseignement privé. Le principe de parité qu'elle établit se trouve pleinement confirmé par les accords signés, à l'initiative de Jack Lang, en 1992 et 1993 entre le ministère de l'Éducation nationale et l'enseignement catholique, accords qui reconnaissent l'enseignement privé comme partenaire du système éducatif.

Decazes et de Glücksberg (Élie, duc),

homme politique (Saint-Martin-de-Laye, près de Libourne, 1780 - Decazeville, Aveyron, 1860).

Celui qui fut le dernier favori d'un roi de France, et qui aurait peut-être inspiré à Balzac le personnage de Rastignac de la Comédie humaine, souffre depuis toujours d'une mésestimation de son projet politique : réconcilier la monarchie et la nation à l'aube de la Restauration.

Fils d'un lieutenant particulier de la sénéchaussée et présidial de Libourne, élève de l'école militaire de Vendôme, où il a pour condisciple le philosophe Maine de Biran, Decazes poursuit à Paris ses études de droit et devient avocat. Un premier mariage en 1805 avec la fille du comte Muraire, premier président de la Cour de cassation, lui ouvre une carrière sous l'Empire : il est juge au tribunal de la Seine (1806), puis conseiller du cabinet parisien du roi de Hollande Louis Bonaparte (1808), et devient ensuite secrétaire aux commandements de Madame Mère, Letizia Bonaparte. Au début de la Restauration, il se rallie aux Bourbons et prend le commandement de la Garde nationale du boulevard des Italiens ; il se retire à Libourne durant les Cent-Jours. C'est par l'entremise de Talleyrand qu'il se voit promu, en juillet 1815, à l'âge de 35 ans, préfet de police de la Ville de Paris sous les ordres de Fouché.

S'ouvre alors une brève mais exceptionnelle carrière politique, qui conduit Decazes à gagner à la fois la confiance du roi Louis XVIII, dont il devient le confident, et à combattre résolument le parti ultraroyaliste. Successivement ministre de la Police (septembre 1815) - après l'éviction de Fouché -, puis ministre de l'Intérieur (décembre 1818) dans le gouvernement Dessolles, enfin Premier ministre de novembre 1819 à février 1820, il est, par son intelligence des réalités françaises, son habileté et sa souplesse, l'homme clé du parti constitutionnel ; il peut en outre se prévaloir de l'affection du roi, qui entretient avec lui une intense correspondance politique et familière, émaillée d'étonnantes tendresses épistolaires. Principal protagoniste de la dissolution de la « Chambre introuvable » en septembre 1816, il contribue au vote des grandes lois libérales sur les élections (1817), sur l'armée (loi Gouvion-Saint-Cyr, 1818) et sur la presse (lois Serre, 1819). En mars 1819, il parvient à contrer l'opposition de la Chambre des pairs par la nomination de soixante nouveaux membres. Mais il est poursuivi par la vindicte des ultraroyalistes, qui le rendent responsable de l'assassinat du duc de Berry, neveu de Louis XVIII, et ce dernier l'abandonne. Fait duc et pair de France, Decazes est nommé ambassadeur à Londres. Grand référendaire de la Chambre des pairs sous la monarchie de Juillet, il consacre désormais son activité au développement des mines et de la ville de Decazeville, fondées par lui en 1826.

Decazeville (grève de),

grève qui éclate le 26 janvier 1886 à la Société nouvelle des houillères et fonderies de l'Aveyron, à Decazeville.

C'est l'une des multiples manifestations sociales qui accompagnent la dépression économique des années 1880. Motivée, comme partout, par le chômage, la pression sur les salaires, et la misère quotidienne, la grève est nourrie par le contexte local : la situation de la compagnie ne justifie pas la baisse des salaires, et la personnalité de l'ingénieur Watrin attise les haines. Watrin, seul responsable présent ce jour-là, refuse de négocier, et les propos apaisants du maire ne font pas retomber la tension. Réfugié dans un bâtiment de la mine que les manifestants prennent d'assaut, l'ingénieur est blessé ; il accepte de démissionner. Mais l'émeute est trop puissante, et il est défenestré. Ces événements suscitent un grand émoi dans le pays. Alors que la grève se prolonge jusqu'au 12 juin, le gouvernement envoie la troupe, procède à un certain nombre d'arrestations, et intente un procès aux responsables présumés de la mort de Watrin.